© Angelo Antolino / Cosmos
© Angelo Antolino / Cosmos
Comment est né ce projet de photographier les femmes de la Camorra ?
Ce projet date de 2007, au moment de la crise des déchets à Naples. Il est né d'une rencontre fortuite en quelque sorte. J'avais passé la journée à photographier dans la rue, et en fin de journée, j'ai rencontré des filles qui m'ont demandé de les photographier. J'ai un peu discuté avec elles et je suis allé chez elles pour leur donner leur photo. En arrivant, je me suis retrouvé devant un immeuble où il n'y avait que des femmes, j'ai découvert un peu plus tard que ces femmes étaient les épouses de mafieux qui avaient été arrêté pendant l'opération « Piazza pulita » (« propre et dépoussiérée ») qui voulait détruire plusieurs clans de la Camorra.
Comment avez-vous réussi à infiltrer ces familles ?
Je cherchais un appartement à ce moment-là, et j'ai fini par en louer un juste en face de leur immeuble, qui se trouve dans le centre de Naples. J'étais plus le voisin que le photographe finalement. Cette position m'a permis d'avoir une relation très naturelle avec elles. Je pouvais rester plusieurs jours sans aller prendre de photos, puis passer ensuite un jour entier avec elles.
© Angelo Antolino / Cosmos
Quel été le but de ce reportage ?
Je ne voulais surtout pas juger, ni forcément leur rendre hommage. Je voulais surtout donner un autre regard sur la Camorra, qu'on connait plutôt comme un milieu violent et masculin évidemment. En 2007, quand j'ai commencé ce projet, c'était un contexte très particulier pour Naples mais également pour la Camorra, qui faisait beaucoup parler d'elle : Roberto Saviano venait de sortir son livre Gomorra sur la Camorra. Des photographes étrangers étaient venus travailler sur ce sujet. Or tout ceci montrait beaucoup de violence et de brutalité. J'ai trouvé intéressant de montrer un autre aspect de la Camorra.
© Angelo Antolino / Cosmos
© Angelo Antolino / Cosmos
Le livre Gomorra de Saviano, a été adapté au cinéma par Matteo Garrone. Depuis janvier, la série Les Soprano cartonne sur Canal+. Comment expliquez-vous que la Camorra semble être une matière artistique très prisée ?
C'est devenu quelque chose qui se vend très facilement en Italie et à l'étranger. A mon avis c'est un gros problème, car mis à part le livre livre de Saviano, tous traitent ce sujet de façon héroïque. Avec la série Soprano, on tombe carrément dans le cliché, elle ne parle pas de la vraie Camorra. Le temps du reportage et de la dénonciation est terminé, pour laisser place à celui de l'héroïsation.
Comment avez-vous conçu cette série ? Dans une approche plus documentaire ou intimiste ?
Quand j'ai commencé à photographier, je ne savais pas vraiment ce que je voulais faire de ce projet. Le fait que ce soit quelque chose de personnel, et non une commande pour un magazine m'a laissé beaucoup plus de liberté. J'ai abordé ces femmes très sereinement. Maintenant, avec du recul, je pense que c'était une approche qui combinait un peu des deux, documentaire et intimiste.
© Angelo Antolino / Cosmos
Comment avez-vous constaté cette appartenance à la mafia ?
Plus que leur appartenance à la mafia, c'est leur situation de pauvreté que j'ai voulu montrer. S'il n'y avait pas le texte explicatif pour poser le contexte et expliquer qui sont ces femmes, elles pourraient être n'importe qui. Ces photos montrent avant tout des femmes et des familles dans des situations difficiles. Finalement, il n'y a aucun élément qui les identifie comme femmes de la mafia. C'est plus un enfermement dans la pauvreté que dans la Camorra. Du moins pour ces femmes que j'ai suivies. Après il y a différentes sortes de mafias en Italie, plus ou moins violentes et strictes.
Quelle a été la réception de ce travail en Italie ?
Je ne l'ai pas montré en Italie, car les femmes que j'ai photographiées ne voulaient pas que ce soit publié en Italie, mais seulement à l'étranger. Même si dans ma volonté de montrer un autre regard sur la Camorra, j'étais un peu déçu de ne pas pouvoir l'exposer en Italie, j'ai respecté leur choix.
© Angelo Antolino / Cosmos
Est-ce que vous vous sentez une appartenance à une « communauté de photographes méditerranéens » ?
Sur certains sujets oui. Mon reportage est italien mais également latin, il parle d'une culture méditerranéenne. Des travaux comme celui-ci, ou celui d'Emma Grosbois sur les autels des habitants de Palerme ne pourraient pas être réalisés par des photographes scandinaves par exemple.
Il y a certaines problématiques qui sont propres à la Méditerranée. L'urbanisation à outrance est l'une d'entre elles. Elle est d'ailleurs traitée par le photographe George Georgiou, exposé juste à côté de moi. L'urbanisation détruit l'histoire et l'identité de la Méditerranée.