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Entretien réalisé par Thierry Laugée pour Actuphoto.com laugee@actuphoto.com 50 nouvelles photographies des Peuples de l’Omo « J'ai pétri de la boue et j'en ai fait de l'or. » Charles Baudelaire. En 2002, Hans Silvester accompagne une mission archéologique en Ethiopie, dans la vallée du Rift (c’est dans cette région que se trouvent les restes de notre ancêtre Lucy). Mais au contact des habitants, le chemin de Silvester bifurque rapidement. Sans savoir exactement pourquoi, ni ce qu’il y trouvera, il se sent appelé par l’Etranger. Et à son tour, après Donald Mac Cullin, après Isabelle Munoz -et bien d’autres-, mais pour son propre compte, Silvester découvre ces tribus équatoriales qui vivent en marge de notre monde occidental. Depuis, se liant à elles au fur et à mesure de ses séjours, il ne cesse d’y retourner. « Je n’ai pas eu le droit au palmier, j’ai dû me contenter du platane ». On reconnaît bien là le style de Doisneau, ses boutades qui laissent à chacun le soin de la réflexion… Hans Silvester, lui, a au contraire avoir trouvé sa voie sous les cieux lointains. Mais il connaît, même s’il les a tutoyés, les écueils du palmier. Un paysage spectaculaire, des coutumes surprenantes ne sont d’aucune garantie. Palmier ou platane, encore faut-il le traduire en langage –en l’occurrence- photographique. L’exotisme, Silvester le sait, n’est pas un talisman. Il n’y a pas de « sujet en or ». Si l’artiste le prend pour tel, il le change en boue ; car, au fond de lui, il démissionne. Le sujet, aussi extraordinaire soit-il, est toujours à rencontrer, à extraire de sa gangue, à exprimer. Avec les premières photos des Peuples de l’Omo, Silvester en a fait la preuve éclatante. On a pu s’en convaincre par le livre des Editions de La Martinière, et, ici ou là, dans différentes expositions. Chaque image propose un angle de vue, une construction, une lumière. Chaque image est un regard. Aujourd’hui, Hans Silvester revient de cette même région avec de nouvelles photographies : Une hutte en construction, un chasseur qui porte des défenses d’éléphant… Mais surtout, des portraits d’enfants et d’adolescents. Ils jouent à se peindre avec des terres de différentes couleurs qu’ils ont sous la main. Ils se décorent des végétaux qui les entourent. Bien sûr, ils savent que le photographe est là (depuis le temps, ils finissent par le connaître !) ; c’est une présence, un partenaire complice qui exacerbe le jeu. Pour autant, jamais ils ne le galvaudent. L’intelligence créatrice préside, vive, heureuse, jaillissante ; avec des motifs répétés, elle est toujours riche de ressources et d’inventions : elle est fondamentalement sincère. Précisément, dans un monde où l’Art semble si unanimement partagé qu’il en est inconscient, ces enfants, qui se moquent bien de Baudelaire !, font joyeusement de l’or avec de la boue. Silvester en témoigne avec un talent toujours renouvelé, parce qu’il a été lui-même touché par ces moments échappés du quotidien. Un quotidien qui, ne nous y trompons pas, n’a très probablement rien à envier au nôtre. Mais ces échappées nous fascinent parce qu’elles montrent la pertinence d’une naïveté à laquelle nous n’avons plus droit. Du moins savons-nous aujourd’hui en reconnaître la valeur. (texte : La Maison-près-Bastille)