Daniel Beltrá © Robert Leslie
Daniel Beltrá rejoint EFE, l'agence nationale d'information espagnole, et y travaillera jusqu'en 1992. Puis il sera correspondant pour Gamma en Espagne.
Parallèlement à cette carrière déjà riche, le photographe débutera une étroite collaboration avec Greenpeace, organisation non gouvernementale de protection de l'environnement. Il devient l'un de leurs principaux photographes.
« J'ai toujours aimé la nature. Ma principale préoccupation est les histoires d'environnement. » Ainsi, la carrière de Daniel Beltrá est celle d'un photojournaliste chevronné, mais aussi d'un photographe de nature hors-pair.
Membre du jury de l'édition 2014 du World Press Photo, Daniel Beltrá nous dit tout.
Comment êtes-vous devenu jury du World Press Photo ?
Ce sont eux qui m'ont contacté. En 2006 et 2007, j'avais déjà reçu des prix du World Press, mais je n'ai été jury au World Press auparavant qu'en 2012. A ce moment-là, j'étais uniquement jury pour la section nature. Il y a en effet depuis 2-3 ans plusieurs catégories (nature, sport, portraits ect ..) qui ont été mises en place. Cette année, j'ai fait partie du jury pour toutes les catégories, et pour les deux tours de sélection.
Que pouvez-vous nous dire à propos des images que vous avez vu ?
Dans la catégorie nature, les images de séries étaient nettement meilleures que les images prises seules. Ce qui est tout à fait normal, puisque les photographes de nature travaillent sur du long terme, sur des projets plus conséquents, ils ne font en général que rarement des images isolées.
D'une manière générale, ce qui est sûr c'est qu'il était flagrant que la profession manque de moyens. Mais le niveau était très élevé, et j'étais très satisfait de la sélection finale.
L'année a été chargée du point de vue de l'actualité, il y a eu beaucoup de sujets sur les conflits (Syrie, Egypte, Tchétchénie...) et le choix a été difficile.
Je suis très content d'avoir participé à la sélection du prix du World Press Photo de l'année, remporté par John Stanmeyer.
Justement, que pensez-vous de cette image ?
Cela m'a beaucoup plu que l'on s'éloigne de ces images de guerre, de souffrance. Vous savez, dans le jury, sur 9 personnes, nous étions 6 à être des immigrants. En plus de cela, l'usage et surtout la place des téléphones portables dans nos vies est prépondérant.
Cette image est évocatrice, car elle permet une conversation intéressante. C'est, pour ces migrants, un nouvel espoir qui luit sous cette lune. J'ai vraiment beaucoup aimé cette photo.
© John Stanmeyer / VII Photo Agency
Que pensez-vous de la polémique qui entoure d'ores et déjà cette photographie de John Stanmeyer ?
Beaucoup disent que sans légende, cette photo n'est pas compréhensible. Mais c'est le cas pour toutes les images. Elle doivent au moins renseigner sur le lieu de la prise de vue, et le moment.
Au départ, je me suis demandé si ces personnes assistaient à une éclipse ou un phénomène du genre. Puis, je me suis posé la question d'un signal.
Cette photographie est riche et s'ouvre aux interprétations, et surtout aux problèmes de l'immigration. Elle explicite aussi le fait que l’électronique tient une place prépondérante dans nos vies.
Il est important de savoir que nous ne connaissons pas les auteurs d'une image lorsque nous faisons nos choix. Nous en apprenons l'auteur une fois la sélection terminée. La seule chose, c'est que lorsqu'un membre du jury a une relation particulière avec l'un des photographes, cela est précisé par le secrétaire du jury, qui est la seule personne à connaître le nom des photographes avant les délibérations. J'ai ainsi appris que John Stanmeyer était en relation avec Gary Knight, membre du jury (tous deux font partie de l'agence Photo VII). Mais cela nous avait été spécifié, et n'oublions pas également que toutes les voix comptent, elles ont toutes la même valeur.
Ce qui est dommage, c'est que ces polémiques nous éloignent du sujet.
Que pensez-vous de l'image de Paul Hansen qui a remporté l'année dernière le World Press Photo de l'année ? Et de la polémique qui l'a entouré ?
C'est une très bonne image, mais je préfère celle de cette année. Pour le reste, étant donné que je ne faisais pas partie du jury l'année dernière, je ne peux rien ajouter.
En revanche, le World Press Photo s'attache vraiment à juger les images en faisant attention à celles qui pourraient être manipulées ou modifiées. Il s'agit de la plus ancienne distinction en matière de photographie, elle est très sérieuse et très bien étudiée, tout est vérifié. C'est un système clair, et juste.
Que pouvez-vous nous dire à propos des nouvelles règles du concours ?
C'est important. Nous avons été très surpris, avec les autres membres du jury, du nombre d'images manipulées que nous avons reçu. C'est très important que les images ne le soit pas, qu'elles soient montrée dans leur état brut, le public doit croire ce qui lui est montré, et cela doit être la vérité !
Mais quelles sont les règles à appliquer ? Où est la limite ? Ajuster des couleurs, ou encore retirer la poussière qui restait sur l'objectif est-il acceptable ? C'est compliqué, car il est très difficile d'écrire ces règles.
Par exemple, lorsque je veux réaliser des images de nature en grand format pour une exposition, je dois faire attention au détail, mais tout ce que je montre doit tout de même être la vérité, c'est essentiel.
Il faut que les photographes qui font du photojournalisme soient conscients qu'il s'agit de la vérité, de faits qui sont montrés ! Ce qui est, bien évidemment, totalement différent de la photo d'art, qui peut être retouchée sans problème, puisqu'il s'agit alors d'une invention.
Quels sont vos coups de cœur pour cette édition ?
Il est difficile de parler de coups de cœur, il y avait tellement d'images fantastiques... En revanche, certaines photos m'ont particulièrement marquées.
Comme par exemple celle de Maciek Nabrdalik « Nicolette at the orphanage ». Au départ, je ne l'ai pas aimé. Et puis, après trois secondes d'étude, j'ai adoré, vraiment l'image de cette petite fille dans un orphelinat polonais, à côté de jouets dont finalement elle n'a pas d'égards puisqu'elle n'a plus de famille, m'a bouleversé. Certains photographes membre du jury, habitués aux conflits, avaient les yeux humides.
© Maciek Nabrdalik, Poland, for VII
22 December 2013, Poland
Nicolette sits in a meeting room at the orphanage where she now lives in Warsaw, Poland. In October 2013 she and her four older brothers were removed from their home. Her mother was expected to spend few months in prison for stealing electricity, and her father was not considered fit to take care for his children on his own. Her parents are allowed to visit three times a week.
La photo de Goran Tomasevic de l'explosion en Syrie m'a également marqué. C'est un photographe hors-normes !
© Goran Tomasevic, Serbia, Reuters
30 January 2013, Damascus, Syria
Syrian rebel fighters take cover amid flying debris and shrapnel after being hit by a tank shell fired towards them by the Syrian Army in the Ain Tarma neighborhood of Damascus.
On 30 January 2013, a Syrian rebel group planning an attack on government forces is hit by sniper fire in Damascus, Syria. After evacuating their comrade, who was shot in the chest and would later die from injuries, the rebels return to attack the checkpoint with rocket fire. Subsequently, government forces fired tank shells at the rebels. The rebels eventually retreated for the day to mourn the death of their comrade.
Brent Stirton aussi, avec ses images troublantes des albinos en Inde.
© Brent Stirton
Blind Indian Albino Boys
25 September 2013
A group of blind albino boys photographed in their boarding room at the Vivekananda mission school for the blind in West Bengal, India. This is one of the very few schools for the blind in India today. West Bengal, India.
Ou encore Steve Winter, qui a présenté de fantastiques images de nature.
© Steve Winter, USA, for National Geographic
A camera trap catches a cougar returning to feed on an elk carcass under a full moon in Wyoming’s Bridger-Teton National Forest. A cougar will usually drag a kill to a safe spot, conceal it with brush, and return to it to feed over the course of several days.
Cougars are among the most adaptable and widespread terrestrial mammals in the Western Hemisphere, with a range that extends from the tip of Chile to the Canadian Yukon. They are increasingly being seen in and around towns and cities, including Los Angeles and in the Hollywood Hills. Fear of these secretive cats, combined with a lack of adequate public knowledge, tends to justify the thousands of cougars killed every year. Scientists in Wyoming’s Teton National Forest are outfitting them with GPS collars and camera trapping to learn more about basic behaviors and to lift the veil of mystery surrounding them.
Il y avait une grande quantité d'images impressionnantes.
Avez-vous des projets à venir ?
Oui, j'ai toujours beaucoup de projets à venir ! (rires). Je prépare actuellement un livre photo sur la forêt tropicale. J'ai également d'autres projets, mais comme il s'agit de photos aériennes, cela demande plus de moyens.
Propos recueillis par Claire Mayer
Image principale portrait de Daniel Beltrá © Robert Leslie