@Nicolas Reitzaum
« Il ne faut pas traverser le Père-Lachaise, il faut se laisser traverser par lui » souffle-t-elle aux journalistes impatients, réunis dans le cimetière le plus célèbre de Paris, par un après-midi d'automne curieusement doux. Rencontrer Nathalie Rheims au Père-Lachaise donne l'étrange sensation de suivre les pas d'une habitante des lieux. L'apparence y joue pour beaucoup : regard bleu perçant, épaisse chevelure blonde comme un casque d'or posé sur un visage blanc comme la lune. A l'occasion de la sortie du livre Le Père-Lachaise Jardin des ombres..., elle nous a proposé une balade sur les pas d'Adelaïde, une fillette de cinq ans inhumée en 1804, et sur celles des photographies de Nicolas Reitzaum. Extraits d'une conversation d'outre-tombe.
Sur les pas d'Adelaïde et de Nicolas Reitzaum
« En 1804 le Père-Lachaise devient le cimetière de l'Est. Il y a alors une première inhumation, une petite fille de cinq ans et cinq mois qui s'appelle Adelaide Paillard de Villeneuve et c'est quand Edouard (son éditeur ndlr) m'a certifié que cette petite fille avait bien été inhumée ici, que j'ai su que j'avais trouvé mon fil d'Ariane. J'avais trouvé la petite fille pour me tenir la main et me faire traverser ce jardin des ombres de manière à la fois romanesque, livresque et en même temps historique. Ce qui était important c'était de faire voyager les lecteurs, et notamment à travers les très belles photos de Nicolas Reitzaum, des images splendides ! Tous les deux, on passait toujours à travers Edouard à qui j'envoyais les textes, et ce qui est drôle c'est qu'Edouard m'envoyait les photos et que souvent les choses étaient assez concomitantes ! On a finalement très peu communiqué Nicolas et moi... ».
© Nicolas Reitzaum
© Nicolas Reitzaum
"Ça me paraissait tellement prétentieux d'accepter un tel projet !"
« Trois mois d'écriture c'est beaucoup ! J'ai été impressionnée par le lieu, on était aux trois quarts du texte quand mon éditeur m'a dit "Quand même vous ne voulez pas faire un tour avec un guide ?". Et alors qu'on était avec l'un des meilleurs guides du cimetière, au bout de deux minutes j'ai dit à Edouard "Il faut que je m'en aille Edouard, il faut que je m'en aille !". Tout à coup je me suis dit "Ça je n'en ai pas parlé, ça je ne l'ai pas fait" et ça a été une sorte de vertige ! Je me suis dit "Vite rentre à la maison et ferme la porte !". Quand on est revenus ensuite avec Nicolas Reitzaum j'étais libérée d'une certaine façon... On ne peut pas traiter 44 hectares dans un livre. Ça me paraissait tellement prétentieux d'accepter un tel projet ! Pour moi c'était le lieu où la petite fille venait se promener avec son père qui était académicien français qui m'expliquait les choses que je voyais, tout à coup c'était la petite fille de mon père qu'on venait chercher pour faire ça. Quand Edouard m'a dit qu'il était fier de moi j'ai failli pleurer ! » ».
© Nicolas Reitzaum
« Ils hurlaient pour que les gardiens leur ouvre la porte ! »
« Ce qui m'a intéressée, c'est la légende de la comtesse Demidoff, qui le plus grand mausolée du cimetière ! Il y a trois énormes étages avec son sarcophages en pierre et tous les symboles du vampirisme, les loups, les hermines, le chiffre huit symbole de l'infini... A l'intérieur repose son cercueil en cristal de roche et un testament, toujours valable, qui est chez un notaire à Paris où elle dit laisser deux millions de roubles en or pour qui dormira 365 nuit et vivra 365 jours dans son mausolée. Celui qui a tenu le plus longtemps, a duré huit jours, et ceux qui s'y sont essayés n'ont tenu que deux trois jours ! Parce qu'évidemment la nuit, vous êtes plongés dans le noir et l'obscurité totale... On raconte qu'ils ont vu, entendu et vécu des choses absolument atroces et ils ont détalé ! Ils hurlaient pour que les gardiens leur ouvrent la porte. Ces deux millions de roubles sont donc toujours disponibles pour qui voudrait venir dormir un an auprès de la comtesse Demidoff ! »
Mausolée Comtesse Demidoff © Nicolas Reitzaum
La « lanterne des morts »
© Nicolas Reitzaum
« La « lanterne des morts », c'est comme ça que je l'appelle ! C'est la plus haute sépulture du Père-Lachaise, elle fait 22 mètres, c'est le seul endroit du cimetière d'où l'on voit la tour Eiffel. Félix de Beaujour était un architecte, un voyageur, un explorateur et il s'est fait construire cette sépulture sans doute aussi parce que voilà, aujourd’hui on se dit « Oh cette énorme tour ! Mais qui c'est ? C'est Félix de Beaujour ! Ah oui mais qui est Félix de Beaujour ? » et à l'intérieur il y a un escalier qui monte tout en haut où sont gravés dans la pierre tous ses principaux voyages qu'il a aimé faire.... donc en fait on connaît Félix de Beaujour parce qu'il a la plus haute tour du Père Lachaise ! Il y en a qui ont fait le pari de la lutte contre l'oubli en se dessinant des monuments incroyables alors que parfois les gens les plus illustres, Proust, Colette, reposent sous de simples dalles. Ils ont fait un pari de simplicité sur l'éternité, et ils ont bien fait parce que l'éternité a décidé pour eux... ».
Propos recueillis le 30/10/14 par Emilie Lemoine
Relié: 221 pages
Editeur : MICHEL LAFON (16 octobre 2014)
Langue : Français
ISBN-10: 2749923409