BRASSAÏ Le Roi Soleil [Images primitives], 1945-1955 Epreuve gelatino-argentique, 139,8 ×105 cm Collection Centre Pompidou © Estate Brassaï
Centre Pompidou Place Georges Pompidou 75004 Paris France
Flammarion Editions 87 quai Panhard et Levassor 75 647 C Paris France
Les sous-sols de Beaubourg réservent de belles surprises. Il y a des jours comme ça, où on se lasse des tags parisiens, où on ne s’amuse même plus à reconnaître le blaze d’un crew qui s’aventure en dehors de son territoire, sur d’autres murs. Où on ne retient d’un trajet de métro ou de RER qu’une succession banale de tags sans grand intérêt. Ces jours-là, il faudrait descendre dans les galeries souterraines du centre Pompidou, découvrir ses trésors cachés. Parmi eux, les graffitis de Brassaï, que la Galerie de la Photographie expose de novembre à janvier.Flammarion Editions 87 quai Panhard et Levassor 75 647 C Paris France
Pendant trente ans, le photographe a enregistré les dessins grattés sur les murs de Paris et les a réunis dans un livre ,« Graffiti », réédité cette année par Flammarion. Plus collectionneur qu’artiste, Brassaï confie à son appareil une mission : recenser. Généralement en noir et blanc, sans technique particulière - le cadrage et l’angle sont toujours les mêmes -, le photographe s’efforce de garder une trace de ces graffitis éphémères. Et c’est sur les murs de Beaubourg que le visiteur peut découvrir une centaine de ces oeuvres anonymes. C’est une autre époque du graffiti qui se dévoile. Avant la bombe, il y avait le canif. Il fallait percer l’épiderme de la ville, lacérer la chair de béton. Les premiers graffeurs gravaient. Et avant les slogans politiques, avant les blases à la new-yorkaise, il y avait les dessins d’enfant.
BRASSAÏ
Sans titre, de la serie Graffiti [L’amour]
1945-1955
Epreuve gelatino-argentique [NS], 105 × 80 cm
Collection Centre Pompidou, musee national d’art moderne, Paris. © Estate Brassaï - RMN-Grand Palais
© Centre Pompidou/Dist. RMN-GP/ Adam Rzepka
Leurs dessins sont anonymes, des oeuvres sans artistes. Brassaï revenait parfois photographier le même graffiti, à plusieurs années d’intervalle. Entre les deux poses, les enfants étaient venus repasser les traits des autres, creuser les sillons, accentuer les fissures pour aboutir à une oeuvre collective.
L’intérêt de l’exposition est de reprendre les mêmes sections découpées par Brassaï dans son livre - « la naissance de l’homme », « masques et visages », « animaux », « la mort », « l’amour » -, gardant ainsi les connexions que le photographe avait établi entre ses différents graffitis. Le photographe décelait les obsessions que les enfants partagent sans se connaitre. « La naissance de l’homme » rassemble les premières oeuvres d’enfants, démontrant que notre apprentissage du dessin passe toujours par un même sujet : le visage humain. Deux trous pour les yeux, un autre pour le nez, et parfois le trait d’une bouche. « Animaux » et « Magie » présentent une mythologie commune aux enfants de Paris, influencée par les récits bibliques et les histoires antiques. Les murs sur lesquels ils venaient graver abritaient alors un bestiaire étrange, peuplé d’harpies, de colombes, de poissons et de créatures indéfinissables. A leurs côtés, des magiciens, des fées et des diablotins, trois figures merveilleuses et malveillantes directement issues de leurs rêves d’enfants.
BRASSAÏ
Sans titre, de la serie Graffiti [La magie] 1945-1955
Epreuve gelatino-argentique, 49,5 × 39,4 cm Collection Centre Pompidou, musee national d’art moderne, Paris.
© Estate Brassaï - RMN-Grand Palais
© Centre Pompidou/Dist. RMN-GP/ Adam Rzepka
Les réflexions de Brassaï qui accompagnent les photographies sont passionnantes et ouvrent de nouvelles perspectives sur le rôle du graffiti. Selon lui, tous ces dessins montrent la volonté qu’ont les enfants de dominer l’amour et la mort, comme si le fait de graver remplaçait l’incantation magique. Fixer l’image des démons, n’est-ce pas aussi pour enfant un moyen de se délivrer de ses cauchemars ? Le mur - catharsis - exorcise. « Graffiti est délivrance » propose Brassai.
Une autre partie se concentre sur le lien qui unissait les graffitis aux artistes. On apprend, au passage, que Picasso graffait à Montmartre. Comme Brassaï, il nourrissait son oeuvre des dessins qu’il découvrait au hasard des rues parisiennes. Ce que d’autres pouvaient appeler « dégradation » étaient pour le peintre et le photographe une source d’inspiration.
C’est finalement une exposition très courte mais captivante que nous propose Beaubourg, une sorte d’archéologie du graffiti au XXe siècle. Le travail minutieux du photographe devenu conservateur impressionne. Avec son appareil, Brassaï a pu sauver ces graffitis des attaques du temps et les faire passer de la rue au musée. Car, comme le rappelle Picasso : « Sans la photo, ils seraient voués à la destruction ». Le regard de Brassaï sur le graffiti, ni démagogique ni condescendant, témoigne d’une réelle affection pour ces formes d’expression brutes et naïves, cette immense toile murale derrière laquelle se dessine l’âme des enfants.
https://www.centrepompidou.fr/cpv/resource/cg5MXrA/roKxKxy", au centre Pompidou (Galerie de la Photographie) jusqu'au 30 janvier 2017.
https://www.centrepompidou.fr/cpv/resource/cg5MXrA/roKxKxy"
26/10/2016
30.5 x 42 x 0 cm
49,00 €
9782081394148