Au départ tournée vers le film documentaire, Andrea Star Reese doit pourtant poser sa caméra après qu'une blessure à l'épaule l'empêche de continuer. Elle décide alors d'utiliser un appareil photo, et part étudier à l'International Center of Photography School, pour suivre le programme en photojournalisme. Sa carrière de reporter débute avec un sujet sur les sans-abris à New York, exposé à Visa pour l'image en 2010.
Cette année à Visa pour l'image, c'est un sujet difficile à regarder que nous propose la photographe, la maladie mentale en Indonésie.
Cela fait plus de dix ans qu'Anne vit enfermée dans une pièce sans fenêtre, à l'arrière de la maison familiale. Enfant, elle adorait courir, mais aujourd'hui elle ne peut même plus se tenir debout. Ses difficultés ont commencé après avoir échoué à un test de recrutement. La nuit, on peut l'entendre chanter le dangdut (musique populaire). Brebes, Java, Indonésie, 9 octobre 2012 © Andrea Star Reese
Comment avez-vous eu connaissance de ce sujet sur le traitement de la maladie mentale en Indonésie ?
J'étais à l'Angkor Photo Festival en 2010, et j'ai décidé une fois là-bas d'aller en Indonésie comme c'était à côté. Je suis d'abord allée à Jakarta. Je travaillais avec un ami, et j'ai vu un homme qui avait l'air d'être un sans-abris, et qui semblait avoir des troubles mentaux. J'ai alors demandé à mon ami ce qu'il se passait pour les gens qui souffrent de troubles mentaux. Il m'a répondu qu'il ne savait pas, mais que cela devait être dur pour eux. Ainsi, j'ai voulu commencer mon projet. Quelques mois plus tard, je suis revenue, et nous avons commencé. J'ai travaillé avec une équipe, j'ai débuté des recherches. Quand j'ai eu terminé, mon fixeur m'a aidé à entrer en contact avec les gens. Nous avons tout mis en œuvre pour rendre ce projet possible. Ce n'est pas un projet commercial, mais il a véritablement un cœur.
Comment les gens ont-ils réagi lorsque vous êtes arrivée dans ces centres ?
J'ai été la bienvenue dans la plupart des endroits où je me suis rendue. Même s'ils me refusaient parfois les accès, ils me parlaient, m'accueillaient, expliquaient la situation, m'invitaient chez eux... Même s'ils ne m'autorisaient pas à photographier leurs femmes, leurs sœurs ou leurs enfants, ils me parlaient, j'étais la bienvenue partout.
Nurhammed, un travailleur social bénévole (traité lui-même pour trouble bipolaire), explique à Saepudin qu'il peut être soign avec des médicaments. Ce programme expérimental de bénévoles rendant visite à des patients pour distribuer des médicaments vient de prendre fin. Les soins ne sont désormais disponibles qu'à l'hôpital, ce qui signifie risquer de se retrouver hospitalisé et enchaîné. Saepundin vit avec des entraves aux pieds (pasung) depuis neuf ans, dans une pièce à l'arrière de la maison familiale. Ses jambes sont maintenant atrophiées. Cianjur, Java Ouest, Indonésie, 3 septembre 2011 © Andrea Star Reese
Qu'est-ce qui a été le plus difficile pour vous à réaliser ?
Partir. Je me suis rendue sur place 5 fois, deux mois à chaque fois. Encore maintenant, comment les quitter, comment les laisser là-bas ? Je ne peux pas faire changer les choses, je peux juste prendre des photos et espérer que les gens pourront faire changer les choses. J'essaie de contribuer à leur effort. Je suis une partie positive de tout cela. L'information vous permet d'atteindre un monde que vous ne connaissiez pas.
Propos recueillis par Claire Mayer