Clément Chéroux
La photographie est-elle à vos yeux un atout de plus pour rendre la culture vivante au Centre Pompidou ?
Clément Chéroux : Oui bien sûr, la photographie est un atout essentiel de l’offre culturelle du Centre Pompidou dont la mission a toujours été transdiciplinaire. La photographie est présente en permanence dans le parcours du Musée, mais en plus de cela nous avons souhaité lui donner plus de visibilité en ouvrant la Galerie de photographies. La photographie est accessible, de plein pied dans le réel, en phase avec son époque, et surtout démocratique et c’est précisément pour cela que nous avons souhaité que la Galerie soit en accès libre.
Si vous deviez retenir un cliché de l'exposition actuelle du surréaliste français Jacques-André Boiffard, quel serait-il et pourquoi ?
C.C. : J’aime beaucoup le nu renversé de Renée Jacobi, la compagne de Boiffard qui fait la couverture du catalogue. C’est l’image d’une femme nue aux yeux fermés. Les surréalistes adoraient les personnages aux paupières closes, ils y en a beaucoup dans les tableaux de Magritte, Dali ou de Chirico. André Breton recommandait de « former ses yeux en les fermant ». Il voulait dire par là qu’il fallait se soustraire aux perceptions extérieures pour mieux retourner le regard vers l’intérieur, contempler ses rêves, son inconscient, ce qu’il appelait le « modèle intérieur ». C’est donc l’image d’un regard retourné, mais aussi d’un nu renversé, puisque Boiffard a fait subir à l’image une rotation à 180° de telle sorte que son modèle parait léviter ou flotter dans l’espace. C’est une image profondément surréaliste.
© Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais/
image Centre Pompidou, MNAM-CCI © MME Denise Boiffard
C.C. : Sur la scène de la photographie allemande, dont on sait combien elle a été importante ces dernières décennies, Anna et Bernard Blume ont représenté une sorte de double inversé du couple Becher. Autant les Becher étaient rigoureux, sérieux et conceptuels autant les Blume semblaient ironiques, décalés et subversifs. L’exposition Anna et Bernard Blume, la photographie transcendantale, montrera pour la première fois une œuvre monumentale de 25 mètres de long « Im Wahnzimmer » acquise par le musée en 2012. Le titre de cette œuvre monumentale « Im Wahnzimmer » est un jeu de mot sur la « salle à manger » qui se dit « Wohnzimmer » en allemand et le mot « Wahn » qui veut dire folie. Datée de 1984, elle s’inspire de photographies de phénomènes paranormaux qui ont régulièrement défrayé la chronique à l’époque et sur lesquelles les artistes se sont abondamment documentés. La pièce monumentale occupera une bonne moitié de la Galerie. L’autre partie présentera les photographies originales de lévitation, de déplacement d’objets à distance et de phénomènes de poltergeist (esprits frappeurs) qui ont tant fasciné le couple d’artistes.
A titre personnel, quels sont vos goûts en matière de photographie moderne et contemporaine ?
C.C. : J’aime la photographie dans toute son ampleur, autant historique que contemporaine, artistique que vernaculaire. C’est précisément ce très large champ d’application de la photographie dans tout le spectre de l’activité humaine qui m’intéresse. C’est cette diversité que j’essaie de défendre au Centre Pompidou, en montrant autant Henri Cartier-Bresson, Jacques-André Boiffard, que les Paparazzis.
(Propos recueillis par Emilie Lemoine)