Jharia, Est de l'Inde © Pierre de Vallombreuse
Chroniques du 10/06/2015 au 13/9/2015 Terminé
Espace Krajcberg Chemin du Montparnasse 21 Avenue du Maine 75015 Paris France
Au coeur de Paris, au fond d’une allée presque envahie par la végétation, se cache l’espace Krajcberg (prononcez “Krajbèrg”). Écologie et respect des êtres sont au coeur de ce lieu, où les consciences s’aiguisent. L’exposition Hommes racines fait partie de ce tout, et nous invite à un voyage dans l’enfer d’être un autochtone dans le monde uniformisé d’aujourd’hui…Espace Krajcberg Chemin du Montparnasse 21 Avenue du Maine 75015 Paris France
Qui sont les “Hommes Racines” ? “Des peuples dépositaires de savoirs et de pratiques spécifiques, à l’histoire méconnue, et qui aujourd’hui, entre adaptabilité et vulnérabilité, sont confrontés à des situations difficiles au premier rang desquelles les désastres écologiques”, écrit le photographe Pierre de Vallombreuse. Ils sont, http://www.un.org/fr/rights/overview/themes/indigenous.shtml", près de 370 millions de personnes, appartenant à quelque 5.000 peuples autochtones. L’histoire et le devenir de ces “peuples premiers” sont intimement liés à ceux de la terre qui les a vu naître. Comme si le lien qui les unissait était si fort que la mort de l’un entraînerait inéluctablement le délitement de l’autre. Celui de sa culture, voire de sa vie. Chassés de leur havre, dépouillés de leurs biens et jetés dans le monde moderne comme dans une fosse aux lions, ils ont été -et le sont souvent encore- incompris, jalousés, et méprisés. On a exigé d’eux qu’ils se fondent dans la masse, qu’ils oublient qui ils étaient, d’où ils venaient. Un déracinement forcé dans une société qui a effacé les frontières sans les oublier. Pour ces hommes et ces femmes, la vie est souvent un combat. Reprendre leur terre, transmettre leur langue, faire entendre leur voix... Garder ses racines a un prix, semble-t-il. Pierre de Vallombreuse a traversé le globe pour rencontrer ces gens en sursis et nous raconter leur histoire.
Bhils, Inde
© Pierre de Vallombreuse
Un voyage autour du monde
Pendant 5 ans (de 2007 à 2012), le photographe a rencontré 11 peuples autochtones, de l’Inde à l’Australie, en passant par le Groënland et l’Amérique. Quatre sont présentés à l’espace Krajcberg, jusqu’au 13 septembre 2015. Navajo, Aymara, Bhil et ethnies de la région du Jharia-Est, tels sont les peuples que le spectateur découvre à travers la cinquantaine de photos en noir et blanc de Pierre de Vallombreuse. Dans ses clichés panoramiques, il expose les désastres écologiques, économiques et humains auxquels ces populations sont confrontées.
Navajo, Etats-Unis
© Pierre de Vallombreuse
Là où la forêt recule, les hommes se perdent
Son périple débute en Inde, un pays qui concentre plus de 460 peuples autochtones. Dans l’Etat du Gujerat, au centre, vivent les Bhil. Leur domaine était autrefois recouvert d’une forêt nourricière et sacrée. Mais elle a reculé, lentement dépouillée par l’exploitation du bois de tek. Aujourd’hui, les Bhil survivent grâce à l'élevage, au travail dans des fermes où on les exploite, et à des emprunts qui les précipitent dans un cercle vicieux, générateur d’une dette sans fond. Plus à l’Est, le Jharia est peuplé d’ethnies asservies à l’extraction du charbon. Nulle part ailleurs on n’en trouve de meilleure qualité. De quoi attirer les exploitants et la main d’oeuvre. Payée une misère, elle loge sur une terre gangrenée de galeries minières. Régulièrement, des feux souterrains se déclarent et engloutissent les habitations et leurs occupants. Personne ne compte les morts. Là aussi, la forêt disparaît, les animaux ont fuit, la terre est stérile. Seuls restent les esclaves du charbon, qui contractent toute sorte de maladies (asthme, tuberculose, maladies de peau…) au contact du minerai.
Territoire de Jharia, Inde
© Pierre de Vallombreuse
Des combats et des victoires
Aux États-Unis, si les Navajo sont connus pour la forte ségrégation qu’ils subissent, on ignore souvent qu’un fléau, invisible lui, sévit parmi eux. Cancers, leucémies et malformations sont en effet surreprésentés dans cette ethnie. Un mal qui a pour origine d’ancienne mines d’uranium désertées après la guerre froide. Les Navajo ont utilisé les matériaux laissés sur leurs terres sacrées désormais radioactives pour construire leurs maisons. Il a fallu attendre 2011 pour que des mesures de décontamination soient prises dans la Monument Valley et ses alentours. De l’autre côté de l’Amérique, les Aymara sont photographiés sourire aux lèvres, victorieux. En 2005, Evo Morales, un Indien, est élu président de la Bolivie. Il rend aussitôt le droit sur leurs terres aux autochtones, reconnaît 36 langues officielles jusque-là ignorées et s’engage pour les plus démunis, souvent les autochtones. Les Aymara reprennent leur place dans une société qui les a longtemps écartés. Les places de La Paz, ville où siège le gouvernement, leurs sont à nouveau accessibles. Un répit qui n’efface pas les tensions sous-jacentes, comme l’illustre particulièrement un cliché de Pierre de Vallombreuse. Des femmes en tenue traditionnelle sont assises dos à un mur sur lequel “Indiens fils de p*te” est inscrit à la bombe.
Indiens aymaras
© Pierre de Vallombreuse
Les visages de ces hommes et ces femmes résonnent comme un appel à l’action. Une supplique qui rappelle que tout est encore possible, que des gens se battent chaque jour pour redonner leur dignité aux parias, sauver des langues de l’oubli, faire respecter les droits de ceux qui ne peuvent le faire, muselés par la misère.
Une exposition écologique et sociologique sur un monde à sauver, le nôtre.
Hommes Racines, une exposition photographique de Pierre de Vallombreuse, du 10/06 au 13/09/2015 à l'Espace Krajcberg.
La monographie Hommes Racines est disponible à la vente à l'espace Krajcberg et sur le site des http://www.un.org/fr/rights/overview/themes/indigenous.shtml"