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Entretien réalisé par Thierry Laugée pour Actuphoto.com laugee@actuphoto.com « Je me consacre depuis 1989 à la réalisation d’un travail photographique sur la mémoire. Chaque reportage me conduit sur les lieux relatifs à l’histoire des Arméniens dans l’empire Ottoman, où se sont déroulés les récits qui ont nourri mon imaginaire. Après le tremblement de terre de 1988 en Arménie, l’aide humanitaire a été pour moi l’occasion de pénétrer ce bout de terre symbolique, présent jusqu’alors seulement dans mon esprit. Au départ, la photographie était une alliée de second plan, mais elle s’est très vite transformée en vecteur essentiel de mes émotions. Après cette année fondamentale, je me sentais à la fois plein intérieurement et perdu. Ma rencontre avec la photographie a donné son véritable sens à ma quête; elle a été une planche de salut. Je n’avais pas programmé de devenir photographe. La photographie s’est imposée à moi comme moyen d’expression de ma sensibilité artistique. Je n’avais d’autre choix que d’avancer sur ce chemin qui me happait. Mon inspiration vient de ce qui me nourrit humainement, notamment les rencontres, car la vie naît de la rencontre. Je porte en moi force et fragilité humaines. Je n’ai aucune certitude. Le doute m’accompagne à chaque instant. Sans doute est-il source d’angoisse et catalyseur d’énergie créatrice. En 1996, errant dans la ville d’Istanbul, partagé entre crainte et excitation, j’ai éprouvé le besoin irrépressible de me lancer à la recherche des lieux imprégnés de la présence passée des arméniens. Mon projet est né des sensations éprouvées dans cette ville. J’ai décidé de parcourir le Moyen-Orient, en quête des empreintes et de la mémoire d’un peuple, de mon peuple. Quelles que soient les difficultés, les incompréhensions sur mon travail ou les obstacles qui se sont dressés devant moi, il me fallait par-dessus tout y mettre ma vie. J’ai poursuivi ma quête à Jérusalem, au Liban, en Syrie, en Anatolie, en Arménie, en Irak, en Iran, je poursuis actuellement mon travail photographique en Géorgie et en Turquie où je vais retourner au mois d’avril. En Janvier 2007, le journaliste turc d’origine arménienne, Hrant Dink, a été assassiné à Istanbul par un fanatique parce qu’il avait notamment parlé de la réalité du génocide arménien. A l’image de ce journaliste humaniste, mon véritable souhait est de me rapprocher de ces régions et des gens qui les peuplent afin d’y rencontrer des êtres qui me permettront de me réconcilier avec cette mémoire lourde et culpabilisante transmise par mes aïeux. »