Musée The family of man Château de Clervaux B.P. 31 L-9701 Clervaux Luxembourg
« La plus grande exposition photographique de tous les temps » créée en 1955 par Edward Steichen pour le Musée d’Art Moderne (MoMA) de New York.
dward J : Steichen, photographe américain d’origine luxembourgeoise, commence en 1951, en pleine guerre froide, à préparer son grand projet d’une exposition expliquant l’homme à l’homme par le langage universel de la photographie. Pour réaliser ce projet, il lance un appel à des photographes professionnels et amateurs, à des auteurs renommés ou inconnus du grand public. Son idée fut accueillie avec enthousiasme et il reçut plus de 2 millions d’envois en provenance du monde entier, dont Steichen et son assistant Wayne Miller sélectionnent 503 photographies de 273 auteurs originaires de 68 pays. Parmi les photographes se trouvent par exemple : Hernri Cartier-Bresson, Robert Capa, Bill Brandt, Robert Doisneau, Dorothea Lange, … Elles composent « The Family of Man » à travers 37 thèmes présentés par des accrochages impressionnants allant de l’amour à la foi en l’homme, en passant par la naissance, le travail, la famille, l’éducation, les enfants, la guerre et la paix… E
L’exposition connut un succès extraordinaire. Après sa présentation au MoMA, différentes versions itinérantes de l’exposition font le tour du monde et sont vues par plus de 9 millions de visiteurs.
La grande entreprise photographique qu’est « The Family of Man » a provoquée jusqu’à ce jour beaucoup de commentaires et de réactions. Des textes innombrables ont accompagné la tournée mondiale de l’exposition à partir de 1955, allant du simple article de presse descriptif ou critique à des études et analyses approfondies. « The Family of Man » a eu également une influence considérable sur d’autres projets d’expositions qui ont réagi par rapport au modèle historique.
En 1964, à la fin de son périple mondial, la dernière version itinérante encore existante est donnée par le Gouvernement américain au Grand-Duché de Luxembourg. Steichen désirait y voir « l’oeuvre la plus importante de sa vie » installée de façon définitive. En 1966, Edward Steichen s’est exprimé en faveur du site du Château de Clervaux. Conformément à son voeu, la collection fut installée à Clervaux, où elle est présentée au public dans le respect de l’installation originelle et dans les conditions physiques nécessaires pour la sauvegarde à long-terme des photographies.
L’exposition a été restaurée par les soins du Centre national de l’audiovisuel (CNA). La restauration des panneaux endommagés au cours de leurs voyages fut décidée à la suite de l’expertise d’Anne Cartier-Bresson, responsable des ateliers de restauration des photographies de la Ville de Paris. La tâche fut confiée à Silvia Berselli et son équipe qui remirent en état l’intégralité de la collection en 2000 heures de travail.
Suite à ce travail de restauration, l’exposition renaît à travers sa (re)présentation. Avant son installation définitive à Clervaux, elle fait ses derniers voyages et est exposée à Toulouse, Tokyo et à Hiroshima.
Le nouveau musée au Château de Clervaux a ouvert ses portes le 3 juin 1994. L’exposition y est installée de façon définitive dans un cadre muséologique et didactique contemporains. L’oeuvre d’Edward Steichen est accompagnée d’une lecture de différents éléments, comme le contexte politique et culturel de sa genèse. Il offre au public l’information aujourd’hui nécessaire pour saisir la multidimensionnalité de la légendaire création de Steichen.
L’exposition fut inscrite dans le Registre de la Mémoire du Monde de l’UNESCO en 2003.
« L’exposition […] démontre, que la photographie est un processus dynamique qui donne forme aux idées et qui peut expliquer l’homme à l’homme. […] The Family of Man a été créée dans un esprit passionné d’amour et dévoué de foi en l’homme. »
(E. Steichen, dans le prologue du catalogue de l’exposition)
Luxembourg – The Family of Man. L’exposition photographique, composée par le photographe Edward J. Steichen en 1955 pour le Musée d’Art Moderne de New York (MoMA) a été offerte au Grand-Duché du Luxembourg par le gouvernement américain. Elle est préservée au Musée dans le Château de Clervaux. L’exposition est constituée de 503 photographies prises par 273 photographes professionnels et amateurs, célèbres et inconnus, issus de 68 pays. Elle a été décrite comme « le plus grand projet photographique jamais entrepris ». Une grande entreprise aux dimensions culturelles et artistiques, qui a eu une influence considérable sur des organisateurs d’expositions, qui a suscité l’intérêt du grand public pour la photographie et qui a été puissant dans sa capacité à communiquer
un message humaniste qui était aussi courageux que provocateur. L’exposition The Family of Man est devenue une légende dans l’histoire de la photographie. Elle a été loin au-delà des conceptions traditionnelles des expositions et elle peut être considérée comme la mémoire d’une ère entière, celle de la Guerre Froide et du Maccarthisme, pendant laquelle les espoirs et désirs de millions d’hommes à travers le monde étaient tournés vers la paix.
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Les thèmes :
1. Prologue : la création de l’univers – la création de l’homme
2. couples amoureux
3. la naissance
4. mères et enfants
5. pères et fils
6. le jeu des enfants
7. enfants perturbés
8. thème central : images de la famille
9. l’agriculture
10. le travail
11. la maison et le bureau
12. le repas
13. la musique
14. la danse
15. jouer, boire
16. la musique folklorique
17. le kiosque des farandoles
18. apprendre, penser et enseigner
19. les relations humaines
20. la mort
21. la solitude
22. la souffrance et la pitié
23. les rêveurs
24. les religions
25. la misère et la famine
26. la cruauté de l’homme envers l’homme
27. les rebelles
28. la jeunesse
29. le débat public
30. la justice
31. les visages de la guerre
32. le soldat mort
33. l’explosion d’un bombe à hydrogène
34. l’ONU
35. les enfants
Christian Caujolle
Une Famille … Orpheline du Réel
Pourquoi il ne faut pas voir dans The Family of Man une approche de type photojournaliste du monde.
he Family of Man est une exposition “record”. Une mythologique organisation qui, pour avoir drainé les foules (neuf millions de personnes de par le monde) vers 503 images venues de 68 pays est entrée au Panthéon des événements intouchables. Un succès tel que, avec une nostalgie non dénuée de calculs financiers, une équipe américaine (la même qui organisa les rentables fast food de « A Day in the Life of… ») prépare un remake de la spectaculaire mise en scène par Steichen. L’exposition est devenue à ce point mythique que plus personne ne semble éprouver le besoin d’aller voir les images et de s’intéresser au sens de leur sélections, ni au sens que ses parti-pris ont acquis dans le temps. On vénère la Family, sans discussion. Et on oublie de s’interroger sur les influences de ce « Circus » américain sur la photographie de reportage, tant au niveau de public que des professionnels. Pourtant, à cause de ses principes esthétiques, en raison de la période dans laquelle elle fut conçue et s’est développée, parce qu’elle a eu un succès considérable et qu’elle est devenue une référence obligatoire, « la famille de l’homme » pèse, de façon parfois dangereuse, sur la définition et les enjeux d’une pratique de la photographie. T
Il ne faudrait, tout d’abord, pas oublier que cette exposition est américaine. Et la première référence photographique, tant pour Steichen que pour le photographe Wayne Miller, est dans la presse illustrée. Life et Look essentiellement. Cela correspond précisément au fait que, à cette époque, le support presque exclusif de la photographie est l’imprimé et que des millions d’exemplaires de magazines permettent aux lecteurs de découvrir le monde par procuration. La nostalgie de cet « âge d’or » supposé du photojournalisme explique aussi aujourd’hui que l’on ne regarde l’exposition de MoMA que dans une perspective de mythification. Cette époque correspond aussi à des esthétiques développées par Magnum et Black Star, esthétiques différentes du photojournalisme, que nous retrouvons dans l’exposition comme caractéristiques d’une époque, mais certainement ambiguës dans la relation qu’elles instaurent entre le réel et la photographie. Tout cela donne une approche très particulière de la photographie européenne qui n’est, de ce fait, considérée que dans la mesure où elle « cadre » avec le propos global.
D’autant plus qu’en fait, l’exposition, bien qu’étant un grand moment de l’exposition des photographies, n’est pas une exposition « photographique » dans son fonctionnement et ses critères. Il s’agit d’abord, autour d’une approche humaniste et gentillette d’approcher les « âges de la vie » pour une grande fresque qui, de Sibérie en Amérique Latine confronte les modes de vie, les rites de passage, les traditions, de la naissance à la mort. L’exposition se veut informative au sens premier du terme et elle veut émouvoir, toucher, par des images à la fois évidentes et bourrées de bonnes intentions parfois un peu lourdes. Cela explique que, si la plupart des signatures importantes de l’époque sont présentes, elles ne soient pas forcément représentées par des oeuvres majeures. La signature – la reconnaissance de l’importance d’un photographe – est là davantage comme un gage 30
de qualité que comme écriture spécifique autour de ses images. La préoccupation – grand public ? – est davantage celle du récit journalistique que celle de l’approche historique et esthétique de la photographie. Ce qui explique la présence d’images médiocres qui nous présentent un enfant dans une peuplade exotique indispensable… Et vu l’absence, par exemple, d’images importantes de Robert Frank, William Klein, Herni Cartier—Bresson ou autres, le propos étant descriptif, tout se passe comme si la source iconographique première se situait non dans l’oeuvre des photographes essentiels, mais dans la production et les publications des magazines. The Family of Man, si elle est la première grande exposition de photographies à circulation internationale, n’est pas un ensemble au propos photographique affirmé. Son découpage qui le prouve d’ailleurs, suit les moments de la vie et ne met jamais en évidence les propos d’auteurs et les écritures. Cette grande iconographique de la vision de l’homme dans les années cinquante a donc confronté les conventions d’écriture et les stéréotypes qui prédominaient dans la presse magazine majoritaire de l’époque. Au travers du succès de l’exposition, c’est cette vision qui a été valorisée et promue auprès du public et légitimée auprès des éditeurs de presse, une vision humaniste et bien pensante qui affirme que le « sujet » est toujours plus important que la manière dont il a été regardé…
On peut donc s’interroger sur les ravages produits, dans le domaine du goût photographique et de la lecture de l’image fixe, par cette machine prestigieuse, toujours précédée d’un important battage médiatique dans les grands supports illustrés de l’époque. L’importance de l’exposition lui a donné le pouvoir, bien qu’elle ait fait l’économie des analyses strictement photographiques, de déterminer ce qui était « bon » et « mauvais » dans ce domaine. Il serait fastidieux de faire la liste des auteurs absents ou, surtout, des images moyennes de photographes importants dont les oeuvres majeurs ont été oubliées. Et cette exposition « historique » n’est en aucun cas un instrument pour lire l’histoire de la photographie. Elle est par contre un merveilleux ensemble pour décrypter un moment de l’histoire du goût confronté à la production photographique. Il faut aussi se pencher sur la présentation de l’exposition. Présentation ambitieuse et totalement originale à une époque où les rares expositions de photographies alignaient sagement des tirages en format unique. Mais cette volonté de spectaculaire souligne encore l’absence d’approche réellement critique sur la photographie : c’est en grand format que seront présentées les images les plus « jolies », les plus « touchantes », rejoignant en cela des approches journalistiques destinées à convaincre un large public américain que la presse avait habitué à d’édifiants histoires de type familial. L’accrochage est pensé comme mise en scène, design et illustration, et non comme un guide à la lecture critique des images. Le retour du spectacle, comparable à celui des doubles pages de Life, est accentué par la dramatisation des éclairages. En ce sens, l’exposition est parfois la caricature d’une certaine propension à mettre en avant des images d’enfants dans lesquelles les familles sont sensées retrouver leur environnement et s’identifier aux protagonistes. Ce type d’approche est encore une fois une affirmation de la primauté du sujet, au détriment des questionnements esthétiques. Il apparaît très clairement aujourd’hui qu’un énorme décalage existe entre le succès, et donc l’importance sociale de l’exposition, et ses enjeux pour la photographie. Enorme machine publicitaire qui mit en relation le public de la presse illustrée et ses images favorites présentées au Musée, elle ne donne à aucun moment les moyens, pour ce public, de prendre une distance critique vis-à-vis de la photographie. Elle défend, défait, l’ambiguïté fondamentale qui consiste à faire coïncider le réel et la photographie et, au-delà, à faire croire que la photographie est « objective », « juste », « vraie », et incidemment « bonne » et « positive ». Toutes notions fausses qui continuent aujourd’hui à hanter un photojournalisme qui risque fort d’être victime de cette compréhension erronée. A ce titre, on peut même craindre que, en légitimant ces approches, The Family of Man ait été dangereuse pour une approche photographique du réel, celle qui est liée à l’information, et qu’elle prétendait défendre.