© Grégoire Korganow
La petite série de photographies, exposée à la MEP, donne côté rue. Il est à parier qu'elles intrigueront les passants du quartier Saint-Paul. Etranges en effet que ces clichés d'hommes mi-nus, côté à côte, se témoignant une tendresse discrète. Mais pourquoi ? Que font-ils là ?
© Grégoire Korganow
Grégoire Korganow a voulu saisir ce lien filial/paternel en dénudant les âmes, un peu plus que les corps. Car tous ces hommes ont gardé le bas. Mais leur buste dénudé vient brouiller les pistes. Les corps vieillis cohabitent avec des corps plus jeunes et plus fermes. Lieux de peurs et de fantasmes, ils témoignent ici d'une « intimité perdue ». A part l'enfance, la plage ou la piscine - où la nudité (relative) trouve un champ d'expression "approprié" - rares sont les moments et les endroits où père et fils se retrouvent dévêtus, côté à côte. Voilà pourquoi la posture des modèles de Korganow provoquent une sorte de choc émotionnel.
Et qu'en aurait-il été de portraits mère/fille ? Le photographe pointe immédiatement l'inégalité existant entre les représentations féminines et masculines. Les corps féminins imparfaits seraient, selon lui, jugés d'un oeil beaucoup plus sévère et toujours avide de nudité subimée dès lors que l'on représente les femmes. La nudité de ces hommes n'est ici qu'une porte d'entrée.
Tous ont une histoire d'ailleurs, une relation particulière que le photographe a découvert au hasard de ces rencontres dont ils ne savaient rien ou presque. Un père vietnamien, "boat-people", et son fils médecin, marié aujourd'hui à une Camerounaise. Un fils ouvreur et son père agriculteur qui n'avait jamais mis les pieds dans un théâtre, les yeux encore rougis par la force des retrouvailles. Une main filiale qui protège la tête de celui qui vient d'avoir une attaque cérébrale.
Il y a quelque chose de quasi thérapeutique dans ces séances de pose racontées par le photographe. Il ne s'y est pas soustrait mais restera discret sur le sujet, posant avec son fils, puis avec son père.
Plus classiques, et sans doute moins intéressants, il y a aussi quelques portraits de pères avec leurs nouveaux-nés, âgés d'une vingtaine de minutes.
© Grégoire Korganow
Grégoire Korganow, qui a fait pas moins de 150 portraits (que chacun de ses modèles masculins a pu garder chez soi), précise : « Les gens voulaient se lancer dans cette aventure sentimentale et photographique. »
A découvrirhttp://www.mep-fr.org/".
Emilie Lemoine