Luiz Mauro dans son atelier © Valdemy Teixeira
Qu'est-ce que fait un peintre à la Maison européenne de la Photographie ? Luiz Mauro est un peintre certes, mais plus globalement un "artiste visuel". Son matériau de base, c'est la photo. S'inspirant de photographies représentant des ateliers d'artistes, le Brésilien de 47 ans crée ses peintures. Avec son pinceau, il sublime les traits imparfaits de la photo, il ajoute des accessoires tout droit sortis de son imagination et intensifie les ombres et lumières, jusqu'à obtenir un double hyperréaliste du cliché d'origine. Exposé pour la première fois en France, Luiz Mauro offre l'occasion d'entrer dans l'intimité créatrice de grands artistes avec la série « Atelier ».
Atelier de Paula Rego © Luiz Mauro / Photo Paulo Rezende
Vous avez travaillé sur cette série de peintures pendant trois longues années. Quelle était la priorité que vous vous étiez fixée dans ce travail minutieux ?
Ce que j'aime avant tout, c'est l'espace. Pas seulement ce qui est contenu dans un espace mais les lieux en eux-même. J'aime entrer dans les lieux intimes, comme une petite souris qui observe à travers un mur. Et dans ces lieux, j'était attiré par toutes les lumières originales que je pouvais dénicher, afin de reproduire dans mes peintures des jeux de lumières intéressants.
Comment avez-vous trouvé les photos qui ont servi de modèles à vos peintures ?
Les photographies de base que j'utilise ne sont pas les miennes. Je me sers d'images trouvées un peu partout, sur internet principalement, mais aussi dans les livres et les catalogues.
Mon premier coup de cœur a été la photographie de l'atelier de Georg Baselitz. Je suis tombé sur cette photo par hasard, il y a vingt ans. C'est elle qui m'a donné l'idée de cette série d'ombres et lumières. Mais paradoxalement, l'atelier de travail de Baselitz est la dernière toile que j'ai réalisée.
Atelier de Lygia Clark © Luiz Mauro / Photo Paulo Rezende
Vous êtes un artiste autodidacte. Pourquoi avez-vous choisi cette technique si particulière de peinture, qui consiste à superposer de nombreuses couches d'encre de chine diluée sur un papier de coton épais ?
Mon art correspond à ma vision intime et subjective des espaces. Avec la superposition de l'encre, j'essaie de représenter au mieux la lumière, car je viens d'une ville au centre du Brésil, Goiania, où il y a beaucoup de soleil et une intense clarté. J'explore la lumière comme sujet de l'art.
Pour obtenir une peinture, je travaille avec 60 couches d'encre de Chine environ avant d'arriver au noir intense. Cela demande beaucoup de temps. Pour certaines œuvres, j'ai travaillé pendant trois mois. La rigueur de travail est si importante, que je dois parfois me couper de ma famille.
Quel rôle donnez-vous à la photographie ?
La photo est le point de départ de mon travail. Je pars de la photographie d'origine pour la défaire et passer d'un support à l'autre de manière très naturelle. Sans la photo, mes peintures ne peuvent pas exister. En partant de la photographie d'origine, j'y superpose ma vision personnelle.
La photographie reste importante pour moi, car la conscience de l'espace est toujours plus forte dans un cliché que dans un dessin.
Atelier de Lucian Freud © Luiz Mauro / Photo Paulo Rezende
Pourquoi avez-vous choisi de peindre des ateliers d'artistes en particulier ?
Là encore, je reviens à la thématique du lieu. C'est la seule chose qui m'intéresse. Je ne peins pas un atelier parce que j'aime tel ou tel artiste, mais parce que le lieu m'inspire. L'artiste disparaît derrière le lieu et les jeux de lumière.
Par ailleurs, je ne peins pas les ateliers connus. Par exemple, j'ai choisis l'atelier de Monet dans lequel il a peint les Nymphéas, mais ce n'est pas son atelier principal. J'ai simplement été touché par la lumière du lieu. Et ce n'est pas sa célèbre toile des Nymphéas qui m'a motivé.
Atelier de Claude Monet © Luiz Mauro / Photo Paulo Rezende
En tant que peintre brésilien, quelles sont vos influences et vos artistes de référence ?
Tout d'abord, mes origines n'ont pas d'influence sur mon travail. Mon influence c'est l'espace lui-même. Pour citer quelques personnes, je suis beaucoup inspiré par des acteurs qui appartiennent à d'autres domaines que la peinture ou la photographie, comme Edgar Allan Poe en littérature ou Tim Burton dans le cinéma et le dessin. J'aime leurs ambiances noires. Malgré ces références, ma peinture est surtout basée sur l'observation que je fais du monde.
Exposition « Des peintures comme des photographies » de Luiz Mauro, du 15 avril au 14 juin à la Maison Européenne de la Photographie, Paris.
Propos recueillis par Clarisse Treilles