La confrérie des Mourides au Sénégal
Pour être une bonne photographe, il faut être curieuse de tout. Cela tombe bien, c'est le cas de Zaïa Hamdi. Elle va même plus loin : « La photographie est la seule activité qui me permet ou en tout cas me donne le sentiment d’être libre. » C'est sans doute en quête de liberté qu'elle a décidé de s’expatrier aux USA, après ses études, afin de devenir photographe. Curieuse, libre et déterminée donc.
Les enfants talibés du Sénégal
Du Val Fourré au Sénégal
Son histoire avec le Sénégal a commencé dans le quartier du Val Fourré, à Mantes-la-Jolie. Zaïa est en reportage et se lie d'amitié avec une famille sénégalaise, mouride - deuxième confrérie soufie du Sénégal après les tidjanes : « Au fur et à mesure de cette amitié, je découvrais le pays, son peuple, son histoire et sa religion. » Mais c’est un article de Human Rights Watch sur les enfants talibés, confie-t-elle, qui l'a amenée là-bas. Récemment encore, en avril 2015, l'ONG dénonçait les abus subis par ces jeunes garçons (souvent issus de familles pauvres et confiés à un maître ou à une écoles coranique), leur trafic et leur mise à la mendicité forcée par des « https://www.hrw.org/fr/news/2015/04/20/senegal-une-decennie-dabus-dans-des-ecoles-coraniques" ».
Internats coraniques, Sénégal
Internats coraniques, Sénégal
Baye Fall (branche de la confrérie des Mourides)
« Je ne m’attendais pas à trouver dans ce pays une telle ferveur religieuse. » Si le point de départ de ses images était les enfants talibés, elle ne pouvait l'aborder sans l'ancrer dans la question plus large d'une société sénégalaise très croyante et pratiquante. Elle a donc aussi photographié les internats coraniques ou la confrérie des Mourides, particulièrement active au sein de l'islam sénégalais et célèbre pour son pèlerinage annuel dans la ville sainte de Touba, à 200 km de Dakar.
Les images de Zaïa Hamdi ont la force d'un quotidien saisi à hauteur d'enfants ou de prières collectives, c'est selon. Il restera à celui qui regarde ses photographies la responsabilité d'y voir la puissance des détails qui n'en sont pas. Ici le dénuement absolu, là un front marqué du sable de la prière, des mains vissées à des boîtes de conserve pour faire la manche, des chevilles enchaînées, des tout-petits qui lisent des prières, le trouble provoqué par l’arrivée de deux jeunes femmes apprêtées au milieu de membres de la confrérie, des lieux de prières en bord de route... Le tout en couleur évidemment. Comment aurait-il pu en être autrement ? Si les armes à feu américaines ou le crack portent le voile funeste du noir et blanc, il fallait de la couleur pour montrer le Sénégal, sa lumière, ses rues, ses haillons ou ses habits de fêtes, jaunes, verts, bleus, blancs...
La confrérie des Mourides au Sénégal
La confrérie des Mourides au Sénégal
Du temps et un Leica
Sur place, Zaïa Hamdi a bien sûr essuyé quelques refus : « J’aime le portrait et il est essentiel pour moi que les personnes que je photographie soient conscientes et en accord avec ma démarche. Il m’aurait été difficile de faire ces images autrement. » L'image ne se vole pas, elle se demande, et sur des sujets aussi sensibles, cette démarche a d'autant plus d'importance. D'ailleurs, comme tout photographe de terrain, Zaïa aime avoir du temps pour ses sujets. Tout comme elle préfère travailler avec un équipement discret et léger : « Le Leica me convient pour ces qualités. »
Que lui souhaiter pour la suite ? « Continuer mes reportages, finir https://www.hrw.org/fr/news/2015/04/20/senegal-une-decennie-dabus-dans-des-ecoles-coraniques", et exposer mon travail. » Bonne route alors, et bonnes photos surtout !