© Santu Mofokeng, Eyes Whide Shut, Motouleng Cave, Clarens, from Chasing Shadows, 2004, Courtesy of The Walther Collection & Lunetta Bartz/MAKER, Johannesburg
Quand on voit les clichés qui ouvrent l'exposition, on peut se demander si Simon Njami n'était pas un peu visionnaire. En effet, on y voit les images de Bernd et Hilla Becher – à quelques jours du décès de cette dernière – qui sont également les premiers achats du collectionneur, et de ce fait, constituent le noyau dur de la collection.
© Bernd and Hilla Becher, Kies- und Schotterwerke (Gravel Plants), 1988-2001 Courtesy The Walther Collection and Sonnabend Gallery
La première fiction présentée est celle du jardin, qui fait écho au titre de l'exposition. A travers le regard de cinq photographes, les paysages de jardins sont, eux, déshumanisés – mais montrent l'empreinte que l'Homme a laissé à coups de guerres, de colonisations ou d'industrialisation. Santu Mofokeng et sa série Chasing Shadows questionnent la relation entre mémoire et paysage en Afrique du Sud : on y voit des rituels religieux pratiqués dans des grottes, ou encore des villes africaines bombardées de messages publicitaires occidentaux.
© Jo Ractliffe, Remains of the trench system I, II, III, from “As Terras do Fim do Mundo,” 2009 Courtesy The Walther Collection and Stevenson, Cape Town and Johannesburg
La seconde salle présente, quant à elle, le thème du portrait. Illustré par les travaux de Zanele Muholi, toujours en Afrique du Sud, ce thème pose la question de l'identité. Intéressée par les différentes identités sexuelles présentes dans son pays – illégales et tabou – la photographe présente son travail Faces and Phases, qu'elle considère comme « un combat photographique ».
© Zanele Muholi, Faces and Phases, 2006-14 Courtesy The Walther Collection and Stevenson, Cape Town and Johannesburg
© Seydou Keïta, Untitled portraits, 1952-58 Courtesy The Walther Collection and CAAC – The Pigozzi Collection, Geneva
Afin de compléter le pouvoir visuel confié à la photographie, l'exposition offre également la possibilité de se confronter à la vidéo comme moyen de comprendre cette histoire africaine. Cette fiction est celle du roman, plus narrative que les précédentes. C'est le Trip to Mount Zuqualla que nous présente l'artiste britannique Theo Eshetu. Pendant un peu moins de dix minutes, nous voici plongés au cœur d'un pèlerinage annuel dans un ancien monastère situé dans le cratère d'un volcan éteint en Ethiopie. Tel un kaléidoscope, Theo Eshetu s'amuse à superposer des images rituelles et contemporaines, des musiques traditionnelles menant à la transe, et du rap, comme pour faire le pont entre ces croyances et notre monde d'aujourd'hui.
© Mikhael Subotzky, Mark, Hout Bay, 2005 Courtesy The Walther Collection and the Goodman Gallery, Johannesburg
Et cet univers contemporain est fait de villes. Celles-ci sont le thème de cette quatrième fiction, illustrée par le tandem Mikhael Subotzky et Patrick Waterhouse. Leur série Windows, Ponte city, a été réalisée entre 2008 et 2011 à Johannesburg, dans le plus haut-gratte ciel de la ville. Initialement destiné à recevoir des habitants confortables, celui-ci n'a jamais été habité, et reste aujourd'hui à l'abandon. Les deux hommes ont investi les lieux pendant 6 ans afin de créer cette série de vues de chaque étage à 360°. La scénographie fait toute la beauté de l'oeuvre : 12 diaporamas numériques projettent ou non les différentes vues, en initiant un jeu de caché/aperçu, qui surprend à chaque changement lumineux.
© Guy Tillim, Grande Hotel, Beira, Mozambique, from “Avenue Patrice Lumumba,” 2007 Courtesy The Walther Collection and Stevenson, Cape Town and Johannesburg
© Guy Tillim, Grande Hotel, Beira, Mozambique, from “Avenue Patrice Lumumba,” 2007 Courtesy The Walther Collection and Stevenson, Cape Town and Johannesburg
Pour les amateurs de photographie autour de thèmes plus contemporains, l'artiste chinois Ma Liuming s'est mis en scène avec son alter ego féminin Fen-Ma afin d'illustrer le sujet du corps. Malin, l'artiste se sert de ce double féminin pour prendre de la distance par rapport à son œuvre. Nu, il pose sur un mur de la Grande Muraille, pour dépasser toute limite déjà atteinte par l'Homme.
Toujours lié à l'apparence, la sixième fiction se concentre sur le masque, qui permet, tout comme l'alter ego, de se mettre en scène. Et c'est avec brio que Samuel Fosso le fait en se portraiturant dans les habits de grandes personnalités africaines. Angela Davis, Malcolm X ou Nelson Mandela, l'artiste se glisse dans la peau de ces personnages importants pour créer les auto-portraits African Spirits.
© Samuel Fosso, African Spirits, 2008 Courtesy The Walther Collection and Jean Marc Patras / Paris
© Samuel Fosso, African Spirits, 2008 Courtesy The Walther Collection and Jean Marc Patras / Paris
Enfin, l'exposition se termine sur la huitième fiction, celle du voyeur. Sans aucun rapport avec l'Afrique et sans doute plus éloigné du thème de l'Eden, on retrouve par exemple les photographies de Kohei Yoshiyuki. Ce japonais s'est rendu dans les parcs publics entre 1971 et 1979, afin de photographier les rencontres sexuelles de nuit. La série The Park met certes en avant l'exhibitionnisme mal accepté dans une société où le sexe est un tabou, mais paraît déconnecté du thème général de l'exposition. Néanmoins, les amateurs seront ravis de pouvoir observer des clichés des maîtres de la photo japonaise Nobuyoshi Araki et Daido Moriyama.
© Nobuyoshi Araki, 101 Works for Robert Frank (Private Diary), 1993 Courtesy The Walther Collection and Anton Kern Gallery, New York
© Malick Sidibé, A la Bagnade au fleuve Niger, 1973; Les Amis, 1976 Courtesy The Walther Collection and MAGNIN-A, Paris