Autoportrait, 1971, © Franck Landron
L’exposition propose de retracer cette évolution à travers un parcours chronologique qui s’étend de 1971 jusqu'au milieu des années 80. Elle n'oublie pas d'évoquer ses premières expériences cinématographiques. L’idée ici n’est pas d’être méthodique ou bien de rentrer dans un cadre (mis à part celui de la photo). C’est plutôt tout le contraire. Franck Landron n'aime pas avoir son nom accolé à une étiquette. « Cinéaste », « photographe », « écrivain », c'est un peu tout ça à la fois, et rien entièrement. « Y’a que les épiciers qui ont des étiquettes », lui répétait souvent sa mère.
Pontoise, classe de 4ème, 1972, © Franck Landron
Faire des photos pour être sûr qu'on l'a vécu
Il y a comme plusieurs niveauxde lecture dans les photos de Franck Landron. Mais la première ne peut pas être une autre que celle du souvenir. Essentiellement en noir et blanc, les photos nous parlent de « ses amis, ses amours, ses emmerdes ». L'exposition s'ouvre sur un autoportrait. Une tête brune et bouclée apparaît dans le cadre, appareil photo dégainé, prêt à déclencher. C'est un peu comme une invitation à rentrer dans son univers, dans sa vie. Puisque c'est bien cela qu'il donne à voir. Le titre pour en témoigner. Ex Time, signifie la sortie de l'intime, puisque c'est la première fois que son travail est révélé au public. Alors entrons. Il a treize ans quand il s'empare d'un appareil photo pour la première fois. Il photographie tout ce qui l'entoure. Pour ne pas oublier. Plus tard, plus grand, vivant des expériences fortes et marquantes, la photo ne remplit que davantage ce rôle. Sur un des clichés, tout est très flou, mais on distingue un corps de femme allongé sur un lit. Sous la photo est écrit ceci «Faire des photos pour être sûr qu'on l'a vécu ». En cela, ces clichés relèvent aussi le témoignage d'une époque. Celle des enfants de mai 68. L'insouciance, la légèreté de vivre, d'avoir plusieurs amants comme le faisait Isabelle, un des amours de Franck.
Course de motos, 1972, © Franck Landron
Pontoise, 1972, © Franck Landron
Encore plus explicitement que dans l'exposition, l'ouvrage éponyme est construit à la manière d'un film, il se découpe par séquence, qui sont autant de petites histoires. L'image, en pleine page, sans description ni légende. Associée à une autre pour créer une narration. A gauche une jeune fille lève les yeux, vers une paire de fesses, à droite. On y découvre aussi certaines photos inédites, dont une partie, « interdit au moins de 18 ans ». Comme une séquence de film, la série est introduite par une photo d'un paysage de montagne flou, puis on entre dans la ville, des voitures, des gens au bord de la route, des femmes attendent sur les capots. Sans ambages, on entre dans la chambre, deux corps nus s'enlacent, s'amusent. Les pages suivantes, tout devient flou, tout s'accélère, comme pris dans un tourbillon on ne sait plus ce qu'on regarde, un sein ? Une cuisse ? Un sexe ? Puis tout s'arrête. L'image suivante nous montre la mer. Le calme est revenu.
Auvergne, 1973, © Franck Landron
La fougue de la jeunesse
Pour exprimer l'énergie qu'ils avaient, lui et ses camarades, il fallait un cadre audacieux. Et c'est le cas. Franck Landron est instinctif, et n'hésite pas à photographier en très forte contre plongée les narines d'un camarade, alors que la légende en dessous indique qu'il ne « faut pas photographier les narines ». Mais ça, il s'en fout bien. La seule règle qu'il semble avoir, c'est de n'en avoir aucune. Ses premières années de photographie sont empreintes de cette fougue et de cette liberté. Les cadres vacillent, l'image est floue.
L'enfance de Franck Landron n'a pas baigné dans un univers artistique. Pendant longtemps, Vingt Mille lieux sous les mer fut le seul livre qu'il avait chez lui. En dehors de toutes références artistiques, il a réussi à rester libre. Il ne s'est jamais imposé un quelconque formalisme. C'est plutôt l'expérimentation qui l'intéresse, encore plus après son entrée aux Beaux-Arts en 1976 où son œil commence à se nourrir de références artistiques.
Paris, Gare de Montparnasse, 1975, © Franck Landron
Franck Landron est généreux. Sans retenue, il donne énormément dans ses photos. Il photographie comme il parle, comme il vit, comme il respire. Voilà pourquoi l'adhésion à ses photos est si immédiate. « Photographiez avec vos tripes » disait Lisette Model à ses élèves. Franck Landron a retenu la leçon.
« Ex Time », de Franck Landron
A voir jusqu'au 4 octobre 2015
A la Maison Doisneau