© Raymond Depardon
Le célèbre photojournaliste français de 73 ans n'a plus rien à prouver au public mais continue de nous surprendre. Après l'exposition Un moment si doux au Grand Palais (14 novembre 2013 – 10 Février 2014) où le public a pu pour la première fois s'émerveiller devant une partie de la série écossaise, 72 photographies sortent au grand jour après être restées dans les tiroirs plus de 30 ans.
Nous sommes en 1980. Le Sunday Times Magazine commande un reportage à Raymond Depardon qui avait marqué par ses photos réalisées au cours de la guerre d'Algérie et du Viet Nam. Pourtant, le reportage ne sera pas publié à l'époque. Aujourd'hui, c'est avec William Boyd qu'ils témoignent, chacun à leur manière, que cette ville, qui est aujourd'hui la plus importante d'Écosse et la troisième du Royaume-Uni, n'a pas toujours été aussi florissante. Cette ville qui avait connu la prospérité à la période de l’Empire britannique, était alors divisée entre les vestiges d’une richesse passée et les symptômes d’une pauvreté grandissante marquée par les tenements*.
© Raymond Depardon
On retrouve bien les ambiances sombres, facteurs d’insécurité et de peur relatées par Boyd. Pourtant, dans ses images crues, la vie et la couleur percent. Voyez cette petite fille dans sa robe rose, entourée de grands immeubles noirs, et dont le seul support à sa rêverie naïve est le ciel que la perspective de la photo rend rare.
Ce qui a frappé Boyd, c'est d'avoir été présent dans la ville au même moment que le photographe, et ainsi de partager un souvenir commun. Pendant que l'un y vivait et y étudiait, l'autre venait l'immortaliser grâce à son Leica Reflex, son objectif de 28mm et un film Kodachrome 64. Si l’ouvrage met l’accent sur cet aspect désolant, William Boyd ne pense pas que Depardon ait voulu faire œuvre de « photographie de rue ». Bien que les images soient en couleur, « la lumière de Glasgow, sa grisaille humide et éteinte, donne aux clichés quelque chose de cette intemporalité que confère le noir et blanc ». Heureusement, la ville n’est pas resté figée et les espaces qui formaient « le poumon industriel » ont progressivement été réaménagés et sécurisés…
© Raymond Depardon
Ce cliché montre très bien le contraste entre le neuf et l'ancien. D'un côté ce couple fier, bien portant, posant devant une Rolls flambant neuve et un immeuble à l'allure récente, d'un autre côté les vestiges d'une usine vieillissante.
© Raymond Depardon
Un homme observe la rue depuis sa fenêtre. En ton sur ton et rendu minuscule par l'immeuble et la rue qui remplissent le cadre, la monotonie est cassée par les voitures rouges et l'unique rideau jaune. Ce rouge et ce jaune, qui créent ici une dynamique sans laquelle cet homme se distinguerait encore moins, réapparaissent avec le vert et le rose régulièrement dans les images de Depardon, telle une marque de fabrique pour la série.
Finalement, à travers ce livre, on peut sentir à quel point la dureté des lieux et du climat forge le caractère des habitants. Tout semble être fait pour préserver les jeunes générations, qui représentent le nouvel espoir d'une vie prospère. Ces couleurs dans la vie des habitants, au milieu des immeubles et des rues sales, sont les seules qui semblent réussir à apporter de la gaité.
*tenements = immeubles
Glasgow
Raymond Depardon (Auteur) - William Boyd (Préface)
Editions du Seuil
29 euros