© Sarah Moon
Un parcours atypique
L'artiste britannique compte aujourd'hui parmi les plus grands photographes contemporains internationaux. Celle qui avait autrefois posé devant l'objectif a fini par changer de bord, en créant un style obscur, parfois fantasmagorique. Elle entraîne le spectateur dans un royaume entre rêves, mythes et contes de fées, entre paysages inconnus, villes enchantées, portraits et natures mortes florales.
© Sarah Moon
S'intéressant d'abord à la mode, l'artiste a travaillé pour Cacharel, puis Dior, Chanel, Comme des Garçons et Issey Miyake. Ses photos ont été publiées dans des magazines tels que Vogue, Marie Claire et Elle.
Délaissant rapidement les sentiers battus, elle développe un style photographique qui se caractérise par un jeu subtil de couleurs, d'ombres et de lumières, ajoutant des éléments surréalistes, créant finalement une vision excentrique imprévisible. Les photos de Moon puisent leur énergie curieuse et leur poésie dans de douces transitions. Les natures mortes, portraits et paysages ressemblent à une série d'expériences intimes avec des flous, des nuances de couleurs, des zones sous-exposées, des traces et des rayures. Si elle juxtapose les thèmes, les travaux qu'elle expose s'entrelacent stylistiquement. Nous apprenons dans la préface de Dirk Luckow, directeur des Deichtorhallen de Hambourg, que le travail noir et blanc de Moon se fait exclusivement avec un Polaroid.
Sous la casquette de réalisatrice
© Delphine Warin - Sarah Moon
Le livre nous dévoile également une autre activité de l'artiste, moins connue de son public : son travail de réalisation cinématographique. Ainsi, nous découvrons notamment son long-métrage Mississipi One (1990). Elle y casse la linéarité narrative du film en compilant des images fixes et silencieuses aux séquences filmiques. Dans son court-métrage Le Petit Chaperon Noir (Little Black Riding Hood), on ressent très clairement l'inspiration provenant des contes de Perrault et des frères Grimm.
Une photographe aux antipodes des standards
Barbara Vinken, dans son article « Now was Yesterday – The Fashion in Sarah Moon's Photographs », nous livre son analyse sur la question de la mode dans les images de Sarah Moon, en commençant par dire qu'elles n'ont rien de photos de mode. Elle reconnaît toutefois la virtuosité et l'artificialité de la mise en scène. Résultat d'une intuition, les clichés ont l'air de répondre à la recherche d'une époque perdue, nous éloignant du présent et nous entraînant dans les profondeurs du temps, comme sur une passerelle entre le monde des vivants et le monde des mort. La figuration est souvent dissolue. La couleur de l'arrière-plan, de la robe et de la peau interagissent. Parfois, on en vient même à se demander si quelqu'un s'est bien tenu devant l'objectif. Tout est fait pour obscurcir, pour brouiller l'affirmation de la réalité propre à la photographie. La clarté du contour des corps est dissoute. Associée au fait que l'image montre rarement la femme dans son intégralité, cela leur donne un aspect surnaturel.
© Sarah Moon
Dans l'intimité de Sarah Moon
Dans les quarante dernières pages, le lecteur peut entrer dans une certaine intimité avec la photographe. D'une part, différentes interviews que Moon a données au cours de sa carrière, nous permettent de prendre conscience de l'évolution de l'artiste. D'autre part, pour finaliser l'ouvrage, l'auteur nous offre une drôle de correspondance entre Moon et Duane Michals, où la préparation de l'exposition de 2015 à Hambourg laisse souvent place à l'humour.
Now and Then
Sarah Moon (Auteur) – Dirk Luckow (Préface)
Kehrer Verlag
Textes par Peter V. Brinkemper, José Chidlovsky, Magali Jauffret, Duane Michaels, Ilona Suschitzky, I. Taubhorn, Barbara Vinken
45 euros