©Diane Ducruet
La photographe Diane Ducruet a été victime de censure sur décision de la galerie Catherine Houard. Sa photographie "Mother & Daughter II, 2014" a été décrochée cette semaine avant même d’avoir été vue, sur décision de la galeriste, Catherine Houard, et du directeur de la Maison européenne de photographie (MEP) à Paris, Jean-Luc Monterosso. Nous l'avons rencontrée afin d'en savoir plus sur cette affaire qui met à mal le monde de la photo et de l'art en général.
Diane Ducruet, quelles sont les suites de l'affaire de la censure dont a fait l'objet votre photographie "Mother & Daughter II, 2014" ?
Marie Docher (artiste qui expose aux côtés de Diane Ducruet dans la même galerie ndlr) a eu Jean-Luc Monterosso au téléphone aujourd’hui, moi de même, il était au Brésil et très embêté par la tournure que prend cette affaire. Une rencontre est organisée vendredi 7 novembre.
Comment expliquer que la galerie Catherine Houard ait pris la décision de décrocher cette oeuvre ?
Le climat est anxiogène en ce moment, tout particulièrement lorsque les représentations de l’enfance sont en question. Je suppose que la galeriste, qui était à New York, a pris peur ! J’ai envoyé une lettre là-bas mais je n’ai pas eu de réponse... Je tiens à préciser que la galerie C.Houard a accepté d'accueillir aimablement l'exposition, qui devait se tenir dans une autre galerie qui pour des raisons financière n'a pû nous accueillir, et ainsi être au programme du mois de la photo.
Vous travaillez sur la famille depuis de nombreuses années, le sujet est-il particulièrement sensible ?
Il y a une réelle problématique de la représentation de l’enfant. Les institutions culturelles, tout comme les photographes, sont démunis par rapport à ça : jusqu’où peut-on aller ?
Est-ce la première fois que vous faites face à une telle censure ?
Que des personnes dénoncent, écrivent, ça n’est pas vraiment nouveau ! Il y a toujours eu des réactionnaires ! Quand on est artiste, on sait que l’on peut recevoir un pot de peinture sur la tête ! Avant de m’embarquer sur un débat sur la censure, je préfèrerais parler du débat sur l’espace public et l’espace privé. Ce n’est pas une image prise au hasard, et d'un coup cette œuvre devient pour les gens "un truc dans leur salon". Cette intrusion que permet le réseau social, à la différence d’une galerie, fait qu'on est dans un débat privé/public. Où est l’espace public ? On croyait qu’il pouvait être un lieu de rencontre, d'échanges et de vivre ensemble alors qu’en fait non : on est dehors comme dans son salon ! Il y a un ouvrage dont je tire d'ailleurs ma réflexion : Les tyrannies de l’intimité écrit par Richard Sennett en 1979, et qui parle précisément de tout cela.
Comment cette affaire a-t-elle pu prendre une telle ampleur ?
La vitesse de l’information et celle des réseaux sociaux sont en première ligne. Il y a des personnes qui demandent une chose et l’obtiennent alors que chacun sait que si l’on répondait à toutes ces demandes le monde serait bien vide !
NB : La Maison Européenne de la Photographie, par le biais d'un communiqué de presse, a tenu à préciser le 3 novembre 2014 : "Concernant le décrochage de l’œuvre de Diane Ducruet, et en réponse à la mise en cause de la MEP et de son directeur Jean-Luc Monterosso, ce dernier tient à préciser qu’il n’a eu aucun contact avec les acteurs de la censure qui lui est attribuée. Il rappelle également que les expositions présentées dans les lieux labellisés par le Mois de la Photo relèvent de l‘entière responsabilité du commissaire de l’exposition et du responsable du lieu dans lequel l’exposition est présentée. En l’occurrence, il s’agit d’un lieu privé, qui ne relève en aucun cas de l’autorité du directeur de la Maison Européenne de la Photographie. Il précise également que le délégué artistique de la thématique Au cœur de l’intime n’a, à aucun moment, été consulté dans cette affaire. Enfin, Jean-Luc Monterosso tient à souligner que le très sérieux travail photographique de Diane Ducruet ne peut en aucun cas prêter à confusion et ne doit pas être interprété hors de son contexte".
Affaire à suivre...
(Propos recueillis le 03/11/14 par Emilie Lemoine)