Cine Poster © William Klein / Polka Galerie
Polka Magazine 27 rue Jasmin 75016 Paris France
Polka Galerie 12, rue Saint-Gilles 75003 Paris France
Après avoir exposé les photographies de William Klein sur http://actuphoto.com/26939-la-galerie-polka-presente-william-klein.html">New, la galerie Polka continue d'explorer l'univers du photographe américain en proposant, jusqu'en avril, une sélection de son travail sur Tokyo.
En 1961, William Klein se rend au Japon pour dresser un portait du pays. Invité par des institutions culturelles, appareil photo au poing, il découvre une culture nippone qui lui est alors inconnue. Immergé dans cette société en pleine mutation, il photographie des sujets variés, partant des enfants des rues jusqu'au couple impérial, et rend un travail éclectique, guidé par la force de son regard. S'inscrivant dans une démarche de photo-journal, que Klein poursuit à New-York, Rome, Paris et Moscou, l'ouvrage Tokyo 1961 est un succès à sa sortie. Il inspirera une génération d'artistes japonais comme Takuma Nakahira ou Hiroshi Hamaya, premier photographe asiatique a intégrer l'agence Magnum.
Danseurs Butoh © William Klein / Polka Galerie
Pour le Japon, les années 60 signent le début du « miracle économique » où tradition et modernité s'entrecroisent en permanence. En photographiant les premiers danseurs de Buto, Klein est au cœur des interrogations que suscitent alors l'évolution de la société japonaise. Née après la guerre, cette danse japonaise, inspirée par les mouvements artistiques européens, fut notamment inventée par Kazuo Ohno, que Klein invite à danser dans les rues tokyoïtes. Sur un vélo, habillé en femme et accompagné de danseurs cagoulés, Kazuo Ohno semble guider le peuple que l'on aperçoit derrière lui. A la fois amusés, choqués et surpris, les passants pensent peut-être assister à un tournage. La photo est en suspension, symbole d'autant plus fort que le Buto recherche l'équilibre intérieur. L'émergence de ces nouveaux courants artistiques accompagnent les premiers signes de la mondialisation à venir . Klein le constate en photographiant des femmes qui débrident leurs yeux pour ressembler aux occidentales tandis que l'affiche du film Les liaisons dangereuses de Roger Vadim investit les murs de la ville. Mais à l'époque, l'image qui fait scandale est celle de l'empereur Hirohito et de sa femme. Regardant la maquette d'un paquebot derrière la bannière « Japan Industry », le couple impérial, l'air triste, incarne l'histoire du Japon. On reproche à William Klein d'avoir pris la photo de trop près, surprenant le couple impérial dans ses pensées, effacé face à cette maquette incarnant pourtant la nouvelle puissance du pays.
Liaisons dangereuses © William Klein / Polka Galerie
Au-delà du travail documentaire de Klein, c'est sa capacité à saisir l'instant qui fait reconnaître le photographe comme l'un des plus importants de sa génération. De ses photos se dégage une force émotionnelle mais aussi stylistique. En réalisant un « photo-journal », Klein casse l'idée du reportage à distance et se saisit de façon intime des sujets qu'il observe. Il construit un pont entre art et reportage. Face à l'appareil de l'artiste, les visages semblent prêt à s'animer comme si on les filmait. Partout dans la ville, les corps, parfois les regards, croisent l'objectif du photographe. L'humain est là. Klein rencontre l'artiste néodadaïste Ushio Shinohara qui réalise de la « boxe peinture ». Les mouvements du corps et les expressions du visage que saisit Klein, dépassent l'intérêt de l'oeuvre elle-même. Le saisissement humain du photographe se complète par son talent de composition. Dans ses photos, toutes noir et blanc, la lumière s'introduit de manière quasi miraculeuse. Elle apparaît dans les lignes de fuite, sur un vêtement, dans le reflet d'un miroir. Klein, qui au même moment réalise ses premiers films documentaires, a un regard de cinéaste. Image par image, il organise ses photographies pensant instinctivement à la symbolique de tout ce qui l'entoure. Le noir et le blanc ne sont plus deux entités opposées mais deux comparses gouvernant le monde, comme dans la photographie de la Bourse de Tokyo.
Boxer peintre © William Klein / Polka Galerie
La sélection de la galerie Polka permet de se rendre compte de l'étendu du travail de William Klein mais, confinées dans un petit espace, ces grandes photos semblent manquer d'air. On regrette l’affichage trop serré qui ne permet pas l'existence à part entière de chacune des photos. La sensation de rater quelque chose d'essentiel s'ajoute à la frustration d'accéder à une partie infime de son travail. La nouvelle édition du livre Tokyo 1961, vendu à 250 euros, s'arrache entre collectionneurs, laissant le spectateur lambda avec son imaginaire. Ce que propose la galerie Polka c'est déjà mieux que rien.
Exposition Tokyo + Klein © William Klein/ Polka Galerie