SNIJNE, UKRAINE - 17 OCTOBRE 2014 : Des combattants rebelles escaladant Saur-Mogil, le point culminant de la région de Donetsk qui a été le lieu de combats terribles
« J'ai grandi dans un petit village du nord du Portugal, mais ma famille vient d'Afrique. Nous avons quitté le Mozambique pendant la guerre civile », livre Paulo. Cette même Afrique reviendra régulièrement dans ses réponses, un continent où il adore travailler.
Après avoir obtenu un diplôme en journalisme à l'université de Lisbonne, il devient reporter pour des publications locales et nationales. Après quelques années, il se décide à quitter le Portugal et à voyager en Europe pour tenter sa chance en tant que freelance « et pour travailler sur des histoires qui (l)'intéressaient vraiment ». Il collabore à l'Expresso, au New York Times, au Courrier Internacional du Portugal, etc.
Assez vite, après son arrivée en Irlande, il se retrouve à travailler dans des régions déchirées par la guerre. Ce qui l'intéresse, c'est de montrer le camp de l'ombre, celui des civils, de la vie de tous les jours, de la reconstruction de chacun quand le conflit est fini.
Les funérailles d'Alexey Vorobyov à Mariupol
Des membres de la famille rendent hommage au corps d'Alexey Vorobyov, un passant tués deux jours plus tôt durant une fusillade entre les soldats ukrainiens
et un groupe armé séparatiste pro-russe dans le centre de Marioupol, dans l'est de l'Ukraine.
© Paulo Nunes dos Santos
« La photographie est quelque chose qui est arrivé naturellement. Ce n'était pas prévu. J'ai toujours eu un appareil photo avec moi pendant mes voyages. Initialement, c'était surtout pour illustrer les sujets que j'écrivais. Avec le temps, les rédactions ont commencé à me demander plus d'images et finalement mon travail s'est partagé entre l'écriture et la photographie », explique Paulo, qui admet qu'aujourd'hui la photographie représente à peu près 75% de son travail.
SNIJNE, UKRAINE - 17 OCTOBRE 2014 : un groupe de civils sur les ruines d'un grand monument construit en mémoire des soldats tués pendant la Seconde Guerre Mondiale, à côté de la ville de Snijné.
Ce célèbre monument s'élevait au sommet de Saur-Mogil, le point culminant de la région de Donetsk qui a été le lieu de combats terribles entre les sépartistes (RPD : République populaire de Donetsk) et la garde nationale ukrainienne.
© Paulo Nunes dos Santos
Donetsk sous les bombardements
DONETSK, UKRAINE - 19 OCTOBRE 2014 : Des volontaires nettoient les débris dans le gymnase de l'Ecole 61 dans le centre de Donetsk,
quelques heures après avoir été bombardée par les obus. L'attaque a été revendiquée par la garde nationale ukrainienne pendant les combats pour le contrôle de la zone aéroportuaire de la ville.
© Paulo Nunes dos Santos
Quand les affrontements ont commencé à Kiev, Paulo a sauté sur l'opportunité de couvrir cette actualité. Après les événements de Maidan, l'attention s'est rapidement portée sur la Crimée : « J'avais prévu d'y aller pour couvrir le référendum, mais, à la dernière minute, j'ai préféré aller à Odessa. Je pensais qu'il serait intéressant de raconter l'évolution des choses dans d'autres endroits de l'Ukraine. »
Le photographe s'est rapidement aperçu que l’Ukraine était en fait en train de perdre du terrain à l'est, et pas seulement parce que l'insurrection armée était soutenue par la Russie, mais surtout parce que la majorité de la population locale en était partie prenante : « Beaucoup s'identifient plus aux Russes qu'aux Ukrainiens. » Cette série « Ukraine: Losing East » est née de cet engagement populaire dans le conflit. C'est cette question d'identité et de proximité culturelle qui a le plus attiré son attention.
Donetsk sous les bombardements
DONETSK, UKRAINE - 19 OCTOBRE 2014 : Des habitants nettoient les débris à l'intérieur d'un appartement familial dans une aire résidentielle de Donetsk.
Les obus de la garde nationale ukrainienne et des rebelles de la République populaire de Donetsk, se battant pour le contrôle de positions stratégiques autour de Donetsk,
ont indistinctement frappé les zones résidentielles de la ville, causant la destruction et la mort parmi la population civile.
© Paulo Nunes dos Santos
« C'est ce que j'ai voulu montrer ici. La vieille grand-mère qui aide à installer les barricades autour des bâtiments gouvernementaux et est la première de la file pour voter pour la sécession d'avec Kiev. Les villageois avec leurs enfants refusant que l'armée ukrainienne passe, et le désespoir de ces militaires quand ils réalisent qu'ils sont en train de perdre le pays pour lequel ils se sont engagés à se battre. Les gens innocents embarqués dans un conflit qu'ils n'ont jamais voulu... »
Le référendum commence à Donetsk
Une femme à un bureau de vote, à l'Ecole n°1, dans le centre de Donetsk.
Les bureaux de vote ont ouvert dans les villes des oblasts de l'est ukrainien de Donetsk et Luhansk
pour que les habitants puissent voter pour la sécession de l'Ukraine et la création d'un état quasi indépendant,
acte jugé illégal par le gouvernement central de Kiev et l'ouest, mais soutenu par la Russie.
© Paulo Nunes dos Santos
La force du travail de Paulo Nunes dos Santos tient beaucoup de cette impression d'une guerre racontée sans la montrer vraiment. Pas de combats, de sang, de blessures, de morts, d'hommes masqués tirant à l'AK47, de tirs de mortier, etc. : « Pour moi la guerre, c'est plus que ça. C'est comment une famille réagit à la mort d'un proche sous les balles. Comment une communauté gère le pilonnage de leur quartier ou comment un village isolé de fermiers vit l’expérience traumatique d'avoir des morceaux d’avion et des corps tombant du ciel sur leur maison. »
Les contrôleurs de l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe ) accèdent au site du crash du MH17.
Des habitants assistent à la cérémonie religieuse sur le site du crash de l'avion de la Malaisia Airlines MH17 à Grabovo, un petit village dans la province de Donetsk, à l'est de l'Ukraine.
Le vol de la de la Malaisia Airlines reliait Amsterdam à Kuala Lumpur quand il s'est écrasé, tuant 298 personnes dont 80 enfants.
L'avion aurait été abattu par un missile et les investigations continuent afin de savoir qui sont réellement les responsables de l'attaque.
© Paulo Nunes dos Santos
Célébrations de la Seconde Guerre Mondiale à Donetsk
Un policier ukrainien monte la garde pendant la cérémonie qui marque les 69 ans de la défaite des Nazis face à l'armée soviétique,
au mémorial de guerre du centre de Donestk,
au milieu des tensions ravivées par le référendum sur l'autonomie de la région, organisé le même week-end.
© Paulo Nunes dos Santos
L'utilisation de la lumière et le travail subtil des contrastes participent à montrer, sans caricature aucune, le quotidien de la guerre : « L'une des choses auxquelles je reste fidèle est l'utilisation de la lumière uniquement naturelle. En grande partie parce que je préfère ça et que je n'ai aucune idée de comment utiliser un flash. »
Des manifestants pro-russes occupent le bâtiment du gouvernement régional à Donetsk.
Un portrait de Vladimir Lenin se dresse au sommet des barricades montées par les activistes pro-russes autour du bâtiment du gouvernement régional à Donetsk.
Le gouvernement ukrainien de Kiev a donné 48h aux activistes pour quitter les lieux.
© Paulo Nunes dos Santos
Des manifestants pro-russes occupent le bâtiment du gouvernement régional à Donetsk.
Un activiste pro-russe monte la garde derrière des barricades qui entourent le bâtiment administratif dans le centre de Donetsk.
Le gouvernement ukrainien de Kiev a donné 48h aux activistes pour quitter les lieux.
© Paulo Nunes dos Santos
Des activistes pro-russes d'emparent de villes dans l'est de l'Ukraine.
Une colonne de soldats en véhicules blindés et tanks sont bloqués par des activistes pro-russes dans la ville de Kramatorsk, dans la région de Donetsk.
© Paulo Nunes dos Santos
Paulo a un matériel qu'il qualifie de « basique »: dans son sac, il y a toujours deux Nikon D700 et trois objectifs (24mm/35mm/50mm) : « Je travaille avec depuis de nombreuses années et ils ne m'ont jamais déçu. » La robustesse et l'efficacité du matériel sont primordiales quand on est photojournaliste. Sur ce métier, l'homme a un avis tranché et plutôt optimiste : « Beaucoup disent que le photojournalisme est mort. Honnêtement, je ne pense pas. Les choses changent et nous avons juste besoin de nous adapter à de nouvelles réalités. Soyons dynamiques et de bonnes choses finiront par arriver. Si on reste à la maison en face de son ordinateur à se plaindre de l'état de cette profession plutôt que de prendre des initiatives et de sortir chercher de nouvelles actualités, alors c'est sûr qu'il ne se passera rien. »
Des activistes pro-russes s'emparent de villes dans l'est de l'Ukraine.
KRAMATORSK, UKRAINE - 16 Avril 2014 : un soldat ukrainien pleure alors qu'une colonne de soldats en véhicules blindés et tanks sont bloqués par des activistes pro-russes
dans la ville de Kramatorsk, dans la région de Donetsk.
© Paulo Nunes dos Santos
Pour la suite, Paulo Nunes dos Santos prévoit de continuer de voyager en Afrique et en Iran. Toujours en mouvement.
Emilie Lemoine