Stéphanie Renoma
©Frédéric Monceau
Shéhérazade Hamidi : L'exposition Dancing Smoking est consacrée à une pièce emblématique voire même symbolique : le smoking. Pourquoi ?
Stéphanie Renoma : Je trouve que dans le smoking il y a un côté androgyne à la fois masculin/féminin. Je trouve aussi que dans la danse il y a une perdition. On n'est plus rattaché à l'homme ou à la femme, on est rattaché au corps. Représenter le smoking dans mon exposition est une manière de traiter l'androgynie. On y retrouve une espèce de fil conducteur. Le smoking est présent dans l'histoire, mais également, dans les comédies musicales. Il y a un côté intemporel.
Pourquoi avoir choisi les codes esthétiques du ballet ? Pensez-vous que la danse est un moyen d'affranchissement pour la femme ? Une sorte de liberté du corps ?
Ce qui est intéressant dans la danse, en tout cas pour moi, c'est ce côté intemporel. La rigueur m'a également beaucoup inspirée. On retrouve dans le vêtement, la même rigueur et la même structure que l'on peut retrouver dans la danse. La rigueur du ballet est assez stricte. Et justement, le smoking reste une pièce très stricte. Cette parallèle m'intriguait un peu et j'ai voulu travailler là-dessus. Ce sont deux univers qui se mélangent très bien. Il y a cette perte de repère qui m'intéresse toujours à propos de cette sexualité qui s'annule. On peut regarder un homme ou une femme danser, on n'est plus surpris, on regarde un corps, on oublie et on n'est plus dans cet esthétisme, qui, pour moi, est représentatif du smoking. Que l'on soit un homme ou une femme, on peut porter le smoking. C'est un peu l'affranchissement de la femme oui.
©Frédéric Monceau
Quel est le premier message que vous souhaitez passer à travers votre exposition ?
D'être à l'aise avec soi-même, à l'aise avec son corps ne pas avoir de préjugés. Surtout aujourd'hui, on est bourré de préjugés, finalement, le mélange des genres, des choses, des cultures, apportent à tout le monde. Il n'y a que comme ça que l'on peut avancer. Il faut se sentir bien, bien dans sa peau, bien dans ses baskets. Ce mélange annule les codes dans les images de l'exposition. Je ne prends pas des filles magnifiques et des hommes standardisés. Certaines personnes ont beaucoup de choses à exprimer. Il y a beaucoup plus de force dans le regard de quelqu'un. Je pense qu'il ne faut pas s'arrêter sur ce que l'on voit.
Vous semblez être fascinée par l'unisexe et la confusion des genres, pouvez-vous nous en dire plus ?
C'est toujours un petit peu le travail de mon exposition et de mes collections. L'androgynie m'a toujours beaucoup inspirée : à travers le passé de Renoma, mais surtout dans les années 70. Pendant lesquelles les hommes étaient ultras féminisés. Au niveau des coupes, des couleurs, des matières, ils portaient du velours, des fleurs : il n'y avait pas encore cette barrière. Je trouve que le fait de casser les codes vestimentaires, la personnalité ressort beaucoup plus. Une femme en smoking, c'est mille fois plus féminin qu'une femme qui se serait trop apprêtée. Ça fait ressortir quelque chose d'un peu plus glamour. Moi ça m'intéresse de travailler cette ligne-là.
©Frédéric Monceau
Pourquoi avoir choisi le corps-à-corps pour « Dancing smoking » ?
J'aime bien le corps-à-corps, je trouve que c'est un lien important. La peau, les corps et en même temps le fait de voir peu de vêtements, ça m'aide à les imaginer par la suite, à comment je vais pouvoir les habiller . Je trouve que c'est important dans mes images de voir ce côté tactile.
Quelles sont vos inspirations ?
En ce moment, évidemment, c'est la danse. On s'est plongé dans tous les ballets, tous très variés. On y trouve des parties de Pina Bausch et des parties beaucoup plus actuelles beaucoup plus modernes. Finalement c'est de l'expression corporelle d'où ce mélange des genres.
©Frédéric Monceau
Le corps humain se met lui-même en jeu lors votre de exposition, comment avez-vous pu transmettre vos idées et vos réflexions à votre photographe Frédéric Monceau ?
On est très liés, on est toujours ensemble Frédéric Monceau et moi. Frédéric a apporté sa patte, son œuvre et sa technique. Quand je démarre un photo-shoot, je m'occupe des mannequins, des stylistes, donc finalement mon ADN est là.
©Frédéric Monceau
Votre père Maurice Renoma est un grand photographe et styliste. Son travail vous a-t-il influencé ?
Mon père fait beaucoup d'expositions aux Etats-Unis, au Japon, en Chine, à Singapour. Là en ce moment, il présente ses photos dans son exposition « Art Basel de Palm Beach » à Miami. Ses clichés sont exclusivement en noir et blanc. Il y a également, un travail que j'affectionne beaucoup, qu'il fait depuis de nombreuses années, ce sont les silhouettes en costume, en smoking, avec des têtes d'animaux, un peu à la Cocteau. C'est comme un bestiaire, où d'un seul coup il y une revanche de l'animal sur l'homme. On y trouve aussi un mélange, les codes sont bousculés. On a toujours aimé mélanger les choses mon père et moi. (rire)
©Frédéric Monceau
Au sein de la photographie, y a-t-il certains photographes qui vous inspirent ?
Le premier qui me vient à l'esprit, c'est Miles Aldridge que j'adore. Il y a également Guy Bourdin, toujours dans le même esprit, je trouve qu'il y a beaucoup d'humour dans ses photographies. Il se joue pas mal aussi des codes. Ce qui m'a toujours également fasciné chez lui, c'est l'élément perturbateur dans ses images. Il y a Newton aussi, je perçois dans ses photographies, une surféminisation avec ce côté masculin.
Puis il y a mes souvenirs d'enfance mon père a beaucoup fait de campagne avec Newton, Serge Gainsbourg, Jane Birkin. Il y a également Dominique Serban ou encore David Bellec, photographes avec qui il a travaillé énormément. Je pourrais en citer des tonnes (rires). D'un Miles Aldridge à un Newton, tout le monde à son univers et c'est ça qui est intéressant ! J'aime ce côté un peu affectif dans l'histoire de la marque. C'est quand le photographe arrive d'un seul coup, à vous plonger dans une histoire. Finalement, quand on regarde une photo, on a envie qu'elle nous raconte quelque chose.
Pour admirer la collection de Stéphanie Renoma, il vous suffit de visiter son site web : http://www.stefanie-renoma.com !
Propos recueillis par Shéhérazade Hamidi