© Duncan Dimanche
Inspiré par le cinéma, Serge Ramelli capture le monde urbain avec un regard qui lui est propre. Dans ses deux ouvrages, Paris et New York (parus chez YellowKorner), l'artiste dépeuple les deux grandes métropoles et les immortalise en noir et blanc. De l'autre côté de l'Atlantique, le photographe français a bien voulu partager avec nous sa passion et son savoir-faire.
D'où vous vient cette fascination pour le milieu urbain ?
D’abord par facilité : j'ai vécu à Paris une bonne partie de ma vie. A l'age de 34 ans, je travaillais beaucoup et je passais mes journées dans les quartiers de Paris à vendre des sites internet. Je n'avais jamais eu l'idée d'être photographe. J'étais plutôt attiré par le cinéma, je voulais même être comédien. Un jour, je suis parti en vacances avec mon meilleur ami. Il avait pris une amie en photo et fait de très belles retouches, un peu comme sur une couverture de magazine. Je me suis alors rendu compte de ce que l'on pouvait faire avec le numérique. En 2004, j'ai eu mon premier appareil. La photographie, ça m'a pris comme un virus. J'ai d'abord photographié Paris en couleur. La conversion en noir et blanc a eu lieu bien plus tard, en 2013.
Paris
©Serge Ramelli
New York
©Serge Ramelli
Vos photographies sont remarquables par le vide et l’absence de gens. Pourquoi enlever toutes ces personnes qui peuplent les villes habituellement ?
Je me suis d'abord posé des questions de droits à l'image, puis j'ai surtout appliqué une règle toute bête en photo : ne pas prendre trop d'éléments. Je trouvais justement intéressant de choisir des angles où l'on ne voit pas les touristes, pour ne pas distraire le spectateur. Sur certaines photos, on voit des personnes, mais elles sont loin. De près, elles pourraient devenir sujet. J'étais également très inspiré par Jean-Michel Berts, dont j'ai beaucoup étudié le travail et à qui j'ai fait une dédicace au début du livre. Pour les paysages, je garde la même idée, j'attends toujours le moment où il n'y a pas de touristes, où l'on voit juste la beauté.
Le ciel est d'ailleurs très présent dans vos photographies.
Quand je suis dans Paris, dès que je vois un beau ciel, je dégaine mon appareil photo. Un beau ciel, c'est une belle lumière. C'est d'ailleurs pour cela que j'ai mis six ans à faire la série sur Paris. J'avais le luxe de pouvoir attendre LE beau ciel. Pour donner un exemple, pour une photographie de Montmartre, je suis revenu 14 fois sur les lieux. C'est le seul angle de la basilique qui va vers l'est et dont on peut distinguer sur la droite le coucher de soleil. C'est là que je me suis dis que je ne prendrais des photos que lorsqu’il y a des nuages. Ce choix vient aussi des films qui sont une grande source d'inspiration, comme Autant en emporte le vent où l'on voit de sublimes horizons.
Montmartre
©Serge Ramelli
Vous parliez de dramaturgie, est-ce que le noir et blanc en ajoute à vos photos selon vous ?
Pas vraiment, mais avec le noir et blanc, on peut avoir un contraste plus fort. Quand on prend une photographie en couleur, elle est rapidement saturée et le résultat peut ne pas être satisfaisant. Je joue sur les contrastes orange/jaune, un peu dans comme dans Autant en emporte le vent. En noir et blanc, l'ambiance va être beaucoup plus sombre, plus dure. Ce sont donc deux type de dramaturgies différentes.
Paris
©Serge Ramelli
New York
©Serge Ramelli
Le Figaro a parlé de votre série en parlant de « beauté cinématographique ». Qu'est-ce que vous pensez de cette comparaison ?
C'est totalement ma ligne éditoriale. J'ai toujours voulu travailler dans le cinéma et j’espère bien réaliser un film. Je me suis énormément inspiré de grands réalisateurs, surtout de Spielberg et de Luc Besson, dont j'ai énormément étudié les cadrages. Quand on prend en photo un coucher de soleil, une belle église ou un beau bâtiment, on a le middleground et le backround qui sont importants, mais il faut surtout trouver un élément au premier plan, un chemin, un rocher, qui va placer l'émotion. Le cinéma le fait très bien et j’essaie de travailler dans la même continuité à travers mes photos.
New York
©Serge Ramelli
Concernant les retouches que vous faites dans vos photographies, quelle importance y accordez-vous et combien de temps passez-vous en moyenne par cliché ?
Quand je travail sur Lightroom, j'utilise des « preset », des configurations préréglées. Ce qui fait que, contrairement à Robert Doisneau qui passait énormément de temps à retoucher ses photos, quand j'ai bien réglé la luminosité, je passe moins de 45 secondes à la post-production de ma photo.
Lorsque vous prenez votre photo, avez-vous le résultat en tête ou vous laissez-vous surprendre par le résultat ?
Je ne prends des photos que lorqu'il y a des nuages pour cacher le soleil et je sous-expose mes clichés, ce qui fait que j'ai une ambiance dramatique à la base. Je suis allé à Venise et j'ai eu une chance incroyable : il faisait moche ! Moi j'adore ! Au lieu de photographier uniquement le matin ou le soir, je pouvais photographier aussi en journée.
Concernant votre travail sur Venise, va-t-il donner naissance à un livre ?
Oui, avec le même éditeur, il sortira en novembre.
Vos clichés seront-ils toujours en noir et blanc ?
Oui, cependant, j’espère convaincre Yellow Korner de sortir un livre en couleur. Je pourrai alors en faire un sur la Californie. Si vous regardez http://photoserge.com/", vous verrez que la majorité de mes clichés sont en couleur.
Paris vue du ciel
©Serge Ramelli
New York
©Serge Ramelli
En parlant de votre site, vous faites beaucoup de tutoriel sur la photographie et la post-prod, quel intérêt y trouvez-vous ?
Quand j'ai commencé la photographie en 2004, il y avait très peu de personnes qui expliquaient la photo sur internet. J'ai eu envie de partager ce savoir et de dire à mes amis, au monde : « Attendez, la photographie, c'est super simple, avec Lightroom et Photoshop, on peut faire énormément de choses ! » Au début c'était pour rigoler, puis ma chaîne s'est développée et est devenue aujourd'hui ma première source de revenu. Je fais parti du top 5 des youtubeurs les plus populaires au monde dans la photographie.
Vous avez photographié Paris, New York, Venise, y a-t-il une autre ville que vous voudriez photographier ?
J'aimerais beaucoup faire des clichés sur San Fransisco, ou sur des paysages comme le Grand Canyon. Mon continent de travail aujourd'hui, c'est les États-Unis. Je suis en train de réaliser un rêve de gamin, faire ce qu'a fait Ansel Adams, photographier tous les parcs naturels américains, mais cette fois-ci, en couleur !
New York
©Serge Ramelli
Pont Neuf
©Serge Ramelli