Portrait d'Agnès Varda © J. Fabry, Ciné-Tamaris
Depuis le 11 novembre dernier, Cuba est mis à l'honneur par l'incontournable Agnès Varda. C'est non seulement en vidéo -à travers laquelle on la connait principalement- mais aussi en photo qu'on découvre La Havane d'il y a 50 ans. La jeune photographe arrive sur l'île en décembre 1962, entre crise des missiles et mort de Che Guevarra, en pleine guerre froide. Elle restera là-bas quelques mois et prendra des centaines de photos de la ville, de personnalités, de révolutionnaires, de leur travail dans les champs de canne à sucre, mais aussi des habitants et habitantes : « Et puis il y a les Cubaines. Les Cubaines. Entre les cigares et les barbes. ». L'aboutissement de ce séjour tient alors en un film : Salut les Cubains, un court-métrage de 30 minutes, sorti en 1963. Aujourd'hui, l'exposition Varda / Cuba à la Galerie de photographies, au Niveau -1 du Centre Pompidou, nous fait découvrir non seulement le film, mais aussi les dizaines de photos originales prises par Agnès Varda pour réaliser ce dernier. L'artiste nous livre ses impressions sur son travail et l'exposition de ses œuvres.
© Agnès Varda, Au port de La Havane, 18,3 x 24 cm, AM 2014-438
© Agnès Varda, Congrès des femmes, 11 janvier 1963, La Havane, 18,3 x 23,9 cm, AM 2014-450
© Agnès Varda, Benny Moré, environ 18 x 24 cm, AM 2014-422 (1-9)
Agnès Varda, on vous connait comme cinéaste et plasticienne, mais moins comme photographe. Quelle place détient la photo dans votre parcours artistique ?
Avant d’être devenue cinéaste, reconnue maintenant, j’ai été photographe, mais ces images sont restées dans l’ombre. L’exposition Varda / Cuba au Centre Pompidou a mis en lumière un aspect très particulier de ma position entre photographie et cinéma. Le film Salut les Cubains a été tourné à la verticale, d’après une grande quantité de photographies prises à cet effet. C’est amusant à voir, les photographies que j’avais tirées moi-même dans mon laboratoire sont accrochées comme si elles volaient, voyageaient, et le film est proposé à des spectateurs sur un banc qui reçoivent la musique et le commentaire du film par une douche sonore.
On ressent une certaine spontanéité dans la capture de ces instants. À quel point avez-vous organisé la composition ou la mise en scène ? On pense notamment au portrait de Fidel Castro.
Dès mon arrivée à Cuba, j’ai demandé à rencontrer Fidel Castro et en attendant, j’ai fait toutes ces images qui se suivent de très près avec l’intention déjà du projet filmé et quelque fois même je pensais déjà au montage.
D’autres images étaient prévues pour être fixes et qu’on ait le temps de les regarder, c’est le cas du portrait de Fidel Castro : j’ai su qu’il était dans une guinguette au bord de l’eau, j’ai passé 20 minutes avec lui en parlant espagnol et en lui demandant de se placer devant ces pierres levées. Il a posé très calmement, regardant bien droit dans l’objectif, et au résultat, c’est « Fidel Castro aux ailes de pierre ».
Vous êtes retourné dans cette île par la suite en 1992. Avez-vous pris des photos, peut être en couleur, d'un nouveau Cuba ?
J’ai été au Festival de La Havane présenter Jacquot de Nantes et retrouver des amis que j’avais connus 30 ans avant. Certains étaient morts, dont Saul Yelin, qui dirigeait l’école et la production de cinéma, et la jeune Sarita Gomez, étudiante dans le film et qui avait depuis réalisé des documentaires. Je n’ai rien photographié lors de ce voyage-là.
Après avoir été le support du film Salut les Cubains, ces photos sont aujourd'hui exposées comme « photographies d'art ». Que ressentez-vous, 50 ans après, en visitant l'exposition au Centre Pompidou, ou en feuilletant le catalogue de votre projet ?
L’accrochage original des petites photographies ainsi que le catalogue de l’exposition ont été conçus par les commissaires Clément Chéroux et Karolina Lewandowska et c’est Xavier Barral qui a édité le livre. Ce n’était pas le but de mes prises de vue à Cuba et du montage de mon film, mais tout cela me fait très plaisir.
© Agnès Varda, Fête à Cubanacan, La Havane, 18,3 x 24 cm, AM 2014-444
© Agnès Varda, Cuba, 16,1 x 24,8 cm, AM 2014-453
© Agnès Varda, La Havane, le 2 janvier 1963, rassemblement à l'occasion du quatrième anniversaire de la révolution cubaine, environ 18 x 24 cm, AM 2014-429 (1-3)
L'exposition Varda / Cuba reste visible jusqu'au 1er février 2016. Vous pouvez également retrouver le (très beau) catalogue de l'expo réalisé par Clément Chéroux et Karolina Ziebinska-Lewandowska, les commissaires. Dernier bon plan, du 11 au 20 décembre 2015, dans le cinéma 2 du Centre Pompidou, à l'occasion de cette exposition, Agnès Varda propose 10 projections de ses films, et elle sera présente pour vous rencontrer. On file vite à Beaubourg !
© Catalogue de l'exposition Varda / Cuba
Clément Chéroux et Karolina Ziebinska-Lewandowska, assistés de Damarice Amao
Essais de François Hourmant et Valérie Vignaux
Éditions Xavier Barral / Éditions du Centre Pompidou, Paris, 2015