©Alix Cléo Roubaud
« Le Spectre du surréalisme, Survivance du surréalisme dans la photographie contemporaine» est le dernier ouvrage coédité par le Centre Pompidou et l'éditeur Textuel. Il s'agit en réalité du catalogue de l'exposition du même titre visible aux Rencontres d'Arles et réalisé par les deux commissaires d'exposition : Daramis Amao et Karolina Ziebinska-Lewandovska. Au cœur de se projet : étudier les réminiscences du surréalisme dans la photographie actuelle, par un parcours historique à travers la collection photographique du Centre Pompidou.
« SPECTRE- Décomposition, destruction du volume illusoire. – Instabilité extra-plate, extra-mince. – Rapidité lumineuse. – Périmètre physique. – Erection exhibitionniste. – Silhouette chimique. – Dissection explosive. – Instantanéité raide, hystérique de voyeur. – Terreur fine biologique. Exemples de spectres : Picasso, Gala, Harpo Marx, Marcel Duchamp, brosse, etc. »
André Breton et Paul Éluard, Dictionnaire abrégé du surréalisme, 1938.
Alors que l'introduction plante le décor historique de l'émergence du surréalisme en photographie, les chapitres présentent des thèmes surréalistes et quelques photographes qui en ont fait leur objet d'étude.
Le goût pour l'irrationnel en photographie se développe à partir des années 20 et prend vraiment pied dans le domaine jusqu'aux années 40. C'est autour d'André Breton que l'appareil photo apparaît comme un outil au service de l'artiste. Se développe ensuite un rapport expérimentale face à cet outil, qui devient performance et technique.
Le développement de la recherche sur le surréalisme marquée par la publication d'ouvrage s'est développé en parallèle de la construction d'une collection de photographie au musée national d'Art Moderne dans les années 70.
L'exposition « Le Spectre du Surréalisme » et son catalogue s'intéresse aux différentes pratiques photographiques du mouvement et étudie son impact sur la modernité.
© Agnès Geoffray
« L'époque des sommeils »
C'est le premier des sujets, couvert par René Crevel, Max Morise ou encore André Breton et des artistes contemporains perpétuent ce thème, comme Agnès Geoffray et Dora Maar. Les corps en lévitations, les contrastes maladifs et des scènes troublantes caractérisent le travail de l'une tandis que l'autre traduit les forces occultes à travers des photomontages.
« Rêver les yeux ouverts »
Un autre intérêt des photographes du surréalisme est pour cet espace-temps floue entre sommeil et éveil, qu'ils ont tenté de capter avec leurs appareils photo. C'est le cas pour Brassaï qui a recherché ces sensations dans la nuit parisienne. Figées, ses photos expriment une latence troublante, comme hors du temps. Dayanita Singh est la deuxième photographe de ce chapitre et ses promenades nocturnes l'ont mené dans une série de villes non identifiées, avec la particularité de produire des images très contrastées.
« Les profondeurs du langage »
C'est sur la forme mixte de livres entre photographies et textes que se porte aussi le surréalisme. Cette impulsion est née chez André Breton de « faire éclater cette forme narrative » de la photographie à travers un roman parisien intitulé Nadja. C'est alors Jacques-André Boiffard, assistant de Man Ray, qui a été chargé des photographies de lieux parisiens. Sophie Calle réactualise cette forme par un projet plus poussé : raconter des histoires mobilisant l'affect, mais de plusieurs façon différentes. A chaque fois, la même photo surplombe le récit, prenant des sens variables en fonction du ton de l'histoire.
L' « inconscient de la machine »
C'est l'aspect de projection de l'artiste qui est ici visé, l'appareil photo étant perçu comme un modèle de pensée. Raoul Ubac et Alix Cléo Roubaud se sont penchées sur la technique pure du média pour réaliser des tirages fantasmagoriques de corps humains.
© Lukas Jasansky
« Traquer la bête folle de l'usage » André Breton
L'objet devient le sujet de réflexion des photographes surréalistes. Par une approche documentaire, Man Ray créer des clichés aptes à « défamiliariser » l'objet et obtenant ainsi des photos très esthétiques. Lukas Jasansky et Martin Polak est le duo de photographes tchèques qui par l'objet, parviennent à l'abstraction. D'une netteté exemplaire, leurs images poussent les objets au rang d'oeuvres d'art.
L' « expérience continue »
C'est la volonté artistique de s'affranchir des formes et de rester dans l'expérimentation. Le résultat se présente chez Erwin Wurn sous la forme de performances où la photographie ne prends que la place du témoin. Les images apparaissent alors décalées et pleines d'humour car improbables.
© Julius Koller
Sur la lancée de Paul Nougé et René Magritt qui cherchaient à déterminer l'efficacité des images, Julius Koller propose des portraits autour de la thématique du jeu dans le but de recréer des interactions sociales coupées par le rideau de fer dans la Prague de l'après Seconde Guerre Mondiale.
© Eva Kotatkova
L' « Enquête sur la sexualité »
Les surréalistes se sont rapidement intéressés à la psychanalyse, dont le fétichisme sexuel fait partie. Il s'agit du report de désir sexuel sur des objets de substitutions ou sur des parties du corps habituellement asexuées. Cette déviance prendrait son origine dans une peur adolescente de la castration. La traduction photographique chez Hans Bellmer et Eva Kotatkova correspond à des images de poupées érotiques dans des jeux de lumières colorées et des photomontages troublants de parties du corps humain.
« L'amour, la sexualité et les fantasmes érotiques »
Alors que le marquis de Sade est un des pères spirituels des surréalistes, ceux-ci font preuves d'un nouvel intérêt dans les années 20 et 30 pour l'amour. Dans cette idée, Jindrich Styrsky qui s'emploie à populariser l'art érotique en Tchécoslovaquie et la réalisatrice Aneta Grzeszykowska fabriquent des images sensuelles et artistiques sur ce thème. Des photomontages de scènes érotiques épiées par des yeux gigantesques aux parties érogènes du corps sur fonds blancs, ces travaux explorent en image les sensations émotionnelles et physiques des rapports sexuels et sentimentaux.
© Jindrich Styrsky