Après l'Insensé Japan, Pays-Bas, Espagne, États-Unis, Berlin et British, voici le tour de la Suisse d'être encensée par L'Insensé. Comme à son habitude, le magazine est de toute beauté, et à un prix raisonnable et abordable : 20 euros.
« La Suisse s'affiche comme un pays « neutre ». Cela ne signifie pas pour autant que ce petit pays situé au milieu de l'Europe se soit retiré du monde pour cultiver son « ailleurs ». Depuis toujours ses habitants ont ressenti une ardente obligation de curiosité vers le monde extérieur, à travers les livres, les films, la finance... et la photographie ! ».
L'Insensé Suisse met l'accent sur des photographes (plus de 50) qui développent de nouvelles pistes. « Au-delà de la grande tradition du documentaire, genre ici subtilement revisité, et de la légendaire perfection technique suisses s'expriment des approches uniques, extravagantes, ludiques, interrogeant non sans humour et poésie notre réalité mais aussi celle plus spécifique de la culture helvétique ».
© Urs Lüthi
La Suisse est certes un petit pays mais comme le souligne Luc Debraine, journaliste culturel au magazine l'hebdo à Lausanne, « à petit territoire, grande photographie ». La photographie contemporaine suisse est exemplaire, il faut dire que la Suisse regorge d'écoles de photographie : écoles de Lausanne, de Vevey, Genève et Zurich, qui sont reconnues par la profession et offrent un enseignement de qualité. Les photographes diplômés de ces écoles occupent une place de choix sur le marché de l'art contemporain et nous offrent un panorama complet de la photographie contemporaine locale.
© Danaé Panchaud
Focus sur quelques insensés :
Le travail d'Olaf Breuning intitulé, Marilyn, est absolument fabuleux et original. Entre peinture et photographie, il prend en photo des corps peints à la manière des grandes icônes qui ont marqué l'histoire de l'art : Vincent Van Gogh, Yves Klein, Francis Bacon, Andy Warhol, Joan Miro, Man Ray, Jackson Pollock ... Un « body painting » en mode auto dérision et une vision acerbe et drôle à la fois. « Son univers esthétique est construit autour de l'hybridation et de l'indétermination, brouillant toutes sortes de limites et de frontières entre les genres et les sexes, entre le réel et la fiction ».
Les clichés d'Andri Poli sont surprenants de beauté, et une photo en particulier à marqué mon attention : Un éléphant pris en gros plan, la trompe tronquée par le cadre, son œil dans la lumière, et le regard d'un homme, qui fait écho à celui de l'animal. La photo est étonnante, envoutante. Le regard de l'éléphant est humanisé, on a envie de le toucher, de la caresser : une impression magique.
Laura Sanna se consacre aux traditions suisses dans sa série Pour une lutte, avec toi. « Le principe est simple, quasi originel : deux hommes face à face, mains nues. Les traditions perpétuent quelque chose de primitif, quelque chose des temps anciens qui perdure. Pour cette raison, je présume qu'elles reflètent un pan identitaire, une clé culturelle. Sous une forme que je souhaite ouverte. J' interroge la tradition de la lutte sur la notion d’appartenance du groupe et de survie » (Laura Sanna). Un travail construit qui renoue avec les traditions suisses et qui nous montre une partie de ce petit pays qu'on connait peu.
Catherine Leutenegger surprend avec sa série « Welcome Home Baby » qui induit la confusion entre l'être vivant et l'objet inanimé. Cette série présente une collection de poupées d'une surprenante ressemblance avec le corps d'un vrai bébé. D'une beauté troublante et d'une extraordinaire force esthétique, ces images nous renvoient aussi vers la mort. Figé et en plastique mais pourtant d'une réalité bouleversante, ces étranges poupées semblent en attente de vie.
Avec plus de 50 photographes sélectionnées, tout le monde trouvera son bonheur dans le dernier numéro de l'Insensé. Luc Debraine et Christian Caujolle ont également participé au numéro : Luc Debraine décrit la scène photographique de son pays avec un ton tonique et distancié, tandis que Christian Caujolle relate l'exceptionnelle production des éditeurs suisses. L'Insensé Suisse est un vrai régal pour nos yeux et une très bonne idée de cadeau pour Noël, pour tous les amateurs de photographie contemporaine.
© David Favrod
Alexandra Lambrechts, le 15 décembre 2011.