©Olivier Culmann, The Others, Phase II
L'artiste, qui a commencé la photographie en 1992, fait partie de "Tendance Floue" depuis 1996. Ce collectif, crée en 1991, est un laboratoire d'expériences. Le but est d'y travailler en commun pour diversifier les modes de représentations de la photographie contemporaine. Les artistes de "Tendance Floue" confrontent les images, et les assemblent de façon à ce qu'elles fassent sens, tout cela dans une démarche collective.
Watching TV
En 2011, Olivier Culmann a entrepris une série personnelle, intitulée Watching TV. A travers elle, il s'est vraiment intéressé à cette figure du « regardeur », face à la télévision, et notamment face aux images de la guerre. Il s'est rendu aux Etats-Unis, au Maroc et en Inde, pour sentir ces vibrations, dans les pièces où les sujets étaient face à un écran. Lorsque l'on regarde cette série, on ne parvient pas forcément à se situer. Le pays et les circonstances de la prise de vue restent parfois un mystère.
©Olivier Culmann, Watching TV
Certains clichés sont troublants, le spectateur croit percevoir des indices qui n'en sont pas. Dans l'une des photographies, le poste présente un homme avec les yeux bandés. A gauche de la télévision, accrochées au mur, des menottes. On s'interroge sur la situation des regardeurs : forment-ils un couple aux pratiques sexuelles libérées ? Suite à quelques rires gênés dans l'assemblée, Olivier Culmann précise qu'il ne s'agit nullement de cela. Le film n'était pas une projection érotique et le mari était un ancien policier, d'où la présence des menottes.
Ce qui est fascinant, dans cette série, ce sont les éléments de décor. Les patchworks se mêlent aux émotions, et le genre de la peinture s'impose à nous. On pense aussi à plusieurs moments de l'Histoire de la photographie. A juste titre, Michel Poivert évoque les travaux de Friedlander sur la télévision. On pense aussi à Stephen Shore et à ses intérieurs, dans les années 70.
©Olivier Culmann, Watching TV
Diversions
La série Diversions a été effectuée entre 2009 et 2011 à Delhi. Le projet est parti d'un grand intérêt pour la photographie populaire, utilitaire et vernaculaire en Inde. Olivier Culmann a réalisé quelques photographies urbaines. Puis il a souhaité rencontrer plusieurs photographes et publicitaires indiens, pour comprendre leur tradition photographique. Ces gens lui ont montré comment ils modifiaient les photographies qui ne les satisfaisaient pas, à l'aide de Photoshop. Olivier Culmann évoque ce souvenir comme une grande découverte. Il explique avoir vu des images totalement différentes de celles qui pourrait conquérir l'audience en France.
Sur les photographies retouchées : des ciels bleu azur, des espaces vides, des belles voitures. L'artiste a voulu tenter l'expérience avec ses propres images. Il a pris des photographies de paysages urbains à Delhi ou à Goa, et il les a confiées à un laboratoire de création digitale pour qu'il traite les images.
©Olivier Culmann, Diversions
©Olivier Culmann, Diversions
Les photographies fonctionnent à chaque fois en diptyque : il est intéressant de voir un campus universitaire transformé en immense pelouse déserte, très verte, une voiture de collection dans la grisaille changée en véhicule famille, et une plage envahie de parasols rouges, devenue soudainement une île paradisiaque après la retouche. Cette série est intéressante d'un point de vue sociologique, mais les photographies retouchées ne nous ont pas du tout captivés.
©Olivier Culmann, Diversions
©Olivier Culmann, Diversions
The Others
La troisième série évoquée par Michel Poivert et Olivier Culmann lui-même, est The Others. Elle est actuellement exposée dans sa globalité au musée Nicéphore Niépce, à Chalon-sur-Saône, jusqu'au 17 janvier.
Ce dernier travail se propose de revisiter les codes sociétaux et les multiples façons de se représenter et d'être représenté en Inde. Olivier Culmann a voulu adopter ces différents codes et a lui-même fait l'objet de transformations vestimentaires. Le but était de montrer l'étendue des images en Inde. Le photographe précise avoir été surpris (et nous l'avons été aussi) d'apprendre que les Indiens pouvaient utiliser des banques d'images pour modifier leurs photographies. Si un homme ne se trouve pas assez musclé, il pourra trouver un torse aux dimensions parfaites dans la collection d'images proposées sur CD-ROM. N'importe qui aura la possibilité de changer de coupe de cheveux en un clic. Des comédiens ont été photographiés pour mettre leur corps à disposition. Olivier Culmann a décidé de se prêter au jeu pour tester ces banques de données, ce qui relève à nouveau de la performance.
©Olivier Culmann, The Others, Phase I
©Olivier Culmann, The Others, Phase I
Son travail comporte quatre phases : pour la première, il a posé avec différents vêtements et diverses coupes de cheveux, dans des studios de différentes régions : Chennai, Pondichéry et Bombay. Les couleurs sont flamboyantes et les habits, plutôt kitsch. Olivier Culmann ne s'est pas arrêté là : dans la phase II, les fonds ont été changés et il a fait appel au numérique pour ajouter des parties du corps. Il est méconnaissable : tour à tour musclé, chauve, moustachu. Les photographies, devenues montages numériques, sont colorées à souhait.
©Olivier Culmann, The Others, Phase II
©Olivier Culmann, The others, Phase II
Dans la phase III, Culmann a fait une autre expérience : il a donné à des laboratoires de retouche photo des moitiés déchirées d'images. Le but de l'opération était de reconstituer le visage entier d'un personnage sur une photo trouvée. Ou sur une photographie de famille. Les photographies ont ensuite été colorisées. Le résultat n'est pas toujours très séduisant, mais il permet à nouveau de comprendre les rapports des Indiens avec l'image.
©Olivier Culmann, The others, Phase III
©Olivier Culmann, The others, Phase III
Enfin, la phase IV se préoccupe de la représentation des individus en peinture. Culmann a donné des photographies en noir et blanc à des peintres et leur a demandé d'en réaliser une peinture, suivant des représentations issues des traditions indiennes.
©Olivier Culmann, The others, Phase IV
©Olivier Culmann, The others, Phase IV
Au regard de toutes ces transformations, le travail d'Olivier Culmann pourrait être interprété comme une sorte de performance sociologique, inspirée de la question de la et des représentations en Inde. Pourtant, un doigt levé parmi les spectateurs nous a incité à réfléchir à un point : « Où sont passées les femmes dans ces représentations ? » Pour plus d'universalisme, le travail de Culmann ne mériterait-il pas d'être complété par une version féminine ?
Rendez-vous sur le site de l'artiste pour plus de photographies :http://lemagazine.jeudepaume.org/2014/02/le-seminaire-photo-2014-mathieu-pernot-47/"