Parenting the Missing © Tadej Znidarcic
Tadej Znidarcic est né à Ljubljana, en Slovénie, et s'est pris de plein fouet la transition entre socialisme et capitalisme. Ces changements politiques et sociaux dramatiques restent, selon lui, à l'origine de son engagement professionnel.
La photographie n'a pourtant pas été d'emblée une vocation. Le jeune Tadej a d'abord étudié la physique et a commencé à travailler dans un laboratoire de biophysique pendant quelques années. « C'est seulement après avoir utilisé le vieux Canon de ma mère que j'ai fait mon premier workshop noir et blanc et que j'ai appris comment photographier en argentique », précise-t-il. Il commence alors à prendre des photos plus sérieusement, à travailler pour des journaux et des magazines slovènes.
« La vie des autres m'intéresse et avoir un appareil photo, ou mieux, un sujet sur lequel travailler, est un moyen extraordinaire pour approcher les gens, leur demander la permission de passer du temps avec eux et apprendre, voir, sentir, entendre des choses que l'on n'aurait jamais pu expérimenter autrement », explique Tadej qui vit aujourd'hui à New York, avec sa femme et sa fille.
Parenting the Missing © Tadej Znidarcic
Soucieux de devenir un vrai professionnel de la photographie, Tadej Znidarcic a étudié la photographie documentaire et le photojournalisme à New York, au Centre International de Photographie. Il en est ressorti diplômé et a travaillé à différents endroits du globe, pour des ONG locales ou des médias internationaux : en Inde, au Bangladesh, en Roumanie, au Nigéria ou au Kosovo. Mais c'est en Ouganda qu'il reste le plus longtemps, quatre ans.
Parenting the Missing © Tadej Znidarcic
La série Parenting the Missing est née de ses années ougandaises : « Je connaissais bien l'histoire du nord du pays, l'insurrection de la Armée de résistance du Seigneur (NDLR : Lord's Resistance Army (LRA)) et de ses conséquences. J'avais travaillé pour différents projets sur la reconstruction et le processus de cicatrisation après la guerre au nord de l'Ouganda. » De 1988 à 2006, à l'aide d'enfants-soldats volés à leur famille, l'Armée de résistance du Seigneur a mis le nord à feu et à sang pour renverser le président Museveni en exercice depuis... 1986 !
En 2013, le photographe rencontre un chercheur néerlandais, Theo Hollander, qui était à cette époque coordinateur de recherches au Centre de documentation pour la paix et la mémoire (The National Memory and Peace Documentation Centre) à Kitgum, au nord de l'Ouganda. Les deux hommes évoquent les problèmes rencontrés par la population ougandaise depuis la fin du conflit. L'un d'entre eux se détache plus particulièrement : celui des parents dont les enfants ont été enlevés et ne sont jamais revenus. Laissées sans aucune information, les familles n'ont pour elles qu'une seule et obsessionnelle question : leurs enfants sont-ils encore en vie ou sont-ils morts quelque part, dans la brousse ?
Parenting the Missing © Tadej Znidarcic
Selon de récentes estimations, il y aurait encore entre 63 000 et 99 000 personnes disparues en Ouganda du nord, explique Tadej. Donc autant de familles et de parents qui ne savent pas où sont leurs enfants, leurs proches, et s'ils sont toujours vivants. Hollander et Znidarcic décident de faire une série d'interviews et de portraits de ceux qui attendent, livrés à eux-même, et sans aucun soutien psychologique. La plupart sait qu'il est fort probable que leurs enfants soient morts, mais comme certains d'entre eux, devenus adultes, reviennent encore aujourd'hui de la LRA, l'espoir d'un retour subsiste.
Dans le chaos de la guerre pourtant, il ne reste plus aucun souvenir. Les vêtements, les photographies ou les cahiers ont été perdus. « La plus grande difficulté photographique, c'est qu'il ne restait plus rien de ces enfants, rien de ce qui aurait pu les connecter physiquement à leurs parents, raconte Tadej Znidarcic, La photographie traite d'ordinaire de l'objet, de choses que l'on voit sur une image. Là, j'essayais de faire des photographies sur des expériences mentales et sur des enfants qui ne peuvent pas être photographiés et qui n'ont laissé aucune trace derrière eux. »
Parenting the Missing © Tadej Znidarcic
Parenting the Missing est un projet encore inachevé et Tadej souhaiterait le poursuivre : « Je voudrais rencontrer plus de parents et passer plus de temps avec certaines familles que j'ai déjà photographiées. » A ses débuts, le photographe admirait Henri Cartier-Bresson, Larry Towell, James Nachtwey, Sebastiao Salgado ou Walker Evans. Plus tard, il a découvert Simon Norfolk, Paolo Woods, Pieter Hugo et Rob Hornstra. Il y a un peu de tout cela dans son travail : la peinture sociale, le documentaire, l'Afrique, le portrait, etc.
Tadej Znidarcic a récemment reçu une bourse de la Rita & Alex Hillman Foundation et s'intéressera l'année prochaine au système de santé pour les personnes âgées aux Etats-Unis. Une redécouverte perpétuelle, celle d'une humanité photographiée avec respect, délicatesse et intelligence : « Ma routine photographique est d'abord d'observer la nouvelle situation dans laquelle je suis, d'apprendre à connaître les gens, leur vie, et seulement à ce moment-là, je commence à prendre des photos. »
Parenting the Missing © Tadej Znidarcic