« Ressac » © Damien Daufresne
« Ressac » © Damien Daufresne
« J’ai grandi dans une familles d’artistes, de peintres, de musiciens, d’architectes et de voyageurs où la photo était tout le temps présente », explique Damien Daufresne. Il y a d'abord eu cet appareil photo offert à Noël par ses parents. A l'âge de quatorze ans, il découvre le travail en chambre noire et l'année d'après, il a la chance de faire un stage aux archives de l'agence Magnum : « Tout un monde s'est ouvert ! Je rêvais alors d'être photoreporter. » Il confie d'ailleurs que dans ce projet « Ressac », il y a trois photographies datant de cette époque, retrouvées récemment au fond d'une boîte à chaussures.
« Ressac » © Damien Daufresne
« Ressac » est un titre en deux temps, deux mouvements qui constituent le cœur du projet. Le premier, le ressac, est cet aller-retour, ce va-et-vient de la mer, « ce mouvement est comme la vague et le dessin de l’écume : toujours le même et en même temps toujours différent. » Et puis il y en a un second, celui de la marée. Le photographe voit en lui un cycle, celui des planètes, de notre système solaire, de la terre et de la lune, des jours et des nuits, des saisons et des heures. « Le cycle des planètes et de leurs satellites ordonne le cours de notre vie, le cycle de la lune, le rythme les marées. »
Le mouvement perpétuel et le cycle de la vie : vaste programme à mettre en images, et pourtant Damien Daufresne, comme un diable photographe, se saisit des détails. Un vol d'oiseaux, une étreinte floue, un escalier surexposé, le ventre d'une femme mangé par l'eau du bain, des enfants dans les bois, un chien dressé et gueule ouverte sur la neige sale, la mer calme, puis énervée. A parcourir une nouvelle fois la série, on s'attarde sur d'autres images, mais l'enchaînement procure toujours la même sensation d'étreinte, de poésie absolue. « They said to me that the earth is turning, then I wait here until my house is passing by »* : le photographe y allant même de sa citation de Malcolm Lowry, extraite de son ouvrage Au dessous du volcan (Under the Volcano, 1947). On se laisse totalement faire.
« Ressac » © Damien Daufresne
La galeriste Caroline Bénichou dit de Damien Daufresne qu'il est en équilibre « à la lisière du monde ». Comment fait-il pour ne pas tomber ? « Tomber fait partie du contrat, avoue-t-il, « Try again, fail again, fail better »** écrivait Samuel Beckett et cette phrase dit selon moi mieux que tout ce qu’est le travail. » Le photographe n'a donc pas peur d’abandonner sa zone de confort et de se mettre dans la position de l'’équilibriste. C'est sur le fil qu'il semble être le meilleur.
« Ressac » © Damien Daufresne
Côté routine photographique, on le devine, Damien travaille à l'ancienne et prend son temps : « J’ai des petits boîtiers, j'utilise du film, généralement du 24x36. Je développe, scanne dans un premier temps et ensuite tire dans la chambre noire. » Entre la prise et le tirage, une éternité ! Choisie et voulue par l'artiste qui confesse avoir besoin de laisser ses photographies aux prises avec les jours qui passent et qui les abîment parfois : « Ces étapes de décantage, d’oubli et de redécouverte sont très importantes dans mon travail, ainsi que les accidents qui peuvent survenir à chacune d'elles. »
« Ressac » © Damien Daufresne
Damien Daufresne entretient une véritable passion pour son art. Il ne saurait d'ailleurs mentir sur le sujet : « La photographie fait partie de ma vie au quotidien, et n’est en aucun cas séparée d'elle. Mon travail influence ma vie et est réciproquement influencé par tout ce que je vis, ce que je lis, vois, écoute ; par les gens que je rencontre et par ce qui me plait ou me fait peur. »
* « Ils m'ont dit que la terre tourne, alors j'attends que ma maison passe par ici. »
**« Ever tried. Ever failed. No matter. Try again. Fail again. Fail better. » (« Déjà essayé. Déjà échoué. Peu importe. Essaie encore. Échoue encore. Échoue mieux. ») : citation extraite de Worstward Ho (1983) de Samuel Beckett
http://www.damiendaufresne.com