Martine Carol © Ministère de la Culture - Médiathèque du Patrimoine, Dist. RMN-Grand Palais / Sam Lévin
Maison de la Photographie Robert Doisneau 1 rue de la Division du Général Leclerc 94250 Gentilly France
« En France, on n’est pas acteur si l’on n’a pas été photographié par les Studios d’Harcourt », écrit Barthes dans ses Mythologies (1957). Cet adage pourrait très bien s'appliquer au Studio Lévin. Cette institution très parisienne fondée par Sam Lévin au début des années 30 a photographié presque toutes les stars françaises du XXe. Exclusivement réservé aux célébrités, ce studio a suivi les tendances pour offrir des portraits dans l'air du temps. L'exposition « Le studio Lévin, Sam Lévin & Lucienne Chevert » à la Maison de la Photographie Robert Doisneau (Gentilly), présente du 17 juin au 25 septembre 2016, est donc l'occasion ou jamais d'explorer le paysage visuel de la deuxième partie du XXe siècle. Un voyage dans le temps très glamour.
Vince Taylor © Ministère de la Culture - Médiathèque du Patrimoine, Dist. RMN-Grand Palais / Sam Lévin
Brigitte Bardot, Claude François, Johnny Hallyday... il y en aura pour tous les goûts. Le studio Lévin a photographié un peu moins de 6 000 stars, participant de la construction de l'image de la célébrité. L'exposition fondée sur des images d'archives, retrace chronologiquement le cheminement de cette esthétique toujours plus soumise aux dures règles de la mode.
Claude François © Ministère de la Culture - Médiathèque du Patrimoine, Dist. RMN-Grand Palais / Sam Lévin
La célébrité mythifiée
Dans la salle du rez-de-chaussée, des photographies de Gina Lollobrigida, Eddie Barclay ou Fernandel. A la fin des années 30, le portrait en noir et blanc est baigné par un jeu d'éclairage sophistiqué très proche de celui utilisé sur les plateaux de cinéma de l'époque. Les stars sont souvent sublimées dans des poses intemporelles. Certains clichés sont cependant drôles et audacieux : la danseuse Ludmila Tcherina qui fait des pointes en passant l'aspirateur. Les décors plongent les célébrités dans un univers artificiel, mais on est déjà loin du style des Studios d'Harcourt. Ces images irréelles sont ensuite diffusées dans les pages des magazines, deviennent des posters ou des cartes postales et font rêver les jeunes Français(es) de l'époque. En pleine ascension, le Studio Lévin signe avec la société Unifrance (qui assure la promotion du cinéma français à l'étranger) et la maison Barclays, illustrant les pochettes des disques du moment. La réussite est complète, Sam Lévin et Lucienne Chevert ne peuvent que croire à l'avenir. Le petit studio de la rue du Faubourg-Saint-Honoré déménage alors dans les gigantesques Studios internationaux de photographies à Boulogne-Billancourt (1967).
Sam Lévin et l'actrice Gina Lollobrigida © Ministère de la Culture - Médiathèque du Patrimoine, Dist. RMN-Grand Palais / Sam Lévin
Les stars sont des personnes comme les autres, non ?
Sylvie Vartan © Ministère de la Culture - Médiathèque du Patrimoine, Dist. RMN-Grand Palais / Sam Lévin
Le deuxième étage est haut en couleur. Au revoir la sobriété du noir et blanc et bonjour l'exubérance de l'esthétique « yéyé » puis disco. Les fonds deviennent rouges pétants ( photographie de Mireille Darc) ou représentent un ciel bleu teinté de petits nuages (photographie de Nadine De Rothschild). Le kitsch vit son heure de gloire ! Les poses ont également changé, la magnificence figée et l'emphase théâtrale sont remplacées par un semblant de spontanéité. Plus de visage intemporel, le corps est maintenant mis en avant. Certains reconnaîtront dans ces clichés l'influence de Jean-Marie Perier, mais Sam Lévin et Lucienne Chevert prennent uniquement des photos en studio. Même si les modèles semblent plus proches de nous, on n'a pas l'impression de toucher l'intimité de leur vie quotidienne. L'évolution de l'esthétique du studio Lévin en dit beaucoup sur le XXe siècle et se remarque également à l'échelle d'une célébrité. Brigitte Bardot est le modèle le plus photographié, on a retrouvé dans les archives entre 3 000 et 4 000 photos de la star ! Shootée aux débuts des années 50, à l'âge de 17 ans, elle accompagne toutes les mutations esthétiques du studio et de l'époque.
Dalida © Ministère de la Culture - Médiathèque du Patrimoine, Dist. RMN-Grand Palais / Sam Lévin
Cette exposition qui semble classique, demeure tout de même assez originale. Michaël Houlette, directeur de la Maison Doisneau et Matthieu Rivallin, chargé de collections du département de la photographie de la médiathèque de l'architecture et du patrimoine, ont décidé de ne pas seulement mettre à l'honneur Sam Lévin, mais également son associée, Lucienne Chevert en insistant sur la dimension collective de l'oeuvre présentée. Tous les deux photographes au studio Lévin, il est impossible de les distinguer stylistiquement. Surtout qu'à l'époque, ces photographes ne se considèrent pas comme des artistes et ne sont pas reconnus comme tels. Ce sont avant tout des techniciens : leurs clichés répondent à des commandes, leur style à des demandes. Il est toujours difficile à notre époque d'appréhender ce genre de travail : l'intérêt historique est certain, mais pourquoi aimons-nous admirer ces images ? Ont-elles réellement une dimension artistique ou sommes-nous seulement attiré par leur caractère vintage, tendance du début du XXIe ?
Le studio de Boulogne-Billancourt © Ministère de la Culture - Médiathèque du Patrimoine, Dist. RMN-Grand Palais / Sam Lévin