Chroniques du 24/02/2016 au 23/5/2016 Terminé
Centre Pompidou Place Georges Pompidou 75004 Paris France
Centre Pompidou Place Georges Pompidou 75004 Paris France
Retracer une décennie remplie d'excentricités et d'évolutions, c'est ce que propose l'exposition éphémère « L'insoutenable légèreté : Les années 1980 » qui a lieu au centre Pompidou jusqu'au 23 mai 2016. Elle regroupe soixante photographes et vidéastes qui ont marqué la décennie. De Martin Parr à Hergo, en passant par le vidéaste Unglee, c'est l'occasion de redécouvrir des photographes qui ont révolutionné l'art de la mise en image(s). Entre une génération assujettie à la consommation et marquée par l'apparition du sida, cette exposition nous met face aux enjeux auxquels étaient confrontés les artistes.
« L'Insoutenable légèreté ; les années 1980 », dont le nom est un clin d'oeil au roman «L'Insoutenable légèreté de l'être » de Milan Kundera (1984), se divise en quatre parties : Le lieu du décor, Pratique de classe, Duplicité de l'artifice et (Dis)paraître. Chaque salle retrace un thème qui a marqué ces folles années.
Le lieu du décor
A peine franchi le seuil de la Galerie de photographies, les œuvres du collectif Présence Pitchounette attirent l'oeil. Le nom atypique de ce groupe bordelais renvoie directement aux origines de ses membres. « Pitchounette » est un adjectif du sud de la France qui est utilisé pour tout ce qui est petit, fragile. Pour l' anecdote, dans ce même mot, « choune » désigne dans le langage argotique le sexe féminin. L’humour et le jeu de mot, illustre la légèreté caractéristique de ce groupe. Montrant des intérieurs de maisons, (Le rêve d'Eric), ou photographiant un papier peint en trompe l'oeil, (Porte à faux), Présence Pitchounette affiche le mensonge et la fausseté du décor. Face à eux, le vidéaste Marc Wilcox démonte littéralement les décors hollywoodiens dans son œuvre Calling The Shots .
Gentlemen, 1983
© Centre Pompidou / Dist. RMN-GP © Karen Knorr
Pratique de classe
Quelques mètres plus loin, les œuvres d'Agnes Bonnot invitent à se pencher sur les spécificités vestimentaires des années 1980. Concentrée sur les petits détails de la tenue des passants qu'elle croise dans la rue, la photographe immortalise badges, cravates, chemises, etc. Tandis que le regard de cette dernière est fixé sur ces éléments atypiques, Martin Parr capture comme à son habitude des situations insolites. Ces deux photographes, travaillant sur le vif, sont en contradiction avec les poses recherchées par Florence Paradeis. Son grand format, placé à quelques pas, (Sans titre (de la série 1 : 1988-1989)) représente une jeune famille américaine en train de déjeuner sur la table en bois de leur cuisine. Le regard amoureux échangé par le couple contraste avec le celui de l'enfant, occupé à contempler avec interrogation la photographe. Si cette pratique supprime la spontanéité, elle permet une autre évolution artistique des années 1980 : la photographie n'est plus seulement un outil pour informer, mais elle entre pour de bon dans le domaine de l'art.
(Sans titre), 1982
Centre Pompidou / P.Migeat / Dist. RMN-GP © Agnès Bonnot / Agence Vu’
The Cost of Living - Punk with her Mother, 1986
© Centre Pompidou / J-C.Planchet / Dist. RMN-GP © Martin Parr / Magnum Photos
Sans titre - Série 1 : 1988-1989, 1988
© Centre Pompidou / G.Meguerditchian / Dist. RMN-GP © Florence Paradeis
Duplicité de l'artifice
Les artistes, libérés du « devoir » de vérité, font de nouvelles expériences artistiques. La réalité est reproduite avec des éléments qui n'ont rien à voir avec elle... mais le spectateur se laisse prendre au jeu. Joachim Mogara voyage ainsi sans quitter sa région en photographiant des objets qu'il sort de leur utilisation première. Il nous offre une Escale à Papeete, grâce à une jardinière remplie de fleurs, qu'il pose sur une petite étendue d'eau. Le résultat final donne l'impression d'une vision aérienne d'un bateau de croisière.
Sandy Shoglund, elle, préfère envahir les scènes du quotidien au moyen de petits animaux en pâte à modeler qu'elle fait elle-même. La capacité qu'a dorénavant la photographie de raconter une histoire amincit la frontière entre les photographes et les cinéastes. L'immobilité et le mouvement du support audiovisuel sont parfois regroupés dans une même œuvre. Les artistes tels que Paul de Noijer ou Unglee, dont les œuvres respectives Transformation by Holding Time II et Radio Serpent sont projetées, ont profité des avancées technologiques pour développer leur art. Unglee, dans son court-métrage, saccade l'image du film jusqu'à donner l'impression d'une série de clichés qui défilent très rapidement, se rapprochant du film-photographique. La soirée et son décors typique des années 1980' avec ses néons et ses vinyles, met en situation deux jeunes adultes, maquillés et blasés. Cette œuvre permet une transition parfaite pour entrer dans le dernier thème que l'exposition propose.
Radioactive Cats, [Chats radioactifs], 1980
© Centre Pompidou / Dist. RMN-GP
© 1980 Sandy Skoglund
(Dis)paraître
La dernière salle plonge au cœur de la jeunesse des années 80' encore à la recherche d'elle-même. Les artistes tels que Pierre et Gilles montrent le coté idyllique de cette génération qu'ils nous présentent sans défaut. Quant au photographe Hergo, il appuie sur la ressemblance des individus dans sa série de portraits en noir et blanc Mythos. Les personnes immortalisées ont tous un élément féminin que l’artiste accentue, tel que du rouge à lèvre ou un visage particulièrement fin.
Juste à côté, Jean Paul Goude découpe et superpose ses photographies pour avoir un résultat décalé. Les corps de ses modèles sont « corrigés » par son regard et par sa «french correction». Petit bonus : les brouillons des œuvres griffonnés par la main de l’artiste sont également exposés.
Série Les Mythos
Sophie, 1994
© Centre Pompidou / G.Meguerditchian / Dist. RMN-GP
© Hergo
C'est d'ailleurs sur une vision spectaculaire du tableau Grace Jones par Jean-Paul Goude que l'exposition s'achève. Allez donc (re)découvrir des photographes d'une décennie devenue culte !