Jean-Baptiste Belley, 2014 Se?rie Diaspora © Omar Victor Diop Courtesy Galerie MAGNIN-A, Paris.
L'abbaye de Jumiège accueille « En/ quête d’identité » du 12 mars au 12 juin 2016. Dédiée à la photographe franco-marocaine http://fr.actuphoto.com/34183-interview-de-leila-alaoui-je-voulais-surtout-eviter-le-regard-condescendant-.html", tuée lors des attentats de Ouagadougou en janvier 2016, l'exposition regroupe plus de quinze artistes qui ont illustré leurs interrogations autour de l'identité au XXIème siècle.
« En/quête d'identité » est une réflexion à échelle humaine. Qui sommes-nous réellement ? Les changements que nous vivons ou l'image que l'on veut donner ? Pour nous aiguiller dans ces interrogations, les artistes ont utilisé des supports qui parlent à chacun d'entre nous. De la traditionnelle photo à la vidéo, en passant par la réalité augmentée, ils ont recherché l'innovation aussi bien sur le support que dans la perception du portrait.
L'art pour témoigner de la transformation
L'autoportrait vidéo de Cris Birrenbach accueille le spectateur et le plonge directement dans le vif du sujet. Regard caméra, gestes accélérés, on assiste à la métamorphose d'une jeune femme. Elle se coupe entièrement les cheveux aux ciseaux et se démaquille. Ce changement fait, elle met une perruque, semblable à la coupe de cheveux qu'elle avait deux minutes de vidéo plus tôt et sort du champ sur la gauche... avant de rentrer dans le champ sur la droite, ce qui donne l'impression d'une boucle sans fin.
Identitade © Cris Bierrenbach, 2003
A l'opposé de cette transformation rapide et brutale, c'est tout en douceur que Catherine Ikam illustre la perte de l'identité avec « Face ». Pour voir l'œuvre, il faut passer par un rideau noir. Une fois dans la salle, la pénombre et la musique douce nous entourent. On observe sur l'écran un visage sous forme de particules colorées. Il change au fil des secondes, passant d'un visage d'homme à celui de femme. Hypnotisant et relaxant, l'oeuvre de Catherine Ikan nous fait réfléchir au rythme des mutations d'un être numérique qui se redéfinit sans cesse.
A l'instar des transformations faites devant nos yeux, Valérie Belin, avec sa série de photographies Les sosies de Michael Jackson, montre que l'amélioration peut être l'oeuvre de toute une vie. La vie du chanteur américain a été rythmée par ses chirurgies esthétiques et son changement d'apparence. La vie de ses sosies aussi. Les « améliorations » de Michael Jackson ont donc inspiré ceux qui le copient uniquement sous sa forme définitive.
Michael Jackson #5 ©Valérie Belin, 2004
Dialogue passé/ futur
Le photographe Omar Victor Diop mélange des habits des XVe et XIXe siècles avec des accessoires contemporains de football. Il met ainsi en image l'importance du dialogue entre Afrique-Europe et Afrique-Asie et le rôle important que les Africains ont joué (et jouent encore) sur le plan politique et sportif.
Jean-Baptiste Belley, 2014
Série Diaspora
© Omar Victor Diop
Courtesy Galerie MAGNIN-A, Paris.
Tandis que le photographe mêle passé/présent dans une même œuvre, Orlan inclut directement la technologie dans sa série Masques Pékin Opéra. Elle utilise la réalité augmentée, encore rare dans les salles d'exposition. Il est possible pour les spectateurs de se prendre en photo avec un avatar d'Orlan et de la partager sur les réseaux sociaux. Grâce à l'application « Augment », les œuvres prennent vies et exécutent même des acrobaties devant nos yeux. Dans la lignée de son engagement pour la libération du corps de la femme, Orlan a choisi de s'inspirer des masques de l'opéra de Pékin car les femmes y ont longtemps été interdites.
Série : Masques Pékin Opéra, Facing Designs et réalité augmentée Titre : Pékin Opéra Self-hybridation n°1
Date : 2014
Dimensions : 120 x 120 cm
Courtesy de l’artiste et Michel Rein, Paris/Bruxelles
Là où certains utilisent la technologie comme partie intégrante de leurs œuvres, d'autres l'utilisent pour aller à la rencontre de leurs sujets. C'est le cas de l'artiste Leila Alaoui qui a voyagé au Maroc afin d'immortaliser dans son studio photo les tenues traditionnelles de différentes tribus. Sa série, Les Marocains, n'est pas seulement un travail documentaire, c'est aussi une œuvre mémorielle, primordiale dans la quête d'identité.
Les Marocains, Ait Hani #1 © Leila Alaoui, 2014
On se définit par nos actions
Pour s'interroger sur l'identité, d'autres encore préfèrent l'humour. C'est le cas de Moussa Sarr, photographe et vidéaste. A peine entré dans l'exposition, on entend les cris de sa vidéo, « Duo de chat », provenant des escaliers. Perchée au dessus du vide, cette vidéo met en scène l'artiste lui-même. Il joue le rôle d'un chat qui se fait agresser. Malgré ses appels à l'aide, personne ne vient l'aider. Après s'être renfermé sur lui, il découvre ses griffes et leur pouvoir de destruction. Il se confronte donc à un choix difficile : aider les plus faibles ou profiter de ce pouvoir pour devenir « bourreau ». Les vidéos de Moussa Sarr n'ont pas de morale comme peut l'avoir une fable. Les histoires se déroulent et le spectateur est libre d’interpréter le sens de l'oeuvre. Cette vidéo nous amène littéralement à sa série de photographies intitulée « Peur de l'autre ». Les clichés en noir et blanc, plan serré sur lui, représentent de façon caricaturale les expressions faciales que l'on a face à quelque chose qui nous fait peur.
Duo de chats © Moussa Sarr, 2015
« En/quête d'identité » ne se résume pas uniquement à ces thèmes. Elle propose autant de pistes de réflexion que d'exposants. Le mieux pour s'en rendre compte est d'y aller !