C'est ainsi qu'a commencé l'aventure de Sacha Goldberger dans l'univers de la photographie. Mais il ne s'est pas arrêté là, loin de là. « Ensuite, j'ai fait un deuxième livre avec un rolleiflex, et, quand j'étais DA, j'ai demandé à quelqu'un avec qui j'avais l'habitude de travailler de me donner des cours. Là, j'ai fait un livre entier avec du moyen format, en argentique. A un moment donné, j'ai décidé de devenir photographe, donc j'ai fait une école, je suis allé aux Gobelins, j'avais 37 ans. J'ai fait des stages dans des studios photos, j'ai assisté des photographes, c'est mon deuxième métier. »
Après s'être fait connaître grâce aux images mythiques de sa grand-mère, Mamika, il explore aujourd'hui d'autres univers photographiques, tout en gardant en tête l'idée de raconter des histoires.
Sa nouvelle série, Super-Flamands, est exposée jusqu'au 4 octobre prochain à Paris, à la School Gallery. Et si vous souhaitez voir ces images, il vous faudra vous rendre à la galerie. Sacha Goldberger espère qu'aucune photo ne sera publiée sur internet, nous respectons ce choix, et entretiendrons ce suspens grâce à quelques images floutées que l'artiste a bien voulu nous autoriser à diffuser.
Entretien avec Sacha Goldberger, l'artiste qui conte des histoires à dormir debout.
© Sacha Goldberger
Vous souvenez-vous de votre première photo publiée ?
Les premières photos que j'ai faites sont celles du livre Je t'aime qui étaient complètement floues et pas terribles, mais qui étaient des idées. Les vraies premières photos que j'estime être des photos et non des idées, les images travaillées, ce sont celles de ma grand-mère. A l'époque, c'était le début de MySpace. C'était sympathique, car on postait des choses, et les gens commentaient. Cela nous a donné, avec ma grand-mère, l'envie d'en faire d'autres.
Les premières vraies photos publiées, c'était pour le magazine WAD. Je leur ai montré des photos que j'avais fait de ma grand-mère, et on a fait une série dessus.
Y a-t-il des photographes en particulier qui vous ont inspiré ?
Il y en a beaucoup. Je suis très fan de Grégory Crewdson par exemple. Mais aussi d'Erwin Olaf. J'aime bien les situations. Je ne suis pas un reporter, je ne vais pas aller voler des choses, ça ne m'intéresse pas. J'ai beaucoup de respect pour cette profession, mais ce qui m'intéresse, c'est de fabriquer des images, raconter des histoires.
Je suis très fan de Paolo Roversi, dans un autre style. J'ai beaucoup de respect pour le travail de David LaChapelle. Dans certaines séries, il a une volonté de raconter des histoires. J'avais adoré sa série de ces femmes sorties de chez elles après le crash d'un avion.
Quelle histoire racontez-vous dans cette exposition Super-Flamands ?
Ce qui était compliqué, c'est que j'ai travaillé longtemps sur ma grand-mère, j'ai fait beaucoup de sujets autour de ce thème, mais là j'avais envie de travailler sur d'autres choses, qui me sont propres et qui me touchent. Je suis fan de super-héros, mais j'ai vécu avec la peinture flamande depuis tout petit, et ses clairs-obscurs. J'ai donc d'abord fait un premier travail sur des femmes, pour essayer de comprendre la lumière, les décors... Et quand j'ai été au point par rapport à tout cela, j'ai pensé à ce projet là, et je me suis demandé : « Que se passerait-il si demain Hulk était photographié ou peint par van Eyck ? » L'idée n'est pas de faire des sosies, mais d'arriver à avoir de vrais personnages. Nous avons donc fait 8 mois de casting, et la casteuse a trouvé des gens très ressemblants. Je pense que cette série est proche de la réalité.
© Sacha Goldberger
© Sacha Goldberger
Quelles réactions aimeriez-vous que le public ait face à ces images ?
La seule chose que je me suis dit en voyant ces images, c'est que j'aimerai bien les avoir chez moi. Je trouve qu'il n'y a rien de pire que les gens qui ont leurs propres images chez eux. Mais là, je me suis dit « J'aimerai bien avoir Hulk à la maison ! » (Rires)
J'aimerai bien qu'on me reconnaisse pas seulement pour les photos que j'ai fait avec ma grand-mère, et pour le rapport que j'ai avec elle, mais pour d'autres choses.
L'intérêt de la peinture flamande, c'est que les gens sont très humains et très touchants, et c'est ce que j'avais envie, amener ces super-héros très froids dans une sphère plus humaine, vivante. J'espère que je vais toucher les gens dans ce sens là.
© Sacha Goldberger
Et la suite ? Votre grand-mère sera-t-elle toujours présente dans vos clichés ?
Elle est dans tous mes projets. Pour celui-ci, j'ai fait des photos d'elle, qui ne sont pas exposées mais que j'exposerai sûrement. Tous mes super-héros à moi ont été shootés !
Ma prochaine série sera sur la famille et le poids de la famille, donc elle fera partie de la série. Mais aujourd'hui, elle a 95 ans, et je pense aussi qu'après 8 ans de photos avec elle, ça fait aussi du bien de passer à autre chose.
Propos recueillis par Claire Mayer