© Raymond Depardon - Berlin
1962 : la première rencontre
« Rien ne me prédisposait à avoir cette relation particulière avec Berlin. » avoue d'emblée Raymond Depardon. Ce fut un peu le fruit du hasard et de reportages commandés par la presse.
Avant le grand voyage dans l'Histoire, le livre s'ouvre sur une série du Berlin contemporain, notamment celui des touristes à l'assaut de l'héritage tragique de la ville, héritage qu'elle a su assumer en l'expliquant, en l'ouvrant au vu et au su de toutes et de tous, dans des musées toujours plus pédagogiques, à travers des sites, des monuments, des stèles, des marques etc. Pour la mémoire bien sûr mais aussi pour le recueillement.
© Raymond Depardon - Magnum - Berlin
C'est aussi la gueule d'acteur de Robert Kennedy aux côtés de Willy Brandt alors maire de Berlin ouest. L'homme politique américain était venu préparer le voyage de son frère : photos de convois officiels, de foule qui se presse, du checkpoint, de la ligne à ne pas dépasser : ACHTUNG ! Sie verlassen jetzt WEST-BERLIN
© Raymond Depardon - Magnum - Berlin
De Gaulle, Munich, l'extrême-gauche
Il n'y a pas que Berlin dans cet ouvrage. Raymond Depardon dépend de l'actualité et, selon elle, est envoyé dans d'autres villes. Il choisit ici de montrer Paris avec un cliché qui lui tient à cœur, on y voit De Gaulle et le chancelier Konrad Adenauer, tout sourire, en 1967. Le photographe explique le choix de placer ces photos parisiennes au cœur d'un ouvrage sur Berlin « parce qu'ils ont dit une chose essentielle : « Plus jamais ça ! » Plus jamais la guerre. » C'est qu'il a un sens aigu de l'histoire ce Depardon...
D'ailleurs, on croise aussi Munich pour ses tragiques Jeux Olympiques de 1972. Son cliché du jeune athlète israélien, installé à l'arrière du car et exécuté quelques heures plus tard, donne des frissons.
Puis, plus léger, Raymond Depardon immortalise le congrès de Tunix en 1978 qui réunit l'extrême-gauche européenne. On y croise les sourires de Deleuze et de Michel Foucault. On croit deviner celui de Depardon.
Il photographie également la grande manifestation devant les prisons où sont détenus des militants de la "Rote Armee Fraktion".
© Raymond Depardon - Berlin
La chute du mur
Coup de fil en 1989. « Raymond, tu as bien couvert la construction du mur de Berlin, dans les années 60 ? ». Raymond confirme. La voix lui annonce dans la foulée : « Eh bien, le Mur est en train de tomber ! ». Raymond repart.
Pas d'officiels ou de reine d'Angleterre sur ces photographies-là. L'événement est historique et avant tout populaire.
Depardon fait alors ce dans quoi il excelle, il shoote les anonymes, les moments de suspens, d'émotion contenue, de larmes refoulées et relâchées quelques mètres plus loin quand on est bien sûr que plus personne ne nous ramènera du « mauvais » côté.
© Raymond Depardon - Magnum - Berlin
© Raymond Depardon - Magnum - Berlin
Il y a une anecdote amusante sur la photo de couverture. Elle montre un punk assis à califourchon sur le mur et qui hurle de soulagement ou de colère. Depardon s'est d'abord félicité de l'avoir pris sans le poing levé. Puis quand une journaliste lui a proposé de le rencontrer parce qu'elle l'avait retrouvé, il a refusé, ça aurait été de la démagogie pour lui.
Raymond Depardon, l'objectif intègre.
Berlin
Fragments d'une histoire allemande
Raymond Depardon
Editions Seuil
Date de parution 06/11/2014
288 pages - 48.00 € TTC
Emilie Lemoine