Magnum Photos, New York 1974 © Elliott Erwitt
Mois de la photo 2012 Maison européenne de la Photographie 5/7 rue de Fourcy 75004 Paris France
Galerie Photo Fnac-Forum des Halles 1/7 rue Pierre Lescot 75001 PARIS 75001 Paris France
Galerie Photo Fnac Montparnasse 136 rue de Rennes 76006 Paris France
Depuis que Baudelaire a violemment condamné la photographie qui ne saurait être qualifiée de pratique artistique tant» le goût du Vrai y opprime le goût du Beau «, la question de la représentation du réel ne cesse de se poser. Une analyse des œuvres issues de la collection de la Fnac permet d’aborder cette question et de comprendre les diverses modalités ainsi mises en œuvre pour se libérer du réel et aborder le monde avec un autre regard qui souvent associe l’imaginaire, l’étrange, l’étonnement ou l’humour.
Tout d’abord, la nature elle-même peut nous intriguer par une apparition surprenante, telle cette émouvante image de gémelléité de Jane Atwood qui ainsi répète ce qui aurait dû rester unique. Qu’il s’agisse de juxtapositions incongrues chez Paul den Hollander ou de la représentation du vraisemblable avec les photographies de Joan Fontcuberta et Mimmo Jodice, les museums d’histoire naturelle demeurent des terrains de
jeux inépuisables pour les amoureux de l’étrange . Surprenant aussi le changement d’échelle sur lequel s’appuie Raymond Depardon lorsqu’il isole son personnage dans l’immensité du désert. De manière amusée, Gisèle Freund ou Elliott Erwitt jouent à leur tour sur cette même problématique pour décrire la relation entre l’ homme et l’animal, instillant un zeste de supériorité quant à notre condition d’êtres humains : ainsi André Malraux domine-t-il son chat de toute sa stature et le chi-hua- hua accède-t-il tout juste aux bottes de son maître.
Séquence biographique, 1992 © Bavcar Evgen
Pour affirmer la différence et le décalage par rapport au réel, de nombreux photographes comme Charlélie Couture, Inge Morath ou Gottfried, se travestissent ou, plus fréquemment, se transforment par l’usage de masques – je suis tout à la fois moi et un autre, semblent-ils affirmer – ou par le biais de collages dont Roman Cieslewicz s’est fait le chantre ; par ailleurs cette recherche sur le dédoublement de la personnalité se rencontre sous une forme différente chez Jean Dieuzaide, avec le recours à la surimpression tandis que William Klein , pour une série célèbre de photographies de mode, opère un rapprochement appuyé entre le dessin du passage pour les piétons et le motif spécifique de la collection haute-couture.
Parce qu’il est aveugle, Evgen Bavcar associe à une réalité qui lui est décrite, sa propre vision d’un monde poétique et personnel pour nous entraîner dans un ailleurs inconnu tandis qu’Ouka Lélé se retire dans sa chambre noire pour jouer des éléments chimiques et nous conter son univers onirique . Etrangetés encore pour ces formes improbables crées de toutes pièces par André Kertesz, ce comique de situation repéré par Janine
Niepce dont le corbillard et les chevaux placides attendent dans la cour de ferme, pour Doisneau qui conduit ses mariés vers le rite de passage entre deux chaises ou pour Korda dont l’observateur s’est perché, seul, en un lieu inaccessible.
Pour le reste, Gilbert Garcin poursuit sa tâche infinie de retricoter sa vie, Bernard Faucon s’invente des camarades d’enfance, Pascal Benoït entreprend de pister les animaux sauvages, Philip Lorca di Corcia s’offre son double et Clark et Pougnaud, en véritables démiurges, ne cessent de se raconter des histoires merveilleuses dont ils pourraient être les héros car, tous, ont compris que, seule la mise en scène et la photographie pouvaient leur permettre de vivre leurs rêves éveillés et de se composer des albums, certes étranges, mais fabuleux.
Malraux Ministre à la Lanterne, 1967 © Gisèle Freund