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George Georgiou : « Comment apprenez-vous à connaître vos voisins lorsque vous habitez au 10e étage ? »

Jeudi 25 Juin 2015 18:05:08 par Laure Chastant dans Interviews

Fault Lines © George Georgiou / Signatures
D’origine grecque, George Georgiou grandit et a longtemps vécu Londres. Mais son travail se concentre sur un autre territoire du globe : l’Europe de l’Est. Dernièrement, c’est en Turquie qu’il est allé poser ses valises. A travers des photos énigmatiques, il interroge les notions d’identité, de transition vers la modernité et de rapport entre l’individu et son espace. C’est de tout ça qu’il nous parle entre deux photos de son exposition « Fault Lines ».


Que signifie votre titre «  Fault Lines » (« Lignes de faille ») ?

Le titre entier est «  Fault Lines/Turquie/Est/West ». Depuis le début du projet, ce titre sonne comme une évidence pour moi. La Turquie est à la fois l’un et l’autre, l’Europe et l’Asie. « Fault Lines », c’est aussi le clash entre les choses. En Turquie, il y a tellement de confrontations et de possibilités opposées ! Je ne parle pas de confrontations physiques, mais dans le cas des différentes religions qui coexistent, il y a de plus en plus de tensions.

C’était plus « calme » avant ?

J'ai l'impression oui. La cohabitation entre les religions était plus facile. Aujourd'hui, la population se sent attaquée dans la vie de tous les jours à cause du fait religieux. Je pense que c’est en train de diviser considérablement le pays. Mais il n’y a pas que ça, la confrontation entre tradition et modernité bouscule aussi énormément les habitants.



Fault Lines © George Georgiou / Signatures




Vous parlez du rapport difficile entre tradition/modernité. Il y a quelque chose de cet ordre-là sur vos photos. On y voit une Turquie moderne, loin de l’image d’Epinal que l’on pourrait s’en faire, mais paradoxalement une elle semble aussi triste et impersonnelle… Que vouliez-vous exprimer ?

En arrivant en Turquie en 2003, j’ai d’abord voyagé dans le pays pendant deux ans et demi, pour essayer de comprendre les dynamiques qui l'animaient. A ce moment-là, c’était le début de grands travaux de modernisation dans tout le pays. Mais une modernisation dramatique, en construisant à tout va. Quelle tragédie ! Je suis rentré à Istanbul, dans le centre-ville, et c’était deux fois pire.

Quelle place tient l’architecture dans vos photos ?

Ce que je cherchais dans mon travail, c'était tout ce qui avait été créé en terme de globalisation. Dans le paysage, on voit une combinaison de ces deux architectures : occident/orient, est/ouest. Même si l’est et l’ouest ne sont finalement que des idées abstraites. La vraie question que je me suis posée c’est : « quelles seraient les conséquences de cette nouvelle architecture sur la population ? ». Les Turcs passent beaucoup de temps dehors, ces nouvelles façons de construire pourraient changer le mode de vie de certains. Ou plutôt de certaines, car ce sont majoritairement les femmes qui vivent toute la journée chez elles. Lorsque j'habitais à Galaca (un quartier d'Istanbul, NDLR), elles avaient l'habitude de passer beaucoup de temps ensemble, en bas de leur immeuble, à discuter ou à laver leur tapis. Les communautés de femmes sont très proches entre elles, parce qu'elles se voient et qu'elles se parlent beaucoup. Mais comment apprenez-vous à connaître vos voisins lorsque vous habitez au 10e étage ?



Fault Lines © George Georgiou / Signatures

 


L’architecture serait donc un élément pouvant définir l’identité turque ? Mais existe-t-il une identité turque ?


Non car je pense que la Turquie est un pays pluriel. Pendant des années, elle a essayé de définir une identité turque. Mais quand vous regardez les Turcs aujourd'hui il n'y a pas un genre, mais plutôt une diversité. Même si je pense que c'est en train de changer.

Avec le temps, l'architecture peut changer la façon dont se définissent les gens. Mais à travers l’architecture, c’est l’espace public qui se voit modifié. Dans mon quartier à Londres, la population était très mixte : une majorité turque, des juifs et aussi beaucoup de jeunes blancs et de migrants. Dans la journée, les différentes populations se mélangent assez bien, mais le soir et les week-ends : on ne trouve plus que les Blancs dans les bars et les cafés. Cela montre comment l’espace fonctionne, c’est très intéressant. En Turquie, on est en train de créer des communautés compartimentées. Or la Turquie est un pays de communautés qui jusqu’à maintenant réussissaient à cohabiter très amicalement.

Il y a à peine un an, Twitter, Facebook et Youtube étaient bloqués pendant une semaine. Où en est la Turquie avec ces questions de censure ?

La censure qui touche Facebook, Twitter etc, les jeunes trouveront toujours un moyen de la contourner. Mais celle qui est plus grave, c’est celle des médias. Le CNN turc a mis deux jours avant de parler de ce qui se passait. Le gouvernement enquête sur les médias constamment.



Fault Lines © George Georgiou / Signatures


Est-ce que cela inquiète la communauté artistique turque ?

Ils continuent de produire comme avant, et ils continueront. Il y a une grosse communauté “underground” avec énormément d'énergie. Rétrospectivement, nous sommes beaucoup plus critiques qu'il y a 10 ans, alors qu'il y avait certainement moins de censure. Mais je suis beaucoup plus optimiste que la plupart de mes amis turcs (rires).

Optimiste, même avec un président qui se transforme de plus en plus en un mini-Poutine ?

Dans deux semaines il y a les élections législatives, donc je vous dirai à ce moment-là ! Mais encore une fois, je reste optimiste car je pense que le gouvernement perdra des sièges. S'il en prend plus c'est qu'il y a manipulation, ce qui voudrait dire qu’effectivement, le pays prend la direction de la Russie de Poutine.

A l’issue des élections législatives du 7 juin 2015, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a perdu la majorité absolue au Parlement. Le partie de l’opposition HDP anti-Erdogan fait un score historique et obtient 79 sièges.

Laure Chastant

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