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« Kuwait : Un désert en feu » de Sebastião Salgado

Lundi 05 Décembre 2016 16:02:50 par Jules Metge dans Livres Chroniques

© Sebastião Salgado
A la toute fin de la guerre du Golfe, en 1991, le célèbre photographe brésilien Sebastião Salgado est parti couvrir le travail des pompiers sur les puits de pétrole incendiés. Son travail est pour la première fois intégralement publié, aux éditions TASCHEN.

En plein dans l’élaboration de « La Main de l’homme : une archéologie de l’ère industrielle », une oeuvre consacrée aux derniers ouvriers, Sebastião Salgado parcourt la planète pour capturer le travail des hommes. La monographie « Koweit : Un désert en feu », publiée par les éditions TASCHEN, est dans la continuité de cette grande enquête.

Le travail, aujourd’hui publié dans son intégralité, est à l’origine une commande. Envoyé au Koweit par la rédaction du New York Times Magazine, Salgado doit alors couvrir le chaos engendré par l’invasion irakienne de 1990 et l’intervention de la coalition internationale. Mais les hommes qu’il photographie ne sont pas des militaires. Ceux qui voulaient s’emparer de l’or noir ont fui le champ de bataille depuis plusieurs semaines déjà. La guerre est finie, ou plutôt, elle laisse sa place à une nouvelle, une guerre contre le feu. Lors de leur retraite, les troupes irakiennes de Saddam Hussein ont volontairement bombardé les puits de pétrole qu’elles convoitaient. En 1991, lorsque le photographe arrive dans le désert koweitien, il ne reste que les pompiers chargés d’éteindre les flammes et de colmater les puits de pétrole.


© Sebastião Salgado



Salgado disait encore récemment sur https://www.franceinter.fr/emissions/boomerang/boomerang-10-novembre-2016" : « J’ai travaillé au Koweit comme dans un théâtre à ciel ouvert ». Si ce reportage photographique doit être conçu comme une pièce, alors hommes et animaux sont les acteurs de cette tragédie économique et écologique qui a le désert pour décor. A l’écart des pompiers qui s’affairent autour des brasiers, des silhouettes de chevaux décharnés hantent un paysage de cendres. Un oiseau recouvert de pétrole semble écrasé par le ciel qu’il ne peut plus atteindre. Un autre a trouvé refuge dans une mare qui paraît se refermer sur lui. Le monde que nous montre Salgado asphyxie ceux qui le traversent.

Pour épouser aussi bien le désert que les visages couverts de pétrole, Salgado passe sans cesse du paysage au portrait, du portrait au paysage. Le reportage est comme un lent rapprochement, un long zoom des plaines koweitiennes jusqu’aux yeux des pompiers épuisés.

Des paysages de fumée, des hommes devant des flammes, des hommes devant un puits de pétrole… Un grand nombre de photographies présentées se ressemblent entre elles, mais cette répétition formelle traduit bien la répétition des interventions, la répétition incessante des mêmes gestes. Dans la chaleur du désert en feu, les têtes baissées signent l’accablement des pompiers parfois dépassés par l’ampleur de leur tâche. En deux cents pages, c’est le quotidien infernal d’hommes confrontés à une tâche sans fin. A peine trois cents pompiers pour tout un désert.

 


© Sebastião Salgado
 

Le désert s’offre ici comme terrain de jeu naturel pour une esthétique qui s’impose sans la chercher. Presqu’à chaque photographie, l’horizon des sables est ainsi brisé par les jaillissements de pétrole, flammes et eau. Un choc constant entre lignes verticales et horizontales traverse ainsi le livre. Avec les explosions de puits, l’immensité plate du désert se bombe. Des montagnes de fumée emplissent le champ photographié. Chaque cliché saisit par sa violence. Une violence doublement dérangeante, tant les clichés de Salgado sont beaux.

Ainsi, ce qui frappe dans l’ouvrage édité par TASCHEN, c’est ce photojournalisme qui ne refuse pas l’esthétisation. Dans l’alchimie sublime du noir et blanc, l’eau et le pétrole se transforment en une boue argentée aux éclats métalliques. Pleines de nuances, les flammes sont d’autant plus violentes, à la fois brûlantes et glaciales.

Sebastião Salgado parle de la « qualité intemporelle » de ce reportage. Finalement, le drame qui se joue sous nos yeux, à base de flammes et de sable, pourrait bien appartenir à toutes les époques. Sur certaines photos, ce reportage d’une guerre des années 90 se transforme en peinture de l’Apocalypse. Le photojournalisme de Sebastião Salgado n’est alors pas si éloigné de l’art dans ce qu’il révèle d’essentiel : des êtres dans l’explosion d’un monde.
 

© Sebastião Salgado






 Kuwait. Un désert en feu
Sebastião Salgado, Lélia Wanick Salgado
Editions TASCHEN
31,8 x 29 cm - 208 pages
9783836561259
49,99 euros
Édition multilingue: Allemand, Anglais, Français
 



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