Autoportrait © Costa-Gavras
A 80 ans, Costa-Gavras est loin d'avoir perdu son humour et son goût artistique. Eminemment connu pour sa carrière cinématographique, l'on se rappelle aisément Z, son premier grand succès en 1969, et plus récemment Amen (2002), Eden à l'ouest (2009), ou encore Le Capital (2012).
Pourtant, Costa-Gavras ne manie pas uniquement avec brio l'art cinématographique, il est également un photographe de talent. Comme beaucoup, il aime la photographie, comme beaucoup, il aime faire des images de ses amis, sa famille, d'évènements marquants.
La Maison européenne de la photographie a choisi d'exposer ces photographies, soigneusement choisies. Des images de personnalités politiques, du cinéma, de la chanson, ses amis, sa famille, mais aussi des scènes de mai 68, ou encore de manifestations comme celle contre le SIDA ou le racisme.
Rencontre avec l'artiste, passionné et passionnant.
Yves Montand et Romy Schneider en repérage pour le film Clair de femme, 1978 © Costa-Gavras
William Klein, 1999 © Costa-Gavras
Vous êtes bien sûr connu pour vos œuvres cinématographiques, et dans cette exposition le public découvre votre penchant pour la photographie. Que représente-t-elle pour vous ?
C'est très émouvant. Jean-Luc Monterrosso (fondateur et directeur de la Maison européenne de la photographie ndlr) a su que je faisais des photos, et il a voulu les voir. Je l'ai laissé voir, et il a fait un choix. J'avais des planches d'images, qui n'étaient pas tirées, ni encadrées. Il y a même des images que j'avais oublié, celles de mai 68 en particulier.
Je faisais des photos comme ça pour le plaisir, pour les amis, la famille. Mais je n'ai jamais pensé que j'allais un jour exposer mes photos.
Je suis plutôt surpris, je n'ai pas vu l'accrochage, et quand je suis entré dans la salle d'exposition et que je l'ai découverte, j'ai été étonné, surpris, et même un peu ému..
Qu'offre pour vous la photographie, contrairement au cinéma ?
J'ai appris à faire des photos à l'école de cinéma. Ce qui était magique, c'était de voir qu'on appuyait sur le déclencheur, on ne voyait alors pas ce que l'on faisait, et un jour après, une semaine voire dix jours après, l'on voit au révélateur ce qui en sort. Puis l'on développe, on imprime, et sur une page blanche sort un univers qui raconte une histoire.
Ce que j'adore dans la photographie, c'est qu'avec une image seulement, l'on raconte une histoire, ce que l'on ne peut pas faire avec le cinéma, car il faut beaucoup d'images pour cela !
Salvador Allendechez les Mapuches au sud du Chili, 1971 © Costa-Gavras
Fidel Castro recoit des cinéastes européens, 2003 © Costa-Gavras
Quels sont les rapports entre les deux médiums artistiques ?
Quand on fait du cinéma, on produit des milliers de photos, 24 photos par seconde (rires), et quand l'on réalise des photographies, on cherche le cadre, le personnage, la lumière ect... Ce sont des relations très différentes, mais le cinéma, c'est aussi comme faire une photo.
Vous souvenez-vous de la première photographie que vous ayez prise ?
Oui, très bien, c'était à l'IDHEC (institut des hautes études cinématographiques ndlr). Un professeur vient nous expliquer quelque chose, et j'avais par hasard un appareil dans les mains. Ce professeur, c'était Leiris. Nous étions devant une vitrine d'objets, et j'ai pris ma première image.
Manifestation qui rapelle les ravages du SIDA, New York, 1990 © Costa-Gavras
Manifestation, place de la République, Paris, 2002 © Costa-Gavras
Quelles sont les figures de la photographie qui vous ont inspiré ?
Les grands classiques, comme Cartier-Bresson, Riboud. J'aime beaucoup Newton, ses images ont une sensualité un peu chic, elles sont formidables.
Vous les avez rencontrés ?
Oui, tous : Riboud, Cartier-Bresson...
Avez-vous une image favorite ?
Pas vraiment... Peut-être celle de ma femme, qui est la première image de l'exposition.
Continuez-vous à prendre des photos ?
J'en prends toujours, mais pas pour en faire des expositions, comme je fais depuis toujours. J'ai toujours un appareil photo sur moi, un leica 35 mm.
Chris Marker, Place Rouge, Moscou, 1970 © Costa-Gavras
Propos recueillis par Claire Mayer