Festival de découvertes et de redécouvertes, Photo'Med a, pour sa deuxième édition, choisi comme pays invité le Maroc et, comme invité d’honneur, l’Italien Massimo Vitali.
Encore peu connue du grand public, la création photographique marocaine regroupe des photographes qui, souvent partagés entre deux rives, s’interrogent sur leur identité.
Cette sélection, confiée à Mouna Mekouar, se présente comme un « voyage qui met en balance le proche et le lointain, le privé et le public, l’intime et l’étranger ».
Des photographes confirmés, comme Daoud Aoulad-Syad, voisinent avec de jeunes artistes jamais exposés en France, comme Mehdi Chafik, Yasmine Laraqui ou Amza Halloubi.
photo #1 © Massimo Vitali
photo #2 © Massimo Vitali
Tous témoignent de la vitalité et de la créativité d’une photographie dont les sujets à fortes résonances locales n’en rejoignent pas moins les grands thèmes et préoccupations d’aujourd’hui.
© Daoud Aoulad-Syad
En contrepoint, le regard de Scarlett Coten sur le Maroc actuel, ou de Gérard Rondeau sur les traces de Delacroix, privilégie une approche personnelle, et nous fait découvrir, au delà des clichés, les rémanences du passé dans une société en pleine mutation. C’est au Maroc qu’a commencé l’aventure du « Plus beau jour de ma jeunesse » qui devait conduire Bernard Faucon dans 25 villes au monde. Dans un nouvel « editing » de ce travail, Bernard Faucon nous invite à partager les rêves d’adolescentes et adolescents, qui, d’Essaouira à Istanbul en passant par Damas, ont vécu et photographié une journée d’exception.
photo #1 © Scarlett Coten / Notabene-nb.com
Comme toujours en Méditerranée, le rêve se mêle souvent aux mythes ancestraux. Massimo Cristaldi relève les traces du passé à travers les petites chapelles oubliées, au détour des routes de Sicile, et le monde de Martine Voyeux est résolument « peuplé de légendes, de mythes et de personnages oniriques » : Séville, Grenade, Tanger, Bethléem ou Naples sont des espaces où se métissent les cultures les plus diverses.
Chez Nermine Hammam, figure emblématique de la scène artistique égyptienne, des images iconiques font défiler dans un joyeux mélange, Bonaparte, Frida Kahlo, Johnny Weissmuller, Marlene Dietrich... Loin d’être de simples chromos, ces icônes modernes nous invitent à réfléchir sur les idéologies que véhiculent les images et nous renvoient à une réalité sociale et politique, comme ces figures de jeunes soldats du « Printemps Arabe » en Egypte qui se détachent sur les arrières plans idylliques de cartes postales anciennes.
photo #2 © Nermine Hamman
Mais si le voyage charrie l’imaginaire et les archétypes d’une société, il fait surgir aussi les figures du réel. Les trois photographes grecs envoyés au Moyen Orient par le musée de la photographie de Thessalonique, (Athina Kazolea, Dimitris Koilalous et Paris Petridis) nous révèlent, à travers l’architecture urbaine, le poids de l’histoire et son cortège d’espoirs et de souffrances. Au Liban, en Palestine, en Israël ou en Egypte chacun d’eux traque les signes d’un passé révolu dans un présent déchiré par les conflits incessants.
photo #1, Gaza © Athina Kazolea
photo #1, We won't be silent, Place Tahir, Le Caire, Egypte © Paris Petridis
A l’image de cette Méditerranée de contrastes et de tensions se superposent toujours dans l’inconscient collectif les charmes du voyage en Orient, ou ceux d’un passé enchanteur. C’est la Riviera des stars photographiées par Walter Carone ou encore la Côte d’Azur de la première moitié du XXème siècle vue par Jacques Henri Lartigue avec ses automobiles, ses compétitions de ski-nautique et ses célébrités du monde littéraire, artistique ou politique : Sacha Guitry, Picasso, J.F. Kennedy...
André Haguet, Sainte-Maxime, septembre 1929 / Ministère de la Culture - France / AAJHL © Jacques Henri Lartigue
Cette exposition proposée par la Fondation Jacques Henri Lartigue, spécialement revue pour Photo'Med à Sanary, touchera sans aucun doute le coeur du public le plus large que la découverte extraordinaire de Jean Fontana ne manquera pas également de passionner et d’interpeller. Révélé, documents irréfutables à l’appui, par Joan Fontcuberta, le fossile d’une sirène, mis à jour au cours de fouilles subaquatiques à Sanary-sur-Mer, est un « scoop » sans précédent dont le festival Photo'Med a su s’assurer la primeur.
Que serait cependant une Méditerranée en noir et blanc, sans ses couleurs ? Invité d’honneur du festival, Massimo Vitali le sait qui, en coloriste raffiné, peint une région trop souvent hélas ! livrée à la grisaille du béton. Ses dernières œuvres récemment exposées à Londres, à la fois étranges et séduisantes, reprennent ses thèmes de prédilection : le littoral, les activités balnéaires, les plages.
A l’Hôtel des Arts de Toulon, la rétrospective de Joel Meyerowitz est une ode à la couleur. Tout en offrant un florilège de ses images inédites sur la Provence, l’exposition retrace l’itinéraire de ce grand précurseur - dont le livre en couleur Cape Light (publié en 1979) a fait date dans l’histoire de la photographie.
Camel Coats, New York City © Joel Meyerowitz
Centré à Sanary, mais prolongé à Bendor, Bandol et Toulon, le festival Photo'Med fait également une place aux photographes installés dans la région varoise (Catherine Marcogliese, Béatrice Mermet, Alain Sauvan, Michel Eisenlohr, Michel Lecoq, Guillaume Rivière), ou de passage, comme Bernard Plossu qui nous offre l’album souvenir de sa rencontre avec l’architecte Rudy Ricciotti.
Photo#1, Série "Noir et Blanc" © Bernard Plossu / Courtesy Suzette Ricciotti
Des projections, des stages et des lectures de por tfolio complètent ce panorama de découvertes et d’inédits qui constituent la trame de cette deuxième édition. Partagée entre mythe, rêve et réalité, la photographie en Méditerranée reste, plus que jamais comme le roman, « un fabuleux miroir qu’on promène le long d’une grande route ».
Jean-Luc Monterosso, Directeur Artistique