Glenna Gordon © DR
Une femme tient le crâne d’une personne de sa famille à KlungKlung, un village de Bali. Dans cette région, les proches sont enterrés dans un cimetière et tous les 3 ou 5 ans, il y a une cérémonie durant laquelle leurs corps sont exhumés, les os lavés, incinérés, et les restes sont jetés à la mer.
L’ambiance est festive et des centaines de personnes viennent pour la cérémonie.
© Glenna Gordon
Ces dix dernières années, j'étais essentiellement au Nigéria : j'ai couvert Boko Haram, les jeunes lycéennes kidnappées... J'ai également mené un projet sur les mariages nigérians et travaillé sur ces femmes nigérianes qui écrivent des romans d'amour dans le nord du pays. Quand j'ai photographié ces mariages, j'ai vu que je pouvais parler, à travers eux, des problématiques liées au genre, à la religion, à la famille, à l'économie... Un mariage très riche n'a rien à voir avec un mariage très pauvre ! C'était un bon moyen pour moi de comprendre la société et j'ai voulu traiter d'autres événements rituels, comme les funérailles. L'un de mes amis m'a dit qu'il y en avait de très intéressantes en Indonésie. J'ai commencé à faire des recherches et à contacter quelques fixeurs là-bas, pour voir ce que je pouvais y faire et je suis partie !
Une fois sur place, comment travaillez-vous ?
A chaque fois que je fais quelque chose, je sais où je veux aller, mais j'ignore où tout cela finira. L'Indonésie était très nouvelle pour moi et mes attentes un peu différentes. J'avais dit aux fixeurs avec lesquels j'étais en contact que je voulais aller à des funérailles, voir comment les gens conservent les corps et en savoir plus sur la vie et la mort. Mais quand on commence à travailler, jamais rien ne se passe comme on l'a prévu ! Un enterrement mène à un autre. C'est une démarche très étrange et un peu morbide d'arriver dans un village et de demander : « Est-ce que quelqu'un est mort récemment ? Où sont les cadavres ? ». Par exemple, j'ignorais qu'un jour j'assisterais à une crémation de masse.
Une femme jette ses offrandes dans la mer pour un proche décédé à Bali, Indonésie. La mort n’est pas pleurée, mais célébrée comme la transition vers l’au-delà.
© Glenna Gordon
Est-ce que cela a changé votre rapport à la mort ?
Ce travail a changé deux choses importantes pour moi. La première, c'est que ma grand-mère, une personne chère et très importante pour moi, n'est pas en bonne santé et qu'il est très difficile pour moi de commencer à me faire à l'idée de son départ. Je suis triste qu'elle ne puisse pas voir et comprendre ce que je fais en ce moment. Ce travail en Indonésie m'a rendu capable de penser un peu différemment : plutôt que de ressentir autant de tristesse à son sujet, je pourrais plutôt célébrer son esprit, la façon dont elle a contribué à ma vie... La seconde, c'est que tous mes grands-parents sont des survivants de l'Holocauste, donc pour moi, aller à une crémation de masse résonne évidemment d'une façon toute particulière dans ma tête. Je pense à la Shoah et à ce crime perpétré contre l'humanité. Mais à Bali, je suis allée à une crémation hindoue où tout le monde célèbre ses ancêtres. C'est un endroit très festif ! Je crois que ce projet m'a offert la possibilité de montrer des événements sous un éclairage tout à fait différent, lié à la beauté et au travail de deuil, de cicatrisation.
http://www.festival-photoreporter.fr/fr/home/"
En (sa)voir plus : http://www.festival-photoreporter.fr/fr/home/"