Stéphane Couturier : Les planches anatomiques de la ville
Vendredi 03 Août 2012 15:13:22 par actuphoto dans Carte Blanche
La photographie de Stéphane Couturier est celle du corps intime de la ville, livré au regard d'une manière clinique. Son œil s'immisce dans les coupes franches opérées à l'occasion de travaux pour saisir la ville dans ses mutations. Le regard opère comme un scalpel, mais sans douleur. Aucune nostalgie ou émotion ne transparaît.
Le parti pris est donc de donner à voir ce qui est ordinairement dérobé au regard, mais dévoilé le temps d'un chantier. Ce sont des entrelacs de poutres métalliques, de tuyaux, d'échafaudages, de câbles qui composent des images complexes, à la géométrie rigoureuse.
D'emblée le regard est happé dans cet enchevêtrement de structures, dans le fouillis organisé du ventre de la ville. L'œil se fond dans la multiplication des lignes, la superposition des plans, la profusion des détails.
La composition même des photos et le refus assumé de toute profondeur de champ enlèvent toute possibilité de fuite au regard. Le cadrage est frontal, l'image toujours à deux dimensions. Rien ne semble faciliter l'appropriation par le regard.
L'image résiste et fonctionne comme un piège, rebute et captive, c'est la toute l'ambivalence du travail de Couturier.
Le piège a des ressorts multiples : la perte de la réalité, le vertige dans la profondeur du temps, la vision organique et la menace sous-jacente
La perte de la réalité : une fois immergé dans l'image, on oublie vite les éléments figuratifs et les référents visuels pour basculer dans l'abstraction. Les photos de Couturier évoquent alors le travail des peintres cubistes. Des affinités plus fortes encore peuvent être trouvées du côté de Fernand Léger dont certains ont désigné sa démarche de « tubiste » pour bien la distinguer au sein du mouvement cubiste. Par ses formes constructives, la multiplication des plans, Fernand Léger recherchait « L'impact maximal ».
Le vertige dans la profondeur du temps : dans les photos de Stéphane Couturier, le temps n'est pas suspendu, il se chevauche. Les strates archéologiques de la ville se superposent et se télescopent. L'histoire de la ville se livre par couches successives. Le regard s'amuse alors à en rechercher les indices.
La vision organique et la menace sous-jacente : Au delà du ressenti d'abstraction, de l'esthétique picturale des photos, de leur valeur archéologique, une autre dimension saisit le regard. Toute la matière qui s'expose, n'est pas si inerte qu'elle le paraît. Stéphane Couturier parle lui-même des tripes de la ville. On voit alors un organisme complexe, une bête éventrée qui semble à tout moment pouvoir déborder son créateur. Dans cette intrication de formes, de structures, de matières, c'est donc une menace sourde qui sommeille et que Stéphane Couturier révèle.
David Cousin-Marsy
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Dernières expositions personnelles
2004-
Bibliothèque Nationale de France - Paris
Forum für Zeitgenössische Fotografie - Cologne.
Rena Bransten Gallery - San Francisco
Galerie Van Kranendonck - La Haye.
2003
Galerie laurence Miller - New York
2002-
University of california Art gallery - San Diego
Musée Malraux - Le Havre
Galerie Conrads - Düsseldorf
Galerie Polaris - Paris
En 2003 Stéphane Couturier est lauréat du prix Niepce.