North East Kingdom © Stéphane Lavoué
Comment passe-t-on de la filière bois à la photographie ? Il y a plus évident comme parcours. Tout semble lié pourtant. Le jeune ingénieur Lavoué est parti travailler en Amazonie brésilienne pour un groupe industriel français, une histoire d'approvisionnements en bois. Sur place et par hasard, il découvre Salgado. Sur des posters collés aux murs des favelas de Belem. Il est saisi par ces grandes photos en noir et blanc. Il y a la mine d'or de Serra Pelada, mais aussi quelques paysans sans terre. « Les photos de Salgado ont été une révélation. Je me suis vraiment dit : voilà ce que j’aimerais faire, voilà la vie que je veux mener ! » Il n'y a plus à hésiter.
North East Kingdom © Stéphane Lavoué
Un été dans le Vermont. Stéphane Lavoué rend visite à un ami et découvre un autre monde, un tout autre pays, au sein même des Etats-Unis. « J’avais pénétré en territoire royal, explique-t-il, Le Royaume du Nord Est. Ce nom, associé à ce territoire que je découvrais, contenait une charge onirique exceptionnelle ! » Le photographe veut faire de cet endroit le lieu imaginaire d'un conte photographique. Il faut qu'il y revienne. Voila comment a débuté sa « quête royale », sa recherche du Roi d'un pays qui n'existe pas.
Pas moins de trois voyages de quinze jours seront nécessaires, entre 2013 et 2014. La famille qui l'accueille le présente au voisinage : « Et de fil en aiguille, j’ai rencontré une bonne partie de la communauté, allant de maison en maison, de ferme en ferme. A la recherche du Roi ! » A chaque retour de France, il offre un tirage à ses modèles d'un jour, improvisés, et qui n'ont pourtant pas eu peur de prendre la pose. Droit dans les yeux le plus souvent. Presque sages. Ils méritaient bien une image... « Et bientôt, je reviendrai avec une pile de livres ! », s'enthousiaste Lavoué.
North East Kingdom © Stéphane Lavoué
Dans la série North East Kingdom, la violence est droite comme un rang de cartouches sur une étagère, plus silencieuse qu'un animal empaillé. Elle s'incarne et s'infiltre dans chaque recoin d'humanité ou d'horizon. Une hache entre les mains fragiles d'une petite vieille. Aussi improbable que bizarrement naturelle. Ce parti pris esthétique, ce jeu des contrastes, s'est imposé à Stéphane Lavoué au cours de son deuxième voyage, lorsqu'il a photographié Josie au milieu des quartiers de viande : « Elle travaillait dans une boucherie de campagne, qui réalise de la découpe à façon pour les éleveurs et chasseurs alentours. Josie, jeune et jolie teenager de 16 ans, passionnée de chasse, rêve de devenir bouchère. C’est elle qui m’a proposé de faire la photo à cet endroit. L’association de ce joli visage avec les quartiers d’animaux dépecés a soudain rejoint la perception intime que j’avais de ce petit royaume. J’avais mon fil rouge ! »
North East Kingdom © Stéphane Lavoué
Pour ce projet, Stéphane Lavoué a voulu rompre avec sa routine de commande : « Lumière naturelle, donc, et boitier léger (Leica M, un 50 et un 35mm). Je réalise la postprod de mes images sur Lightroom. »
North East Kingdom © Stéphane Lavoué
Stéphane Lavoué vagabonde entre terre(s) et mer, d'un océan à l'autre. Il exposera bientôt une série de paysages américains et bretons à la Comédie Française et boucle une série « Marins de la Terre » dans le cadre du projet collectif « La France Vue d’Ici ». Mais surtout, il est impatient de retraverser l'Atlantique, de faire un dernier voyage dans le Royaume. Indispensable pour qu'avant la fin de l'année, un livre paraisse aux éditions 77. Et quelque chose nous dit que le conte sera forcément bon.