Jean-Loup Sieff

Jean-loup Sieff

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Jean-Loup Sieff Après des études secondaires aux lycées Chaptal et Decours et un bac philosophie, Jean Loup Sieff, né de parents d'origine polonaise, enchaîne les études éphémères : deux semaines de lettres, dix jours de journalisme, un mois de photo à l'école Vaugirard et sept mois à l'école de Vevey en Suisse. Il publie ses premières photographies en 1950 dans 'Photo revue'. Quatre ans plus tard, Jean-Loup Sieff débute comme photoreporter pour le magazine 'Elle', mais doit faire son service militaire. Refusant de faire la guerre d'Algérie, il est réformé au bout de trois semaines pour déficience intellectuelle. Il démission de 'Elle' pour rejoindre l'agence Magnum et voyage pour son travail à travers l'Italie, la Pologne, la Grèce. Considéré comme l'un des plus grands photographes de sa génération, celle de la "nouvelle vague", il parvient à préserver dans la célébrité la fraîcheur et la légèreté de l'adolescence. Pour ses quatorze ans, un oncle lui offre un Photax en plastique noir pour lequel il affirme : "Si jamais je n'avais pas eu ce cadeau, je serais peut-être devenu comédien, cinéaste, écrivain, ou gigolo". 'Demain le temps sera plus vieux', une anthologie sur quatre décennies, révèle d'admirables clichés : portraits, paysages, mode, publicités... Un écho en noir et blanc qu'il trouve plus réaliste que la couleur à sa carrière chez Look, Vogue, Harper's Bazaar, Match... Jean Loup Sieff, un des artistes les plus récompensés de sa génération, s'éteint à l'âge de 77 ans condamné par un cancer.


> Reconnu par ses pairs


Pour l'agence 'Réalités', Jean Loup Sieff réalise un reportage sur le Borinage en Belgique, ce qui lui vaut le prix Niépce. Il obtient également la Médaille d'argent du Club des directeurs artistiques de Londres pour ses photos de mode dans 'Nova'.



> Expos internationales


Il fait de nombreuses expositions au Brésil, aux Etats-Unis, en Yougoslavie, et en Allemagne avec la très remarquée 'La photo de mode n'existe pas'.



> Chevalier


En 1981, Jean Loup Sieff est nommé Chevalier des arts et des lettres et en 1990, Chevalier de la légion d'honneur.



> Plaisir...


Dans l'avant-propos de 'Demain le temps sera plus vieux', Jean Loup Sieff explique que sa principale motivation dans la pratique de son art est : "le plaisir physique d'exprimer certaines formes, plaisir des lumières qui rendent fou, de vivre des espaces et des rencontres...".



"MES PHOTOS SONT AUTANT DE PETITS CAILLOUX NOIRS ET BLANCS QUE J'AURAIS SEMÉS POUR RETROUVER LE CHEMIN QUI ME RAMENERAIT À L'ADOLESCENCE"



«D'abord, il y avait les yeux. Bleus. D'un bleu si bleu de ciel d'été que l'étincelle de sourire se perdait dans sa profondeur. Il y avait le visage allongé, régulier, beau sous la crinière des cheveux, longs depuis toujours et qui avaient adopté avec élégance un gris argent du plus bel effet. Il y avait la haute taille, la démarche souple, un port aristocratique sans raideur, un petit côté british et un rien dandy.
Et surtout, il y avait les mots, l'amour des mots et des jeux de mots pour un grand lecteur cultivé qui n'hésitait jamais à commettre une contrepèterie ou un coq-à-l'âne, fut-il d'un goût douteux, tant il aimait faire se choquer les sonorités et se rencontrer les sens. Et c'est ainsi que, avec son complice Robert Doisneau, Jeanloup Sieff restera comme l'un des rares photographes qui ait su, avec une dose d'humour d'autant plus précieux qu'il était fondamentalement sérieux, écrire vraiment. Et, à l'évidence, il n'y a davantage de similitudes que de différences entre l'auteur de "Trois secondes d'éternité" et celui de "Demain le temps sera plus vieux".
Restent, aujourd'hui, alors qu'il est bien difficile de faire "comme s'il n'était pas là" et qu'il n'y est plus, des souvenirs sous la verrière lumineuse, dans la galerie d'Agathe Gaillard, à Arles où à la Maison de la culture d'Amiens et, plus que tout, des images. Des photographies reconnaissables entre toutes par la profondeur de leurs noirs, le sens du contraste, l'utilisation harmonieuse et sans déformation du grand angle et, signature permanente, une lumière, apprivoisée avec une justesse rare, qui, de portraits en paysages et de derrières en frous-frous, redonne au monde une unité et une harmonie qu'il a perdues dès que nous le regardons simplement. Pour ne pas se désoler du passage du temps, le photographe l'enfermera dans le rectangle et lui conférera une éternité douce, la même, finalement, quel que soit le domaine qu'il aborde avec un éclectisme dans laquelle la femme restera cependant le point central.


Ce Parisien d'origine polonaise aura parcouru, en grand marcheur, une ville qu'il aimait par-dessus tout. Et le petit noir du matin, au Café de Flore dont il immortalisa les chaises cannées, était un rituel. Il aimait bien, là, rire de ses années d'apprentissage. Études de lettres "durant deux semaines", de journalisme "pendant dix jours", de photographie, d'abord à Vaugirard "un mois", puis à Vevey "sept mois".
Aux cours, il préférait les coulisses de la danse classique, un de ses premiers amours, qu'il poursuivra durant longtemps, et qu'il reprendra pour une commande collective sur l'Opéra Garnier avec son sens précis de l'espace et du corps dans l'espace, sans effet, sans aucun spectaculaire, à la recherche de la perfection formelle, rendant compte du travail des danseuses. Un tutu, suspendu aux cintres, devient une sculpture de lumière et, pour qu'il ne soit pas trop impressionnant, un petit mot maladroitement épinglé le renvoie à la contingence du nettoyage.
Après ce semblant de formation, il devient, tout jeune, une petite star de la mode en rejoignant l'équipe du Elle prestigieux. C'est la fin des années cinquante et la mode est en ébullition. Quelques trublions de talent vont remuer l'imagerie, jusque-là bien figée, du genre. Sieff n'est pas le dernier dans ce monde de jolies filles qu'il adore à pratiquer un mode d'impertinence rendue acceptable par la perfection de la réalisation. Brutalement, il quitte le confort de cette situation pour rejoindre Magnum, où il ne restera que quelques mois, juste le temps d'enterrer Pie XII, de témoigner du combat des mineurs du Borinage belge, et d'obtenir le Prix Niépce.


Puis, à partir de 1961, ce sont les États-Unis, pour cinq années glorieuses de collaboration avec les plus grands magazines pour lesquels il réalise portraits et séries de mode. Le "frenchie" a séduit, avant tout le monde, un milieu pourtant fermé, difficile à pénétrer.
De retour à Paris, il continuera, jusqu'à la fin, à faire des images, pour lui-même ou en commande, pour la presse aussi bien que pour la publicité.
Il signera l'image du premier parfum Saint Laurent en faisant poser YSL tout nu et s'attachera à réunir ses images dans des livres qu'il considérait comme le meilleur vecteur pour la photographie. Avec son complice Chenz, il concoctera un manuel de photographie aussi désopilant que sérieux, démystifiant la technique tout en l'enseignant. Et il deviendra éditeur pour une trop courte collection, inaugurée avec sa somptueuse visite à la Vallée de la Mort et dans laquelle il publiera aussi bien la "Loire" de Robert Doisneau que "l'Égypte" de Duane Michals.
Personne ne pourra oublier Hitchcock à qui il demande de participer à une photographie de mode dans laquelle le cinéaste fait semblant d'agresser le mannequin. Ni son Montand, ni son Coluche, ni sa Sagan, ni tant d'autres. Ses portraits, qui ne sont jamais psychologiques, ne sont jamais des confrontations, simplement, sur un fond uni, en laissant la lumière, de préférence naturelle, révéler les traits, une manière de recueillir une impression, un sentiment, qui font sens, qui disent à la fois une tendresse et une fragilité, et, toujours, une sérieuse écoute, respectueuse et attentive, de celui ou de celle qui se trouve devant l'objectif.



Le marcheur qui revendiquait les adjectifs "superficiel et frivole" sans jamais convaincre, sinon de son sens de l'humour et de sa volonté de ne pas prendre au sérieux ce qui ne saurait être tragique, laisse une collection de paysages tout à fait uniques sous l'extension de son grand angle. Parmi les derniers, un ensemble consacré aux cimetières militaires qui, dans le Nord et dans l'Est, disent les grandes guerres. Pour une exposition chez Agathe Gaillard, il avait qualifié ses paysages de «hautains» et les faisait dialoguer avec des «portraits de dames remarquables pour une raison ou pour une autre». Façon, toujours, de désamorcer la glose sérieuse qui aurait pu s'appliquer à ses images en des temps où les commentaires sur la photographie devenaient de plus en plus sérieux.
Il avait, dès 1982, résolu le "problème" de façon radicale : "Il y aura toujours les tenants de la photo art et ceux de la photo document, ceux de la photo souvenir et ceux de la photo témoignage, mais la définition de l'art en général ou de la photographie en particulier restera aussi controversée que le sexe des anges. Pour simplifier ce débat éternel et vain, je propose, sans grand espoir d'être suivi, de classer les photographies en deux grandes familles : les bonnes et les mauvaises !".
C'était sa façon à lui de lutter contre ce qu'il haïssait le plus, la bêtise humaine.»


Christian Caujolle, ami et directeur de l'agence Vu