La jeune et déjà talentueuse in)(between gallery présente,http://actuphoto.com/27994-in-between-gallery-presente-ses-deux-nouvelles-expositions-contrasted-places-et-sakura-.html", ses nouvelles expositions. Trois photographes différents mais complémentaires présentent leurs œuvres dans l'espace qui leur est réservé. Couleur et noir et blanc se mêlent pour une scénographie agréable, aérée et judicieusement orchestrée.
Gilles Roudière, photographe français, Yang Seung-Woo, coréen et Takehiko Nakafuji, japonais réunis pour une seule et même exposition, d'une qualité photographique considérable.
Entretien avec les trois artistes, qui présentent leurs conceptions photographiques.
Comment êtes-vous arrivé à la photographie ?
Gilles Roudière : Il y a longtemps, j'ai eu un intérêt pour la photographie, mon grand frère s'intéresse à la photographie, et à l'époque, moi beaucoup moins. Il m'avait prêté son appareil, qui était un peu trop technique à mon goût. Quand j'habitais à Paris, il m'est arrivé de faire des photos de nuit, mais c’était très amateur. Puis j'ai changé un peu de vie, j'ai quitté Paris, je suis allé m'installer à Berlin. Là, je me suis intéressé à la photographie d'un peu plus près, je me suis vraiment fait une culture, j'ai étudié les grands photographes, le goût s'est installé et ne m'a pas quitté. La photographie provoque des émotions, des sensations que je ne laisserai de côté à aucun prix.
Gilles Roudière à la in)(between gallery
Takehiko Nakafuji : Depuis mon enfance, j'adore la photographie, mon père aussi. Vers mes 6 ou 7 ans, j'ai eu un appareil. J'ai commencé à prendre des photos réellement quand j'étais lycéen, j'adorais prendre les musiciens lors de concerts, et les motards.
J'ai continué la photographie à l'université, qui me plaisais de plus en plus. J'ai arrêté mes études de littérature et je suis entré dans une école de photographie. Là, j'ai rencontré Daido Moriyama.
Yang Seung-Woo : Je suis né en Corée, mais je voulais sortir du pays. Je suis allé au Japon, et j'ai beaucoup aimé la vie là-bas. J'ai commencé à apprendre la langue japonaise dans une école, mais à la fin du cursus, il fallait continuer les études pour prolonger le visa. Je ne savais pas vraiment quoi faire, et mon professeur m'a conseillé d'étudier la photographie, dans une école qui accepte les étudiants étrangers. J'ai donc commencé comme cela.
Que représente la photographie pour vous ?
Gilles Roudière : C'est un prétexte à un mode de vie, elle me permet d'une certaine manière de m'exprimer, mais aussi de voyager, de partir, de m'échapper de ma vie quotidienne, de me retrouver un peu seul. C'est aussi l’expérience de la solitude, quitter les gens, les amis, la vie virtuelle, internet, et être ailleurs, être concentré sur une chose en particulier, être très attentif à ce qu'il se passe dans cet environnement.
Yang Seung-Woo : C'est complètement une partie de ma vie, c'est pas quelque chose de spécial, mais c'est comme manger ou dormir.
Des artistes vous ont-ils inspiré ?
Gilles Roudière : Je suis très amateur de photographie japonaise, d'après-guerre, Moriyama est probablement le représentant le plus connu. Cela me nourrit beaucoup. Mais aussi des photographes européens, comme Paolo Nozolino.
Takehiko Nakafuji : Il y a beaucoup de photographes intéressants pour moi, mais Daido Moriyama m'a beaucoup inspiré.
Takehiko Nakafuji à la in)(between gallery
Yang Seung-Woo : Quand j'ai commencé à étudier la photographie, mon professeur était Yoshino Oishi, elle m'a donné l'inspiration. Plusieurs artistes m'ont influencé, mais maintenant, j'essaie de ne pas regarder les travaux des autres artistes, mais de créer mon propre style photographique.
Pouvez-vous expliquer les travaux que vous exposez à la in)(between gallery ?
Gilles Roudière : Ce sont les dernières photographies qui ont été prises d'une part en Israel et en Palestine, j'ai souhaité mélanger les deux territoires, l'enjeu n'est pas du tout politique, au contraire. Le fil conducteur est plutôt personnel et esthétique. Il y a aussi des images d'Istanbul, pour dire que tout cela est un peu mon histoire, les frontières géographiques n'ont plus d'importance.
Takehiko Nakafuji : C'était un projet de prendre des photos en Europe de l'est. Les images ici ont été prises à Bucarest en Roumanie, mais c'est l'un des pays que j'ai visité pour ce projet. Ce dernier à Bucarest a été vraiment très intéressant, c'est la ville qui m'a le plus marqué.
Les images présentées à la galerie ont été prises après la chute de Nicolae Ceaușescu. La ville était déstabilisée, il y avait beaucoup de chiens errants, des gens qui vivaient dans les égouts, dans la rue... C'était une condition sociale difficile, un moment important de l'histoire de la Roumanie.
Yang Seung-Woo : J'ai rencontré Mao il y a 6-7 ans à l'université, depuis lors nous avons commencé à nous prendre en photo, jusqu'à aujourd'hui. Ce projet continuera jusqu'à notre mort. C'est le souvenir de notre vie.
Yang Seung-Woo à la in)(between gallery
Que pensez-vous du travail des autres photographes exposés à vos côtés ?
Gilles Roudière : Il y a à la fois un lien, car nous avons vraiment des racines communes, des origines, des sentiments qui sont partagés par rapport à la photographie, et en même temps Takehiko Nakafuji a une photographie très directe, très frontale, un aspect documentaire qui est assez éloigné de la mienne, mais il y a des correspondances. Ca marche aussi avec Yang Seung-Woo, car il y a une espèce d'intimité, une volonté d'avoir quelque chose de très personnel dans la photographie, et qui fait que tout cela, de façon logique, fonctionne très bien ensemble.
Takehiko Nakafuji : Je connais Yang Seung-Woo depuis longtemps, c'est l'un de mes vieux amis, je suis content d'avoir une exposition à ses côtés. J'ai rencontré Gilles Roudière pour la première fois pour cette exposition, mais je pense que dans nos œuvres, nous avons le même traitement de la lumière, et nous y attachons tous les deux beaucoup d'importance. Lorsque j'ai vu les œuvres de Gilles, j'ai été attiré immédiatement par son regard vers la lumière.
Yang Seung-Woo : Mes œuvres sont plutôt la réalité, ce n'est pas de la fiction. Les autres photographes qui exposent sont, pour moi, plutôt poètes.
Pouvez-vous choisir une photo et la commenter ?
Gilles Roudière : Sur cette photo, il n'y a pas de personnages, c'est une photo un peu vide, mais je trouve qu'elle dégage quelque chose qui est très important pour moi dans la photographie, c'est l'idée que les règles en photographie sont très relatives, et sur celle-ci, mon appareil ne fonctionne pas bien, il y a une fuite de lumière, et c'est super ! Cette photo est belle car finalement elle est complètement imparfaite.
© Gilles Roudière
Takehiko Nakafuji : Ces trois garçons sont les enfants de Ceaușescu, ils avaient été kidnappés par la police secrète. Après que Ceaușescu ait été chassé, ils ont perdu leurs métiers. Quand je suis allé à Bucarest, ils vivaient dans un égout, je pense que c'est un symbole de Bucarest, de cette époque, de la contradiction du pays. Ils étaient en difficulté, mais vivaient quand même ensemble.
© Takehiko Nakafuji
© Takehiko Nakafuji
Yang Seung-Woo : A l'époque de cette photo, j'étais en difficulté financièrement. C'était le soir, je suis rentré chez nous, et j'étais très fatigué après une journée de travail très dure. Mao m'a photographié, et à chaque fois que je regarde cette photo, je me dis que c'est une bonne photo.
© Yang Seung-Woo
Contrasted Places & Sakura
in)(between gallery
3 rue Saint-Anastase
75003 Paris
Jusqu'au 21 juin 2014
Propos recueillis par Claire Mayer