L’araignée d''amour © Henri Cartier-Bresson
Christie’s a l’honneur d’annoncer la vente, le 14 novembre 2013, de photographies provenant de la collection personnelle d’Agathe Gaillard. Cet ensemble de 169 tirages est le fruit de rencontres et de coups de cœur de celle qui ouvrit la première galerie d’art parisienne consacrée à la photographie, rue du Pont Louis Philippe. De son ouverture à l’été 1975, jusqu’à sa fermeture en 2013, la galerie Agathe Gaillard aura organisé 250 expositions, consacrées à des créateurs aussi essentiels qu’André Kertesz ou Manuel Alvarez Bravo, accueilli des monstres sacrés comme Henri Cartier-Bresson et aidé à l’éclosion de jeunes talents comme Hervé Guibert ou Bernard Faucon. Elle a également accompagné l’incroyable éclosion de festivals (les Rencontres d’Arles, le Mois de la Photo), de musées (la Maison Européenne de la Photographie) et de grandes collections privées. Loin de tout esprit de chapelle, la collection qu’Agathe Gaillard propose chez Christie’s cet automne est le reflet de cette histoire, et des multiples rencontres qui ont émaillé une vie aux côtés de photographes.
L’histoire d’amour d’Agathe Gaillard avec la photographie débute à la fin des années 60. Impressionnée par la vigueur et la variété de la création photographique à une époque où elle est encore le parent pauvre de l’art contemporain, elle décide de se lancer dans l’édition de cartes postales reproduisant les clichés d’Edouard Boubat, Henri Cartier-Bresson, Robert Doisneau, Man Ray, Willy Ronis, ou encore Jeanloup Sieff. Malgré la perplexité ambiante, la série « Les chefs d’œuvre de la photographie » est un véritable succès.
Agathe Gaillard : « Dès le début, il a été évident pour moi que les photographes étaient des auteurs, des créateurs de mondes, des artistes en un mot. Pour cela je voulais présenter leur travail sans censure, comme eux-mêmes le voyaient, et l’exposition des tirages originaux, le premier état de leur travail, à l’instar des œuvres artistiques, me paraissait le meilleur moyen. Je pensais qu’il fallait que quelqu’un le fasse, et que je pouvais le faire».
L’ouverture de la galerie Agathe Gaillard, dans un quartier du Marais qui n’est pas encore devenu le cœur du Paris artistique, a lieu le 10 juin 1975. Sur les cimaises, on admire les clichés du photographe américain Ralph Gibson, dans le public, on retrouve le tout-Paris des photographes et des amoureux de cet art qui se sentent chez eux dans cette galerie totalement novatrice. Il n’existe alors que 3 ou 4 lieux dans le monde qui exposent la photographie comme d’autres montrent des peintures et des sculptures.
© Manuel Alvarez Bravo
Maîtres de la photographie mondiale
Edouard Boubat, Henri Cartier-Bresson, Bill Brandt, Robert Doisneau, August Sander, Marc Riboud... La liste des photographes exposés en presque 40 années d’existence de la galerie Agathe Gaillard constitue un Who’s Who quasi-exhaustif des grands noms de la photographie moderne. Parmi ces grandes figures, deux se détachent plus particulièrement. Celle de Manuel Alvarez Bravo, avec qui Agathe Gaillard aura entretenu une longue relation amicale, et dont 12 œuvres seront proposées à la vente, dont un rarissime portfolio, édité par Lee Friedlander en 1974, et estimé € 20.000 – 30.0000. Quant à André Kertesz, il constitue l’un des fils rouge de la vie d’Agathe Gaillard. C’est une des images de ce Hongrois récemment consacré par une rétrospective au Jeu de Paume, Satiric Dancer, qui fut l’un des premiers chocs esthétiques d’Agathe Gaillard. C’est avec Kertesz que la galeriste de la rue du Pont Louis-Philippe aura eu la relation amicale la plus féconde, qui culminera lorsqu’elle prendra en main la donation du photographe à l’Etat français en 1984. 16 photographies de Kertesz seront proposées lors de cette vente, permettant de retracer la carrière de ce géant de la photographie du XXème siècle, de ses débuts en Hongrie aux derniers clichés parisiens, en passant par ses vues de New York et ses célèbres « Distorsions » (estimation : €3.000-4.000, illustration ci-dessus).
© André Kertesz
40 ans de découvertes
En parallèle, Agathe Gaillard fait aussi découvrir un grand nombre de jeunes talents, comme les Français Hervé Guibert et Bernard Faucon, l’Américain Larry Clark et le Japonais Daido Moriyama. Elle ne dédaigne ni la photographie de mode, comme en témoignent les très glamours clichés du grand photographe de Vogue dans l’après-guerre, Norman Parkinson, ni les spectaculaires arrêts sur images de tours de force techniques du photographe et ingénieur au MIT Harold Edgerton. Elle expose aussi bien la grinçante série des 24 heures de la vie d’une femme, de Michel Journiac (un rare ensemble de 16 tirages estimé € 15.000 – 20.000) que les souriantes images de Robert Doisneau.
Plus qu’une collection, les photographies dont se sépare Agathe Gaillard sont le fruit de multiples rencontres. Elles expriment l’amour de la photographie dans toute sa diversité, et retracent le passage à l’âge adulte d’une discipline artistique vue par l’une de ses grandes pasionarias.