New York City, USA, 1981 © 2016 Ernst Haas, Color Correction
« Color Correction ». Un titre qui ne doit rien au hasard, puisque la « correction de couleurs » en français est « un terme d'imprimerie qui désigne la phase pendant laquelle l'on s'efforce de faire en sorte que les épreuves correspondent autant que possible à la photographie originale. » C'est le conservateur William A. Ewing qui a choisi ce tire pour dire à quel point le travail d'Ernst Haas est à découvrir à la lumière de ses images restées secrètes pendant tant d'années. Car s'il est considéré comme l'un des photographes les plus connus et prolifiques du XXe siècle, l'homme a été aussi critiqué pour un style trop « simpliste », pire : « commercial ». On lui a vite préféré Eggleston, Sternfeld, Shore ou Meyerowitz
Western Skies Model, Colorado USA, 1978 © 2016 Ernst Haas, Color Correction
Et pourtant, à feuilleter cet ouvrage, on reste bluffé de voir comme il s'empare d'abord des lumières, à travers les reflets de mocassins vernis, le soleil de fin de journée sur la peau ou sur l'arche de Saint-Louis, les flashes, les phares sur un dos de star... La couleur ensuite explose et éclabousse les matières : le mou d'un ballon jaune, le tissu d'un maillot de bain rouge, le palimpseste d'affiches déchirées, le verre et l'acier des buildings. Haas s'amuse à regarder à travers les vitres de l'Amérique. Et tout s'enchaîne, à la poursuite des couleurs de son pays, rouge blanc bleu. Celles des hamburgers, des pneus et de la télévision aussi. Sans oublier la Vierge Marie au milieu des nuages. Le photographe balade son objectif, comme dans un rêve éveillé, sans crainte de perdre celui ou celle qui regardera ensuite le résultat. Ce sont ses images, pas celle d'une marque de cigarettes ou de vêtements.
New Orleans, USA 1960 © 2016 Ernst Haas, Color Correction
St Louis, Missouri, USA, 1986 © 2016 Ernst Haas, Color Correction
« Une dissection anatomique qui (aurait) mal tourné » : voilà comment Henri Cartier-Bresson parlait de la couleur. Walker Evans se son côté n'était pas plus tendre : « Cinq mots, à prononcer à voix basse, suffisent à régler la question : la photographie couleur est vulgaire. » Les débuts de la couleur ne firent pas l'unanimité, comme l'explique le conservateur et historien de l'art Philipp Prodger dans sa postface « Ernst Haas – Une autre histoire de la couleur ». Car si les photographies du Viennois d'origine constituèrent la première exposition personnelle de photographie couleur au MoMA en 1962, il n'y eut pas de récidive avant 1976 et l'exposition de William Eggleston. Selon Prodger, l'arrivée de John Szarkowski à la tête du département de photographie de l'institution new-yorkaise, marqua un coup d'arrêt à la carrière artistique de Haas, car il refusa toujours de l'intégrer au panthéon de la/sa photographie. C'est aussi pour cela que ces images n'ont été découvertes que récemment.
Los Angeles, California, USA, 1963 © 2016 Ernst Haas, Color Correction
Aux définitions impitoyables de Cartier-Bresson ou Evans, Ernst Haas opposait la sienne, intime et poétique : « Je me souviendrai toujours des années de guerre (…) comme d'années en noir et blanc, ou mieux d'années grises. Sur un mode symbolique peut-être, je voulais signifier que le monde et la vie avaient changé, comme si l'on avait soudain tout repeint à neuf. Les temps gris étaient derrière nous et je voulais fêter en couleur les nouveaux temps chargés d'espoir, comme la venue du printemps. »
Quoi de mieux en ce début d'hiver ?
https://steidl.de/Books/Color-Correction-0318264155.html"
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Editions Steidl
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