Pour ecouter l'entretien Cliquez sur le lecteur La chute de l’Union Soviétique au début des années 90 mettra le feu aux poudres dans les nouvelles républiques du Sud Caucase. Entre Mer Noire et Mer Caspienne, l’effritement du ciment soviétique réveillera les dissensions ethniques et religieuses et engendrera une série de conflits indépendantistes volontiers attisés par la Russie.
Thierry Laugée Réponse à l'entretien ou commentaire à l'adresse suivante: laugee@actuphoto.com Les guerres d’Abkhazie et d’Ossétie du sud en Géorgie et celle du Haut Karabagh entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan éclateront entre 1992 et 1994, provoquant un déplacement de populations sans précédent. Pour la Russie, la déstabilisation de la région est l’occasion de retrouver l’influence perdue sur une zone qui contrôle l’accès aux ressources énergétiques de la Mer Caspienne. Car les réserves de cette dernière sont immenses et la chute de l’empire soviétique ouvre la voie aux puissances occidentales pour leur exploitation. L’Europe et les Etats-Unis ne s’y trompent pas. Dès 1994, BP et un consortium de compagnies pétrolières occidentales signent avec l’Azerbaïdjan un contrat pour l’exploitation d’un gisement de 5,4 milliards de barils de brut au large de Bakou. Pour se garantir une totale indépendance vis-à-vis de la Russie et ne pas subir les restrictions de transit du Bosphore, le consortium n’hésitera pas à investir les 3,6 milliards de dollars nécessaires pour la construction d’un oléoduc de 1,760km à travers l’Azerbaïdjan, la Géorgie et la Turquie pour acheminer j usqu’à 1 million de barils par j our j usqu’à la côte Méditerranéenne. Après 4 ans de construction, le pipeline BTC (Bakou-Tbilissi-Ceyhan), deuxième pipeline du monde, est inauguré en juin 2006. Sur la carte, les circonvolutions du BTC, qui s’applique à contourner les « zones à risque », rappellent cruellement à quel point la situation politique et sociale de la région n’est pourtant pas réglée. Le long de son parcours, on trouve le Haut Karabagh, territoire toujours disputé entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan 13 ans après le cessez-le-feu, l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud, territoires maintenant indépendants mais non reconnus par la communauté internationale, et le problème kurde du sud-est de la Turquie qui reste entier. Le pipeline n’est pas visible. Il est sous terre, sécurité oblige. A la surface, dans un décor de banqueroute soviétique, la situation des 250,000 déplacés d’Abkhazie en Géorgie, des 600,000 déplacés du Haut Karabagh en Azerbaïdjan empire de jour en jour. 15 ans après la fin des conflits, les familles attendent leur sort dans des hôtels abandonnés, dans des camps de réfugiés. Les retraités finissent leurs jours dans des wagons à marchandises, les enfants naissent réfugiés et ne s’intègrent pas. Ils vivent isolés, entretenus dans leur rêve illusoire d’un retour au pays. Le coup de projecteur médiatique autour de l’inauguration du BTC ne soulèvera pourtant que peu d’interrogations. Même les ONG ne sont plus sur le terrain pour soulager, manque de financements. La logique économique est impitoyable. Le monde a besoin de carburant. Le long de l’itinéraire du BTC, plusieurs centaines de milliers de personnes sombrent dans l’oubli. Grégoire Eloy, septembre 2007 Reportage réalisé en 2006 le long de l’itinéraire du pipeline BTC à travers l’Azerbaïdjan, la Géorgie et la Turquie.