Brice Portolano
A tout juste 25 ans, vous voilà déjà bien engagé sur la route de la photographie. Pouvez-vous nous dire comment vous en êtes arrivé là ?
Mes parents voyageaient beaucoup quand j'étais petit. Ces voyages en famille m'ont donné envie de montrer à mes copains ce qu'il se passait quand je partais. Au fur et à mesure, ce qui m'a fait continuer à prendre des photos, c'est le plaisir que j'éprouvais en créant. En voyant une scène et en me creusant un peu la tête pour essayer de la montrer d'une manière différente, ludique, d'exposer mon point de vue. C'est devenu un moyen d'expression. J'étais nul en dessin, en peinture ou en musique, mais j'aimais bien la photo !
Votre travail a déjà été publié par des médias influents, tels que National Geographic, Le Monde ou encore La Repubblica, pour ne citer qu'eux. Qu'est-ce qui vous a donné envie de faire de la photographie votre métier ?
Je n'envisageais pas la photo comme une carrière. Je voulais être journaliste pour découvrir le monde, partir en vadrouille et faire des rencontres. Pour moi, c'était le meilleur moyen de répondre à cette soif de curiosité. C'est l'aspect sociologique qui m'intéressait : comprendre les comportements des gens, savoir pourquoi ils fonctionnent de telle ou telle manière. Grâce à mon travail, j'ai pu rencontrer des personnes qui m'ont permis de répondre à cette curiosité, à cette soif d'information sur la manière dont on vit ailleurs. C'est l'humain en général qui m'intéresse finalement. La photo est un passeport pour moi.
BACK TO THE LAND ©BRICE PORTOLANO
D'où vous est venue l'idée du projet « No Signal » ? Comment s'est-il organisé ?
En fait le projet est venu naturellement. La première série était celle de Salt Lake City. Je suis parti là-bas de ma propre initiative, comme pour les destinations qui ont suivi. En fait, aucun des projets n'est une commande, tout est auto-produit. J'ai choisi mes sujets par goût, selon les endroits où je voulais aller. Comme j'étais mon propre patron, je pouvais faire ce que je voulais. Du coup, j'ai parfois été dans des situations très précaires au niveau financier et au niveau des équipements. Mais cela faisait parti de l'expérience je suppose.
Pour mon second voyage, je suis parti en Finlande, chez Tina. J'étais fauché et comme j'avais peur que le coût de la nourriture soit trop élevé sur place, j'ai fait mes courses avant de partir et je les ai faites acheminer par avion avec moi. Finalement, c'était presque plus cher ! Pour l'Alaska, Matt, chez qui je logeais, m'offrait le gîte et le couvert en échange de mon aide. Cela me permettait aussi d'avoir accès à son mode de vie. Pour mon premier voyage, à Salt Lake City donc, j'ai trouvé Ben sur place, grâce à CouchSurfing. Pour les autres, j'ai fait mes recherches sur internet au préalable, afin d'être en contact avec eux avant mon départ.
Ce thème « Le retour de l'Homme à la Nature », est-ce quelque chose que vous aimeriez faire ?
Non, pas forcément. C'est par intérêt sociologique que j'ai choisi ce sujet, pour l'étudier en tant que comportement global qui émerge dans notre société. La Nature est un thème qui parle beaucoup aux gens. J'ai choisi d'axer mon projet sur le monde occidental, parce que c'est une culture que je connais, dont je suis familier et qui me plaît. J'ai trouvé cela plus facile que si j'étais allé faire quelque chose sur des tribus indiennes ou autre.
Comment travaillez-vous une fois sur place ? Est-ce que vous partez avec une idée précise de ce que vous voulez photographier ?
C'est plutôt de l'improvisation ! De temps en temps cela fonctionne et parfois non. C'est comme faire un pari. Ce n'est pas de la photographie publicitaire, c'est vraiment la spontanéité qui compte, l'authenticité d'un moment. C'est important pour moi car je suis quelqu'un qui ne sait pas mentir et qui a un grand sens de l'honnêteté. Je serai mal à l'aise d'exposer des photos mises en scène, ce ne serait pas moi et ça ne serait pas non plus en accord avec le projet.
ARCTIC LOVE ©BRICE PORTOLANO
Quelle a été l'expérience la plus marquante de ce projet commencé en 2013 ?
Cette photo où l'on voit les chiens de traîneaux avancer de face. On était au mois de janvier. La neige était tellement épaisse qu'il fallait que je marche devant les chiens avec quelqu'un d'autre, sinon on ne pouvait pas passer. Je faisais des photos en même temps donc c'était assez intense. J'étais en raquettes, complètement épuisé. J'avais chaud, du coup j'avais remonté mes manches et ma sueur gelait sur mes bras parce qu'il faisait -30°C. Ces photos, c'est un centième de seconde de ma vie, que je peux regarder n'importe quand et montrer à des gens. Cela permet de partager un instant qui pourrait complètement tomber aux oubliettes autrement. On dit aujourd'hui qu'il y a plein de photographes, mais personne ne peut faire deux fois la même photo, parce que chaque moment est unique et c'est ce qui compte.
Quels sont vos projets pour la suite ?
Maintenant que « No Signal » est terminé, je suis en train de travailler sur son adaptation en une série documentaire pour la télévision, avec le réalisateur Mathieu Le Lay. Je veux retourner voir ces personnes pour montrer leur quotidien et partager leur mode de vie. Parce que les photos ne montrent qu'un milliardième de leur existence alors qu'il y a tellement plus à dire.
L'exposition « No Signal » est visible à la Galerie Art en Transe jusqu'au 25 septembre.
BACK TO THE LAND ©BRICE PORTOLANO