Planet Earth Water - Modern Girl - Dina Goldstein
Pouvez-vous nous expliquer comment est né ce nouveau projet « Modern Girl » ?
J'ai grandi à Vancouver, qui est souvent considérée comme une porte d'entrée pour l'Est. Elle a connu une immigration sans précédent de Hong Kong et de la Chine au cours des 35 dernières années, transformant cette ville provinciale en une vibrante métropole asiatique. L'influence de la culture asiatique a été profonde, pas seulement sur la ville mais aussi sur moi en tant qu'individu et artiste. J'ai été inspirée par ces publicités emblématiques qui ont introduit la Chine, une société sans publicité à l'époque, vers le marché de la mondialisation.
Quel message voulez-vous faire passer à travers ces publicités revisitées ?
J'ai créé ces diptyques pour parler du quotidien des immigrés, ce que j'ai également vécu en tant que nouvelle arrivante à Vancouver lorsque j'étais plus jeune. Apprendre à s'intégrer était stressant, toutefois, j'ai réalisé que les défis auxquels faisaient face mes amis asiatiques étaient bien plus difficiles. Ils étaient tiraillés entre les obligations familiales et l'impératif de réussite scolaire – en opposition avec les idéaux occidentaux que sont l'expression de soi et l'individualisme.
Memory World - Modern Girl - Dina Goldstein
Tasty Spray - Modern Girl - Dina Goldstein
Mais qui sont finalement ces « modern girls » ?
La « Modern Girl » est d'abord apparue en Occident et fut connue pour sa sexualité assumée, avec des femmes en tenue légère vendant des vêtements, des savons et des cigarettes aux centres de recrutement militaires. Les pin-up chinoises sont apparues au même moment dans les magazines et sur les posters. Plus conservatrices certes, avec des vêtements de soie et des chignons lisses, elles rayonnaient pourtant de sensualité. Le terme « Modern Girl » fut trouvé par les historiens Tani Barlow et Madeleine Yue Dong qui ont affirmé que cette version asiatique était le prolongement d'un phénomène global, lancé par les multinationales et disséminé par la classe médiatique, qui avait pour conséquence de faire valoir l'impérialisme occidentale.
Est-ce fondamental pout vous d'être satirique dans votre travail ?
Ce qui est important pour moi, c'est de créer un art esthétiquement beau et qu'il soit clairement entendu.
Idea Chews - Modern Girl - Dina Goldstein
Qu'est-ce qui vous dérange dans le marketing ? Est-ce trop oppressant ? Y a-t-il trop de stéréotypes ?
Le marketing a pris une part fondamentale dans notre culture actuelle. Il fonctionne beaucoup comme une religion avec une structure similaire qui prêche la promesse illusoire d'une vie meilleure. Les cathédrales sont remplacés par des centre commerciaux et le dollar est devenu tout-puissant. Le mercantilisme se nourrit du narcissisme et de l'auto-suffisance qui aveuglent les gens sur les vraies choses importantes (et souvent gratuites) dans la vie. Les biens de consommation et les marques se développent grâce à des publicités qui créent la fantaisie, quelque chose d'inaccessible, et qui laissent les gens plein de désillusions (un sujet sur lequel j'ai travaillé dans ma précédente série) et qui est souvent le résultat d'un faux récit injecté dans la société moderne, laissant les individus mécontents ou insatisfaits.
L'humour est-il selon vous un bon moyen de parler des questions de genre ? C'est aussi votre troisième travail sur les femmes, n'êtes-vous pas intéressée par le sujet des hommes ?
Il faut traiter les sujets sérieux avec une touche d'humour pour se faire comprendre aujourd'hui. Oui, les questions de genre sont importantes pour moi, mais ce n'est pas ma seule préoccupation. Ce qui m'intéresse, c'est la condition humaine en général et la façon dont la pop culture définit et influence nos sociétés.
Love Pops - Modern Girl - Dina Goldstein
Fallen Princesses a fait le tour du web. Est-ce une bonne chose pour vous ou peut-être un obstacle à vos futurs projets ?
Je suis heureuse que Fallen Princesses suscite autant d'intérêt et soit découvert par de nouvelles personnes. C'est quelque chose de phénoménal que cette série touche autant de personnes, hommes ou femmes, jeunes ou moins jeunes, partout dans le monde. Je ne le vois pas comme un obstacle tant qu'il permet au public de découvrir et d'apprécier mon art.