Portrait de Stéphane Couturier
Si vous avez prévu de jeter un œil à la http://biennalephotomondearabe.com/">Biennale cet hiver, le passage obligé est le dernier étage de http://biennalephotomondearabe.com/">Biennale. Montez les escaliers, arrêtez-vous sur http://biennalephotomondearabe.com/">Biennale, ou encore sur Gaza : eau miracle de Massimo Berruti. Une fois arrivé en haut, découvrez un étage entier dédié à la retrospective du photographe Stéphane Couturier. Séparée en deux chapitres, sa dernière série Alger fait partie de la Biennale. Mais comme à la MEP, ils aiment bien l'artiste, ils en ont profité pour dédier l'autre espace à son parcours depuis une vingtaine d'années en tant que photographe. On part donc pour une visite guidée - et par Stéphane Couturier lui-même s'il vous plaît - de cette retrospective.
Série Urban Archeology, Berlin, Krausenstrasse, 1996
Cibachrome, 145x104cm, © Stéphane Couturier
Série Melting Point, Usine Toyota, Valenciennes, 2005
C-print, 182x242cm, © Stéphane Couturier
Dans ses projets récents, et on le verra bien dans sa série Alger, Stéphane Couturier ne travaille quasiment plus qu'en numérique. Mais il a réellement débuté la retouche photo lorsqu'il a visité l'Usine Toyota de Valenciennes pour sa série Melting Point, à partir de 2004. Lors de son immersion dans l'atelier Toyota, il avoue avoir eu du mal à trouver un lien entre ses photos et la dynamique des chaînes de montage, bruyantes et complexes. « Lorsque je regarde les premières photos brutes faites à Toyota, je vois quelque chose de figé, de calme, de sec, mais qui ne rend absolument pas compte de mon ressenti », commente-t-il. Le moyen de transmettre cette sensation, c'est en superposant, en travaillant sur l'opacité et la transparence, en habillant les images.
Série Melting Point, Usine Alstom, Belfort, 2009/2012
Cibachrome, 116x205cm, © Stéphane Couturier
Idem pendant la visite de l'Usine Alstom dans l'Est de la France, jamais plus de deux photos assemblées, toujours en gardant un rendu fluide. Il questionne le spectateur sur l'éventuelle pluralité d'images, voir s'il est capable de différencier les fragments. « Aujourd'hui, l'oeil a besoin d'aller vers une image plus complexe ». Pour l’anecdote, lui-même n'arrive plus six ans après à dissocier clairement les deux images composantes du rendu final. Mais justement, « c'est comme un plat au restaurant, peu importe comment il a été fait, c'est le goût qui compte ».
Série Melting Point, Chandigarh, Secrétariat n°1, 2006-2007
C-Print, 180x234 cm, © Stéphane Couturier
On avance dans l'exposition et dans la carrière de l'artiste, on est maintenant en plein cœur de ses travaux précédents, toujours issus de sa large collection Melting Point, entre 2006 et 2012. Même technique, mais ici ce ne sont plus des chaînes de montage d'usine, mais de l'architecture pure et dure. Le Brésil, Cuba, L'Espagne ou encore l'Inde, le photographe a sillonné pas mal d'endroits à la recherche d'urbanisme à exploiter pour ses compositions. Chandigarh, ville moderne du Nord de l'Inde, a été en grande partie pensée par l'architecte Le Corbusier à partir des années 50. Stéphane Couturier aime rappeler que Le Corbusier détenait une large palette de travail : il faisait aussi des fresques, céramiques, ou tapisseries monumentales. Le photographe superpose alors son oeuvre architecturale à son oeuvre plastique sur une seule et même image.
Série Melting Point, Barcelone, Parallel n°2, 2008
C-Print, 180x247cm, © Stéphane Couturier
Lors de son passage à Barcelone, Stéphane Couturier utilise encore le même processus pour la ville espagnole. L'exercice est délicat, il y a déjà eu énormément de photos faites en matière d'architecture de grandes agglomérations, tout a été montré, mais pour lui, « il faut synthétiser mais aussi revisiter ». Le photographe expérimente beaucoup l'outil numérique. À partir de 2011, avec la série Alger, il refrène ses envies de superposition pour se concentrer sur de nouvelles compositions.
Série Alger, Cité Climat de France, Façade n°2, 2011-2013
C-Print, 160x160cm, © Stéphane Couturier
« Alger avec une chambre photographique, on oublie ! » confie-t-il. Pour des raisons de discrétion, d'encombrement et de sécurité, la série a été faite uniquement en numérique, il s'est d'ailleurs fait confisquer plusieurs appareils à l'aéroport. Du coup, obligé de travailler avec des appareils plus petits, plus discrets, il trouve d'autres systèmes de présentation. Stéphane Couturier connaît bien l'Algérie maintenant, puisque qu'il compte de nombreux séjours là-bas et bientôt cinq ans de travail sur cette série. Il dit de cette ville que c'est « un laboratoire de l'architecture du 20eme siècle ». L'artiste voit en Alger le parfait reflet de Marseille par rapport à la mer Méditerranée, d'un point de vue cartographique oui, mais aussi d'un point de vue architectural. La capitale algérienne, qui est d'ailleurs la ville la plus peuplée du pays, a subi une véritable transformation à partir des années 50. L'architecte Fernand Pouillon, grand bâtisseur de cette période, a voulu faire une architecture sans mépris pour les habitants, il a notamment travaillé sur la cité appelée Climat de France. Cet ensemble fait partie du quartier déshérité de Bab El Oued, où vivent 100 000 habitants face à la mer.
Série Alger, Bab El Oued n°2, 2013
C-Print, 140x300cm, © Stéphane Couturier
La photo de Bab El Oued ci-dessus est purement documentaire, il n'y a pas de composition en diptyque comme pour les autres. C'est d'ailleurs la seule image de la série où on aperçoit l'horizon et donc la mer. Cette barre d'immeubles face à la Méditerranée est surnommée le Titanic. Comme un mur, elle montre l'impossible échappatoire des habitants du quartier vers l'Europe. Les pétroliers au fond représentent quant à eux la richesse du pays à laquelle ils n'ont pas accès. L'architecture est très européenne, et l'urbanisme est digne d'une ville du sud de la France : la marque de la colonisation française en Algérie est encore très forte aujourd'hui. « Il y a un paradoxe permanent en Algérie, c'est un très beau pays qui ne profite pas de ses atouts ».
Série Alger, 2011-2013
© Stéphane Couturier
Mais l'artiste photographie aussi du vivant. La photo des feuilles de dragonniers est obtenue en levant la tête lors d'une promenade dans une allée d'un parc botanique d'Alger. Ce jardin d'essai a été imaginé dans les années 40, servant à approvisionner les colons français, il évoque inévitablement l'occupation du pays. L’entrelacement des branches montre la rencontre des deux cultures sur le sol algérien. C'est un lieu paisible, on y sort le week-end, on s'y promène en couple, ou on y fait du tourisme tranquille. Dans l'exposition, cette œuvre est délibérément en en face d'une photo d'immeubles d'habitation de Bab El Oued : Stéphane Couturier oppose le végétal au minéral.
Série Alger, Cité Climat de France, Façade n°1, 2011-2013
C-Print, 180x298cm, © Stéphane Couturier
Du minéral, du végétal, mais aussi de l'humain. Dans la salle du fond, un grand triptyque de la cité Climat de France découpé en bandes fait face à une série d'écrans. Sur chaque écran : une vidéo d'un habitant de la cité. Ces hommes, il a appris à les connaître dans la célèbre cour aux 200 colonnes de l'architecte Fernand Pouillon. Le photographe voulait montrer les occupants pour les remercier, car sans eux il n'aurait jamais pu intégrer cette cité. C'est un endroit où la police ne rentre pas, où le trafic bat son plein, où « vous n’êtes pas sûr de ressortir avec l'appareil photo que vous avez fait entrer ». La cité est très mal considérée, et notamment par les Algériens. « La première fois que je suis arrivé à Alger, le chauffeur a refusé de m’emmener à Climat de France, en disant que c'était trop dangereux », se rappelle-t-il. En plus, les habitants sont généralement sceptiques vis-à-vis des journalistes qui viennent chez eux pour critiquer ou dénoncer les trafics. Stéphane Couturier avait une autre approche : « Avec le peu de moyens que j'ai, je voulais témoigner de la force du lieu, délaissé par le gouvernement algérien, mais qui est un lieu extrêmement vivant ».
Vidéo série Alger, Cité Climat de France, Portrait n°6, 2013
HD - Loop, © Stéphane Couturier
Stéphane Couturier avoue être relativement en retrait dans son travail : « Je n'ai aucune histoire personnelle avec l'Algérie, donc il n'y a pas d'affect ». Il ne veut pas dénoncer ni magnifier, mais simplement faire un état des lieux. L'artiste remarque tout de même une évolution, il y a dix ans les gens n'étaient pas fiers de vivre dans cette cité, aujourd'hui les mentalités changent. Amine, que nous voyons sur l'http://biennalephotomondearabe.com/">Biennale est devenu un ami du photographe. Il se moque du regard des autres et refuse le jugement, lui et ses voisins sont fiers de vivre en Algérie, d'être musulmans, et d'habiter Climat de France.
Série Landscaping, San Diego, Olympic, Parkway n°1, 2001
Ilfoflex, 122x228cm, © Stéphane Couturier
La scénographie de cette rétrospective à la Maison Européenne de la Photographie, le photographe l'a imaginée comme une expérimentation, souvent en couplant des œuvres. Pour accompagner l'expo, on vous conseille fortement le http://biennalephotomondearabe.com/">Biennale, qui reprend le même principe de mise en page. Consultable sur place, ou à acheter à la librairie de la MEP, le magazine est sans reliure ni attache. Il nous laisse la possibilité de changer l'ordre des pages, de « diptyquer » un recto avec un verso, et vice versa. Libre à nous de feuilleter Toyota en face d'Alger, ou San Diego devant le Grand Palais.
Exposition du 12/11/2015 au 17/01/2016
Maison Européenne de la Photographie (www.mep-fr.org)
5/7 rue de Fourcy, 75004 Paris
M° Saint-Paul (ligne 1) ou Pont-Marie (ligne 7)
Ouvert du mercredi au dimanche de 11h à 20h
Fermé lundi, mardi et jours fériés
Plein tarif : 8 €
Tarif réduit : 4,5 €
Gratuit le mercredi de 17h à 20h
© Couverture du catalogue d'exposition SC
Stéphane Couturier et Ingrid Luquet-Gad
Éditions Loco, 2015
56 pages, 24 reproductions en quadrichromie
Format : 24 x 33 cm
Couverture souple relié avec élastique
20 euros
ISBN : 978-2-919507-47-4
© Couverture de Alger, Climat de France
Stéphane Couturier
Éditions Arnaud Bizalion, 2015
80 pages, 54 photographies en couleur
textes : François Cheval et Etienne Hatt
format : 230 x 320 cm
30 euros
ISBN : 978-2-36980-023-1