© Sébastien Van Malleghem
2011-2014. Sébastien Van Malleghem s'est immergé pendant trois ans dans les prisons belges. Il en a ressorti des images puissantes, celles de l'injustice totale, sordide, cachée. La réalité carcérale sans filtre ni censure. Un livre, « PRISONS », est prévu pour bientôt. Voilà pourquoi Actuphoto a décidé de soutenir ce travail de vérité d'http://www.kisskissbankbank.com/prisons-de-sebastien-van-malleghem-le-livre".
Avant de s'intéresser à la prison, Sébastien Van Malleghem avait suivi http://www.kisskissbankbank.com/prisons-de-sebastien-van-malleghem-le-livre". Son reportage sur l'univers carcéral en est clairement la suite, le prolongement d'une quête, aussi personnelle que politique semble-t-il, celle de confronter la société à la réalité d'un système. L'idée est de dépeindre « la réalité de la punition judiciaire ». Surveiller et punir comme dirait Foucault. Le photographe belge nous annonce que la troisième partie de ce projet ira du côté des hors-la-loi, côté rue.
© Sébastien Van Malleghem
Alors, comment pénétrer un univers qui cache derrière de grands murs ceux que plus personne ne veut voir ? Comme en photographie, il faut de la patience, c'est la clé. La bonne personne qui va recommander, l'honnêteté de Van Malleghem qui affirme vouloir simplement « montrer la vie carcérale, sans jeter d'huile sur le feu ». Huit mois d'acharnement administratif plus tard, il est enfin autorisé à pénétrer les prisons belges. Douze au total, de la Wallonie à la Flandre en passant par Bruxelles où il travaillera notamment dans une prison de femmes. La durée de ses séjours varie selon les conditions de sécurité de chacune des structures pénitentiaires. Une journée ou deux. Jusqu’à trois mois pour la prison de Liège. Un garde ou deux peuvent rester à le surveiller, mais il est seul avec les détenus le plus souvent. « S'il y a un souci, tu cries » : Sébastien n'a jamais eu à crier. Il passe du temps en cellules, à photographier et à discuter aussi, de la famille, de la prison, du temps, de la nourriture, de l'argent, de la hiérarchie, de la première incarcération, du temps encore...
© Sébastien Van Malleghem
© Sébastien Van Malleghem
Comment respecter la dignité de celle ou de celui qu'on photographie, d'autant plus quand elle ou il est coincé-e derrière des barreaux ? « Pour se faire accepter, il faut beaucoup d'honnêteté, de travail de regard, de patience... », confie-t-il. Les détenus l'interrogent. Mais pour qui travaille-t-il ? « Pour personne, pour moi ». OK. La réponse rassure les méfiants. Il n'est donc pas à la solde de l'administration pénitentiaire. Et personne ne le paye, puisqu'il se finance lui-même. Dans ce projet, Sébastien Van Malleghem veut montrer autre chose, aller à l'encontre du vide, voire du mensonge, des images que peuvent véhiculer les séries télévisées ou les films. Il s'agit bel et bien de donner un visage à ce peuple invisible. Un visage et une voix, c'est d'ailleurs pour cela que des témoignages accompagneront les photographies dans l'ouvrage. En outre, toutes les photographies ont été soumises à des autorisations signées par les détenus, et la plupart d'entre eux ont vu son travail.
© Sébastien Van Malleghem
De vraies gueules. La couverture du futur ouvrage montre trois détenus mentalement déficients : « Ils fumaient dans cette position-là », explique le photographe pour qui la photo s'est d'emblée imposée. Mais n'y a-t-il pas ici le danger d'une trop grande photogénie, alors même que l'on aborde un sujet aussi grave que la prison ? Sébastien Van Malleghem préfère parler d'une réalité photographique qu'il faut savoir « voir ». Il faut faire cette image parce qu'elle dit quelque chose. Que ce soit leurs vêtements, leur position, leur handicap, tout participe à montrer ce qu'est l'intérieur des prisons et comment sont traités les hommes qui la peuplent. Une vraie mise en abyme photographique.
© Sébastien Van Malleghem
« J'ai toujours aimé le noir et blanc (…). Je photographie comme j'ai envie de photographier » : ce parti-pris esthétique est non seulement assumé, mais aussi choisi et désiré. Les images qui ont le plus marqué le photographe étaient en noir et blanc. Ici, il ne souhaitait pas distraire par trop de couleur. La lumière seule comptait, pour mettre en avant le noir, le blanc, le gris, l'ombre ou l'éclat. André Frère a d'ailleurs rapproché son travail de celui d'Anders Petersen sur les hôpitaux psychiatriques, en noir et blanc lui aussi. On l'entendrait presque rougir au téléphone quand on évoque cette comparaison. « Le point commun surtout, c'est l'intérêt pour l'humain », précise-t-il avec modestie. Une photographie qui ne laisse pas respirer le spectateur. « Ce qui m'intéresse ce sont les sujets tabous, ceux que l'on n'ose pas regarder (…). J'ai envie de montrer la réalité qu'on ne veut pas voir », conclut-t-il. Obstiné, sensible et doué, Sébastien est l'aiguillon qui pique les flancs d'une Europe qui refuse de voir ses échecs, ses erreurs ou ses faiblesses, surtout lorsqu'il s'agit du système judiciaire ou de sa politique pénale.
© Sébastien Van Malleghem
© Sébastien Van Malleghem
Et que faire de ces bruits caractéristiques, presque rituels et constitutifs d'une sorte de violence sonore dans les prisons ? La photographie ne devient-t-elle pas un exercice frustrant, car incomplet et silencieux ? La réponse est directe : « Ce n'est pas frustrant, en photo il faut être patient ». Sébastien Van Malleghem sait qu'il n'a qu'un seul médium entre les mains, il l'assume et en tire le meilleur : « Et puis quand on regarde certaines images, on entend les sons ». La photographie est justement là pour développer un univers qui lui est propre où la clé est la réalité. Aussi sombre soit-elle.
Pour soutenir le projet de Sébastien Van Malleghem :http://www.kisskissbankbank.com/prisons-de-sebastien-van-malleghem-le-livre"
Emilie Lemoine